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Mon Mulhouse2
24 janvier 2008

"L'Hillary agressive et sournoise est de retour"

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"L'Hillary agressive et sournoise est de retour"
                          

 

Entretien avec le journaliste vedette Carl Bernstein, qui publie une biographie sans concession de la candidate.

Hillary Clinton mardi lors d'un meeting en Californie (Robert Galbraith/Reuters).

Carl Bernstein, journaliste vedette aux Etats-Unis, célèbre pour avoir révélé, avec Bob Woodward,  l'affaire du Watergate, vient de publier une biographie d'Hillary Clinton, à laquelle il a consacré neuf ans de recherche.

De l'étudiante passionnée à la candidate jugée trop froide, Carl Bernstein est revenu pour nous sur les évolutions de l'épouse de Bill Clinton.


Une scène très étonnante du livre marque les premiers moments célèbres d’Hillary Clinton puisqu’elle a été reprise à l’époque dans le magazine Life. Ça se passe en 1969. Hillary Rodham, présidente des étudiants de l’université, a été chargée d’un discours lors de la remise des diplômes. Elle doit prendre la parole après le sénateur républicain Edward Brooke. Alors qu’elle a préparé son texte, au moment de prendre la parole, elle abandonne ses notes et improvise un discours antiguerre exalté, dans lequel elle critique la tiédeur du sénateur et lui reproche de ne pas faire allusion au mouvement des droits civiques…

Dans cet épisode, on est loin de l’Hillary Clinton sans passion ni authenticité qu'on décrit souvent...

Oui, elle ne pouvait pas avoir préparé ses réponses au sénateur, jour-là. Encore aujourd’hui, dans les débats, elle ne peut pas savoir ce que les autres vont dire, donc elle doit improviser.

Je crois que si l’on remet en cause sa spontanéité, c’est parce que sa campagne est extrêmement disciplinée. Elle martèle le même message, encore et toujours. Ça a toujours été sa méthode, son style.

Le livre raconte aussi son premier échec: en 1973, à l’examen du barreau de Washington. C’est aussi la première fois qu’elle passe un examen sans pouvoir établir de relations personnelles avec les examinateurs. Paradoxalement, aujourd’hui, on lui reproche de ne pas être aussi douée que Bill Clinton pour communiquer avec ses interlocuteurs...  

En fait, elle est très forte pour établir la communication avec des gens dans une pièce. Les gens qui en font fait l’expérience sont très impressionnés. A cet examen, elle n’avait aucune occasion de conquérir des gens pour réussir son examen.

La critique qui lui est faite aujourd’hui concerne la présentation de sa campagne: le fait qu’elle semble robotique, pas spontanée, que toutes ses interventions semblent avoir été écrites.

  Vous racontez qu’Hillary Clinton envisage de se présenter à des élections quand les Clinton vivaient en Arkansas alors que Bill pensait au divorce. 

C’était en 1989. Bill Clinton lui avait fait comprendre qu’il envisageait de se séparer d’elle. Il lui avait dit qu’il était tombé amoureux d’une autre femme [Marilyn Jo Jenkins, une cadre d’Arkansas].

Elle était très malheureuse et très en colère. Je ne peux pas être dans sa tête, savoir si c’était l’amour ou la politique qui l’avait conduite à cette décision. C’était une époque difficile de leur vie.

Il était convaincu qu’il ne pourrait probablement jamais être candidat à une présidentielle. Il était déprimé. Il n’était plus attentif à son travail de gouverneur. Il se croyait amoureux, il était prêt à quitter son mariage.

Il ne l’a pas fait, en partie parce qu’Hillary ne l’a pas laissé faire. Il a alors décidé de se consacrer à sa famille. Elle et lui pensaient que ce serait une bonne idée qu’Hillary se présente au poste de gouverneur.

Ils ont demandé à (leur conseiller consultant) Dick Morris de faire des sondages. [qui indiquèrent que 'les gens pensaient que si elle se présentait au siège de gouverneur, elle servirait de prête-nom à son mari pour administrer l’Arkansas pendant qu’il ferait sa campagne présidentielle (….) ça la contrariait énormément. Et Bill encore plus', ndlr]. Qu’est-ce qui la motivait? Je n’en sais rien.

 

Hillary, chat
noir de Bill

 

"Mis à part l’exception notable des fredaines de Bill Clinton, les erreurs les plus graves, stratégiques et tactiques, de cette présidence sont imputables à Hillary -non seulement sa mauvaise gestion du projet d’assurance-maladie ou encore les soupçons de malhonnêteté qui faisaient planer un nuage noir sur leur gouvernement, mais les multiples faux pas ayant déclenché en 1994 l’arrivée massive de l’opposition dans un Congrès présidé par Newt Gingrich, ce qui mit fin à la période ambitieuse leur présidence, ainsi qu’à une majorité démocrate presque continue, à quelques exceptions près, depuis Franklin D. Roosevelt. Le recrutement inepte du personnel de la Maison Blanche, la désastreuse quête d’un ministre de la Justice, le fiasco du Travel Office, l’affaire Whitewater, le scandale dit du 'marché des matières premières', l’hostilité de sénateurs et de députés de premier plan -tout cela peut être imputé dans une large mesure à Hillary."

(Page 16 du livre.)

Pendant la présidence de Bill Clinton, Hillary a selon vous été responsable de ses principales erreurs (lire encadré)...

Oui, les erreurs les plus sérieuses peuvent être attribuées à Hillary. Parfois, elle apprend beaucoup de ses erreurs. De l’échec de son projet de réforme médicale, ou de ses années au Sénat, elle a tiré qu’il fallait parfois faire des compromis. Je ne sais pas si c’est par conviction ou tactique politique.

Ceci dit dans cette campagne, on assiste à un retour à la Hillary Clinton des années de la Maison Blanche, on retrouve son côté agressif jusqu’à être sournoise.

On a revu sa mauvaise foi dans la manière dont sa campagne a dépeint la position d’Obama sur la guerre en Irak ou sa remarque maladroite sur Martin Luther King. Ou encore quand elle botte en touche quand on lui demande, [lors du débat entre les démocrates] pourquoi elle et son mari refusent de rendre public certains documents concernant leur présidence, détenus par la "bibliothèque Clinton" [de Little Rock].   

Tout cela, ça nous renvoie aux campagnes passées des Clinton, à leur style 'pas-de-pitié!'. Et la vérité s’en trouve une des premières victimes.

  Hillary Clinton a mis les problèmes raciaux au coeur du débat des démocrates. Ses mots minimisant le rôle de Martin Luther King dans le mouvement des droits civiques ont été jugés maladroits. Maladresse ou provocation intentionnée?

S’il y a une chose d’admirable dans la vie politique des Clinton, c’est leur engagement , sur le sujet des tensions raciales, depuis qu’ils sont adolescents.

J’ai raconté dans mon livre l’effet que Martin Luther King avait eu sur elle [étudiante, Hillary adhère à sa philosophie non violente. A la nouvelle de son assassinat, elle fait irruption, tremblante dans une chambre d’université et se met à crier "Je ne peux plus supporter ça ! Je n’en peux plus !"]. Bill et Hillary Clinton sont deux personnes qui ont compris la tragédie des problèmes raciaux comme peu d'élus avant eux. Ils en ont une compréhension viscérale.

Il n'y avait pas de vraie raison d'aborder ce sujet. Si elle n’en avait pas parlé, personne ne l'aurait fait. Elle cherchait juste à remettre en question, une fois de plus, les compétences et l'image d’Obama. Sa sortie semblait calculée pour faire des vagues. La seule explication plausible de sa remarque, c’est que les Clinton ont essayé de secouer le cocotier politique. Je ne vois aucune autre bonne raison plausible de déclencher cette polémique nauséabonde.

Cet épisode dessine un portrait des Clinton comme de gens capables de de s'asseoir sur leurs principes pour destabiliser un adversaire politique et augmenter leurs chances.

  ► "Hillary Clinton, une femme en marche" de Carl Bernstein - traduit de l'anglais par Martine Leroy-Battistelli et Cécile Araud - éd. Baker Street - 730p., 25€ - en librairie le 24 janvier.

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