Incroyable : à TF1, personne n'a jamais regardé TF1 !
Incroyable : à TF1, personne n'a jamais regardé TF1 !
Les agences spécialisées en communication de crise* appellent cela un
wording : un discours à retenir par cœur et à balancer chaque fois
qu'on est interrogé sur les sujets qui fâchent. A TF1, en ce moment,
ledit wording tient en un seul mot : «déstabiliser». Ainsi, «Madame,
Monsieur, bonsoir, les dessous du JT de TF1», le livre publié par un
collectif de cinq salariés (anonymes) de la rédaction de TF1, est une
«opération de déstabilisation» selon Patrick Poivre d'Arvor qui en est
l'une des principales cibles. Dans un article consacré à la chute
d'audience de la chaîne, Le Monde
du 7 février dernier rapporte lui aussi que PPDA, Claire Chazal et
Robert Namias (le directeur de l'info, guère ménagé non plus) sont
«déstabilisés» par la publication de cet ouvrage. En revanche, Nonce
Paolini, lui, n'a rien trouvé à redire à ce livre, si ce n'est qu'il
fallait le traiter par le mépris. Le directeur général de TF1 aurait
même refusé de diligenter une enquête pour démasquer les cinq auteurs
du pamphlet, malgré les supplications des stars de l'info que «Madame,
Monsieur, Bonsoir» a offusquées.
Blessés dans leur chair de journaliste
PPDA, qui a survécu à l'affaire Botton comme à la fausse interview de
Castro, qui a vu chacune de ses incartades narrées par le menu dans la
presse people, n'a pas apprécié qu'on le dépeigne en roi fainéant et
désabusé du 20 heures. Claire Chazal, dont l'anatomie comme les peines
de cœur n'ont plus de secret pour les lecteurs de Voici,
n'a pas supporté d'être décrite comme une créature fragile terrifiée à
l'idée d'être remplacée par une plus jeune qu'elle. Jean-Pierre
Pernault, dont le supposé cocufiage par Daniel Ducruet fut l'affaire de
l'été 2005, a mal pris l'image de beauf sympa que le livre donne de
lui. Quant à Robert Namias, qui, en douze années passées à la direction
de l'information a survécu à tout, il a trouvé très déstabilisant son
portrait de directeur de l'info qui a survécu à tout.
Car cette fois-ci, l'affaire est grave : ce n'est pas
seulement dans leur chair d'hommes et de femme que PPDA, Pernault,
Chazal et Namias sont blessés mais, osons le dire, dans leur chair de
journalistes. Des années au service de cette noble profession, pour
finir par être traité comme ça, mon Dieu !
Bref, ce n'est plus le missionnaire qui est visé, mais la mission toute entière… Et là, on se dit : «Incroyable, toutes ces années ils ont cru qu'ils travaillaient sur KTO ?»
. Comme une telle hallucination collective a peu de chances de se
produire, on conclura plus raisonnablement que les vedettes du JT de
TF1 ont tellement de boulot qu'elles n'ont pas eu le temps de regarder
leur chaîne depuis quinze ans. Elles n'ont donc pas pu voir, par
exemple, «La Roue de la fortune», co-animée par Dechavanne et une
créature blonde à la poitrine aussi avantageuse que sa jupe est courte
(d'où l'impression, lorsqu'elle se penche en avant, de visionner un
remake pas drôle d'Ultravixens) - une émission à peine caricaturée en «
roue du cul » par les Guignols de l'info. Pas vu non plus, Secret
Story, dont la deuxième saison, diffusée prochainement, s'annonce plus
trash encore que la première (où on avait pu voir, entre autres, une
femme en train de changer de sexe, une flic strip teaseuse et une jeune
femme affligée de TOC). Les crêpages de chignon entre voisins de «Sans
aucun doute», la vie des couples filmée dans «Confessions intimes» ?
Pas plus. Et les journaux télévisés qui donnent parfois l'impression
d'avoir été fabriqués dans la salle de montage de l'Elysée ? Encore
moins : c'est qu'ils bossent à cette heure-ci ! En fait, Chazal, PPDA,
Pernault et Namias ont les mêmes goûts : sur TF1, ils ne regardent que
téléfoot. Et rien d'autre.
* Exemples de crises : «Bien
que mon entreprise a réalisé de gros profits cette année, je souhaite
licencier 100 personnes : comment faire passer la pilule auprès des
salariés et des médias ?» ou encore «Un
livre vient d'être publié, qui raconte les dessous peu reluisants de
mon entreprise et de ses plus belles têtes de gondoles. Comment
décrédibiliser le brûlot ?»
Lundi 11 Février 2008 - 21:33
Bénédicte Charles