Des médias indépendants. Oui mais de qui ?

Des médias indépendants. Oui mais de qui ?

Libération fait sa une sur l'indépendance des médias. En évitant soigneusement certaines questions qui fâchent. Débat.

Indépendants ! Les Français veulent des médias indépendants, nous apprend Libération du 16 octobre. Tout à fait d'accord. Oui mais indépendants de qui ? Ouvrons le quotidien, la question n'est abordée principalement sous un seul angle dans le sondage LH2 : les médias sont-ils indépendants ou dépendants du pouvoir politique ? Or, des années d'enquêtes et la simple observation du fonctionnement médiatique nous apprend que la vraie question est ailleurs : il faut des médias indépendants certes, mais d'abord et avant tout du monde économique, devenu aujourd'hui beaucoup plus puissant que les exécutifs politiques. Les Français ne s'y trompent pas dans leurs réponses, d'ailleurs : seuls 37% des Français jugent les médias « plus dépendants du pouvoir politique depuis l'élection de Nicolas Sarkozy ». Là encore, la confusion de l'enquête est manifeste : aucun média ne peut plus être la simple courroie de transmission d'un parti politique. Et l'argument de Libération sur les quatre journalistes ayant rejoint l'Elysée ou les ministères n'est guère convaincant : il y en eut presque autant lorsque François Mitterrand s'installa à l'Elysée en 1981, ayons l'honnêteté intellectuelle de le reconnaître.

En revanche l'amitié de Nicolas Sarkozy avec les grands patrons de média (Martin Bouygues, Arnaud Lagardère, Bernard Arnault, Vincent Bolloré) met le conflit d'intérêt au centre de la vie politique française, comme le montre l'enquête publiée par Marianne cette semaine.
Deuxième question, non abordée par le sondage et l'événement de Libération, l'homogénéisation médiatique qui a abouti, voici deux ans, au oui au référendum de 100% d'éditorialistes. Dans son éditorial, Laurent Joffrin appelle salutairement à « penser contre soi-même », reprenant curieusement cette antienne péguiste après Edwy Plenel, qui postula à la direction de Libération. Comme dans le cas de son concurrent, l'intention est louable. Mais la pratique lui tourne trop souvent le dos : penser contre soi-même implique à la fois d'observer le sarkozysme avec un oeil