A Asnières, un élu UMP commissionné par Sarkozy en 2004 ?
A Asnières, un élu UMP commissionné par Sarkozy en 2004 ?
Entre deux villas, avenue Flachat, les quatre étages de l'Hôtel des
finances. Le bâtiment domine ce paisible quartier résidentiel
d'Asnières (Hauts-de-Seine). Il renferme un scandale prêt à éclabousser
la mairie, et en particulier, l'adjoint à l'urbanisme, Antoine Bary,
fils de Louis-Charles Bary, le successeur de Nicolas Sarkozy à la
mairie de Neuilly. Il y a quelques semaines, selon plusieurs sources,
une enquête préliminaire à son encontre a été confiée à la BRDE
(Brigade de répression de la délinquance économique). D'autant plus que
l'affaire de l'immeuble de la rue Flachat n'est pas la seule sur
l'ardoise d'Antoine Bary.
Tout commence par un rapport de la Chambre régionale de la
Cour des comptes. L'institution se penche sur la gestion de la mairie
d'Asnières et conclut ses travaux fin octobre 2007. A l'équipe de
l'Hôtel de ville de les rendre publiques lors du conseil municipal
suivant. Particularité d'Asnières, Manuel Aeschlimann, le maire UMP,
n'organise qu'un conseil par trimestre – le minimum légal – et le
prochain se tient le 13 décembre. Or, une loi stipule que trois mois
avant le mois d'une élection municipale, la mairie doit attendre le
lendemain du scrutin pour révéler la teneur d'un tel rapport. A partir
du 1ier décembre, celui d'Asnières peut être gardé secret. « Dès que nous avons appris qu'Aeschlimann l'avait en main, nous avons réclamé un conseil municipal extraordinaire », souligne Sébastien Pietrasanta, conseiller municipal PS. Mais le maire refuse de l'organiser. Et il a de bonnes raisons.
Le rapport est assassin pour lui et son équipe. La chambre pointe des
frais de consommation de carburants exhorbitants, des honoraires versés
à des sociétés privées anormalement élevés, et des ventes qui profitent
à certains membres de la majorité. C'est le cas d'Antoine Bary. En
charge de l'urbanisme pour la ville, il est par ailleurs cadre
dirigeant d'Atisreal, une société de commercialisation immobilière,
filiale de BNP-Paribas.
« On n'est pas à Moscou »
Début 2004, l'immeuble du 51, rue Flachat, ancien siège de l'entreprise
asnièroise Dragoco, est à vendre. Le groupe Partouche est intéressé et
propose 2,7 millions d'euros. La mairie engage discrètement un droit de
préemption. Il est signé par l'adjoint, mais sans motivation. Première
anomalie : toute préemption doit être justifiée par un projet. « L'opposition proposait pourtant de consacrer ce bâtiment à une nouvelle école, se souvient le conseiller municipal Serge Danlos. Mais
Bary refuse de l'envisager et place sa femme à la tête de l'association
des parents d'élèves du quartier pour que les principaux intéressés
enterrent bien l'idée (à l'époque la construction d'une nouvelle
école est à l'étude, NDLR). » En conseil municipal, Antoine Bary
justifie son choix : l'immeuble de la rue Flachat « est une affaire privée. Or, nous sommes dans un pays de droit privé (…), on n'est pas à Moscou … ».
Officiellement, pas question de préempter, mais en coulisses, l'adjoint
s'active pour faire capoter la vente. Bary a d'autres projets pour le
bâtiment. Le propriétaire, après intervention des services municipaux,
décline la proposition du groupe Partouche.
Quelques mois plus tard, surprise, il le vend au ministère
des Finances, dirigé à l'époque par un certain Nicolas Sarkozy, pour
2,55 millions d'euros – moins que la proposition du premier acquéreur.
Rien d'illégal en soit, si ce n'est le fait troublant que lors de cette
vente, la société d'Antoine Bary empoche 121 992 euros de commission.
Si la transaction avec Partouche, la première, s'était concrétisée,
c'était une société concurrente à celle de l'adjoint qui remportait la
comission. Bary utilise sa fonction municipale pour faire capoter une
vente, et pour permettre à une suivante d'offrir à sa société une belle
enveloppe.
Ce n'est pas le seul soupçon de conflit d'intérêts que
pointe la Cour des comptes. Atisreal a aussi bénéficié de la vente de
logements et de bureaux, autorisée par la ville, sur une zone dite « la
ZAC Bords de Seine ».
Bary family
Silence radio à l'hôtel de ville. La mairie refuse de commenter des
informations contenues dans un rapport qui n'est, officiellement, pas
encore public. Et Antoine Bary n'a pas donné suite aux demandes
d'interview de Marianne.
« Bary n'a rien fait de son propre chef, Aeschlimann en a forcément eu connaissance »,
est convaincue Josiane Fischer, candidate divers droite aux municipales
et membre d'Anticor, une association de lutte contre la corruption. Le
maire se serait bien passé de cette affaire supplémentaire. Il est déjà
mis en examen pour favoritisme dans l'attribution d'un marché public,
aux côtés de Fabienne Van Aal. Cette directrice de la communication de
la ville, réputée très proche d'Aeschlimann – elle est aussi son chef
de cabinet – se trouve être la soeur d'Antoine Bary. Les familles des
Hauts-de-Seine ne sont pas toutes fréquentables.
Lundi 04 Février 2008 - 00:03
Nicolas Barriquand