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Mon Mulhouse2
11 octobre 2007

Les mercenaires occidentaux sur la sellette en Irak

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Les mercenaires occidentaux sur la sellette en Irak
                                   

      

L'implication de la firme Blackwater dans la mort de 17 civils irakiens relance le débat sur les sociétés militaires privées.

Pour le gouvernement irakien, qui a publié son rapport dimanche, Blackwater s'est rendue coupable de "massacre délibéré", le 16 septembre. Les employés de la société, qui assuraient la protection d'un convoi diplomatique américain, ont ouvert le feu sur la foule, place Nisour, à Bagdad. Au moins 17 morts et 22 blessés, tous civils.

L'enquête, ouverte à la demande du Premier ministre Nouri al-Maliki, a montré que ces tirs ont été déclenchés sans aucune justification, contrairement aux déclarations des gardes de Blackwater, qui affirment avoir riposté à d'autres tirs. Le gouvernement irakien exige une indemnisation de 8 millions de dollars par victime. Avec la mort de deux femmes sous les balles de gardes d'une compagnie australienne basée à Dubaï, mardi, la pression monte sur les "nouveaux mercenaires".

Le deuxième contingent militaire en Irak

Fondée en 1997 par un ancien commando de marine (les fameux "Navy SEALS"), Erik Prince, et basée en Caroline du Nord, aux Etats-Unis, Blackwater est aujourd'hui une des principales Sociétés militaires privées (SMP) dans le monde. Selon l'agence Reuters, elle emploie en Irak 1000 agents chargés de la protection de fonctionnaires du département d'Etat américain. Mais comme les autres sociétés de ce type, apparues sur la scène internationale au début des années 90, Blackwater est aussi active dans la protection des installations pétrolières, la logistique, la préparation ou l'exécution de combats, les interrogatoires, ou l'entraînement des policiers et militaires. Il y aurait environ 200 SMP en activité sur tous les continents, majoritairement américaines ou britanniques.

Un récent rapport du Congrès américain a montré qu'entre le 1er janvier 2005 et le 12 septembre 2007, Blackwater a été impliquée dans 195 fusillades en Irak. Ses agents ont tiré les premiers dans 163 cas. De son côté, le Los Angeles Times a révélé lundi que la mort d'un Irakien, le 13 août à Hillah, venait s'ajouter à ce bilan.

En Irak, les contractuels privés constituent le deuxième contingent en nombre, derrière l'armée américaine (168000 soldats) et avant les Britanniques (5500): entre 30000 et 50000 personnes, selon les sources. Les "contractants" sont principalement le Pentagone, mais aussi, comme on l'a vu, le département d'Etat américain.

"Leur rôle est appelé à se développer"

Pour un Etat impliqué dans un conflit à l'étranger, le recours à des SMP comporte de nombreux avantages. "Pour cette raison, leur rôle est appelé à se développer dans les années à venir", estime Philippe Moreau-Defarges, chercheur à l'Ifri.

Atout politique majeur: la mort d'un garde privé choque moins que celle d'un soldat. Le recours aux SMP est donc un excellent moyen de se défausser. Quitte à leur laisser une large liberté d'action, qui peut conduire à des dérapages comme celui du 16 septembre. Auparavant, deux autres SMP américaines, CACI et DynCorp, ont été mêlées aux tortures à Abou Ghraib. Une troisième, Triple Canopy, a renvoyé deux employés qui en avaient dénoncé un autre pour avoir tiré sans raison sur des civils irakiens...

Autre motivation pour les Etats, l'aspect financier. Même si les contractuels sont très bien payés -en Irak, les soldes tournent autour de 1000 dollars par jour-, pas de pension à reverser aux éventuelles familles en cas de décès. Les proches ont en effet souvent du mal à faire valoir leurs droits. L'ONU s'en est émue, à travers son Groupe de travail sur l’utilisation de mercenaires comme moyen de violer les droits de l’homme et empêcher l’exercice du droit des peuples à l’autodétermination, en constatant un recrutement massif de combattants dans les pays du Sud, particulièrement en Amérique latine.

"L’industrie du fromage est mieux régulée que l’industrie de la sécurité privée"

Ce n'est qu'un des problèmes posés par ces "nouveaux mercenaires": la "dilution" de la responsabilité étatique dans les actions militaires, l'absence de statut légal clair qui rend difficiles les poursuites en cas de dérives, la guerre et l'insécurité comme "business" lucratifs... Et les accusations de conflits d'intérêts.

La firme KBR, très active dans la surveillance des installations pétrolières, était jusqu'à peu une filiale de Halliburton, groupe dirigé par Dick Cheney jusqu'à son arrivée à la Maison Blanche. En 2006, l’ensemble des contrats alloués à des sociétés militaires ou de sécurité privées était estimé entre 10 et 100 milliards de dollars, selon les sources.

Ce flou arrange les grandes puissances, qui ne se pressent pas pour y mettre un terme en adoptant des règles, malgré les demandes du Haut commissariat aux droits de l'homme de l'ONU. "L’industrie du fromage est mieux régulée que l’industrie de la sécurité privée", constatait il y a quelques mois un chercheur américain, Peter Singer.

Si le scandale provoqué par la récente bavure de Blackwater a poussé les autorités américaines à réagir, on peut rester sceptique quant aux résultats concrets de ces annonces. A l'heure actuelle, seul un site Internet, Private Military, s'inquiète des dérives provoquées par les SMP. Mais son action à destination des victimes du nouveau mercenariat est desservie par des traductions automatiques calamiteuses. Là où le portail du lobby des SMP, doté d'un nom très politiquement correct -International Peace Operations Association-, propose son "code de conduite" en cinq langues.

      

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