Farc: Le calvaire des otages
Les sourires étaient de retour sur le visage de Clara Rojas (photo) et Consuelo Gonzalez. (Reuters)
Samedi 12 Janvier 2008
Clara Rojas et Consuelo Gonzalez ne veulent plus perdre de temps. Tel
est le message que les deux femmes, libérées jeudi par les Farc après
plus de cinq ans de captivité, semblent vouloir faire passer de
Caracas, où elles ont trouvé refuge en attendant de fouler à nouveau le
sol colombien. Alors que l'on aurait pu penser qu'elles goûteraient au
Venezuela à un repos ô combien mérité, elles ont au contraire saisi
toutes les occasions qui se présentaient à elles pour raconter ce que
fut leur vie dans la jungle. A commencer par leurs dernières heures en
tant que prisonnières et les adieux à leurs compagnons d'infortune: "Nous nous sommes quittés très tristes. Ce fut une image déchirante",
a raconté Consuelo Gonzalez à la radio colombienne Caracol, confirmant
avoir transmis aux autorités vénézuéliennes des preuves de vie de
certains d'entre eux.
Serpents et tarentules
Clara Rojas, de son côté, a exprimé son souhait de revoir au plus vite son enfant, le petit Emmanuel, "un cadeau de la vie", selon ses termes, né dans des conditions rudimentaires dans la jungle avant d'être recueilli, dans le plus grand secret, dans un orphelinat de Bogota. Elle a également profité de son "retour à la vie" pour parler d'Ingrid Betancourt, avec qui elle fut enlevée en février 2002, et dont elle était à l'époque la directrice de campagne. Elle a répété ne plus avoir de contact avec elle depuis trois ans. Les deux femmes ont été séparées peu de temps après la naissance d'Emmanuel, à qui Ingrid Betancourt chantait des berceuses en français. Autre anecdote, Clara Rojas a raconté une tentative d'évasion organisée avec l'ex-candidate écologiste à l'élection présidentielle. Tentative qui s'est malheureusement soldée par un échec. "Nous n'avons pas pu quitter les alentours du camp car nous ne pouvions pas nous orienter dans l'obscurité", a expliqué l'ex-otage, ajoutant qu'en représailles, les Farc avaient placé... des serpents, des tarentules et même une carcasse de félin dans leurs couchettes.
"La prise d'otages est un crime de lèse-humanité", a finalement jugé Clara Rojas lors d'une conférence de presse organisée jeudi soir. "En principe cela ressemblerait à une organisation criminelle". Un verdict qui fait écho aux propos tenus un peu plus tôt par Consuelo Gonzalez. "Les soldats et policiers otages vivent toute la journée avec une chaîne autour du cou", avait-elle précisé, toujours dans un entretien à la radio Caracol. "Quoi qu'ils fassent, où qu'ils aillent, se baigner, laver leurs vêtements, ils portent leurs chaînes." "Vivre en guerre est une horreur", avait-elle ajouté. "Nous vivions des situations à haut risque, horribles. Nous sentions pratiquement les bombes exploser à quelques mètres de là où nous étions."
Chavez-Uribe: Fin de la trêve
Or, pour Hugo Chavez, qui s'est délecté toute la journée des félicitations de la communauté internationale pour avoir contribué à la libération des deux captives, s'il reprend l'idée d'une guerre entre le gouvernement colombien et la guérilla, il refuse de qualifier cette dernière de groupe terroriste. "Ce sont des armées, de véritables armées qui occupent l'espace en Colombie", a-t-il affirmé à la tribune de l'Assemblée nationale, en parlant non seulement des Farc, mais également de l'ELN, l'armée de libération nationale, l'autre mouvement colombien de rébellion, de tendance castriste. "Je vous demande de commencer à les reconnaître comme des forces insurgées en Colombie et non comme des groupes terroristes", a lancé le leader vénézuélien à l'adresse de son homologue colombien, Alvaro Uribe. "Les groupes violents de Colombie sont des groupes terroristes, car ils n'ont créé qu'exodes, souffrances, chômage et pauvreté", lui a rapidement répondu son "meilleur ennemi" dans un communiqué. Le tout 24 heures à peine après avoir été contraint, un brin amer, de le féliciter pour la libération des deux otages.