Vers la « flexisécurité » ?
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Vers la « flexisécurité » ?
Par garano, jeudi 13 décembre 2007 à 10:20 :: Gauche et travail :: #35 :: rss
Depuis plusieurs années, plusieurs responsables politiques vantent les
mérites de la « flexisécurité » qui a redressé le marché de l’emploi au
Danemark de 1994 à 2006. L’exemple danois qui fascine tant se
caractérise notamment par :
- le passage d’un taux de chômage de 12% à moins de 5% en dix ans.
- Le meilleur taux d’emploi d’Europe (près de 80%).
- Le maintien des plus âgés en activité (60% des 55-64 ans).
Au Danemark, le chômage de longue
durée ne touche qu’une personne sur cinq. Les entreprises embauchent
massivement et la négociation collective prend le pas sur la
législation pour réguler le marché du travail. Environ 80% des salariés
sont affiliés à un syndicat qui affectionne le compromis et évite le
conflit et les grèves. Les jeunes trouvent facilement un emploi à la
sortie des études, même s’ils doivent transiter par plusieurs postes de
courtes durées avant de connaître la stabilité. Au vu de ces résultats,
l’on comprend que la formule séduise…
Mais en quoi consiste la « flexisécurité » ?
Il
s’agit d’associer une grande flexibilité à un niveau de protection
sociale élevé et un système d’insertion et de formation efficace pour
tous les demandeurs d’emploi.
Mais pour appliquer ce modèle, il ne s’agit pas de n’en appliquer qu’un
pan au profit de la seule flexibilité. Pour qu’il provoque les mêmes
effets, il faut analyser le contexte politique et social qui les a
permis.
Au Danemark, l’investissement public dans le domaine social est
considérable. « Ce modèle universaliste a pour principe d’offrir des
prestations sociales indépendantes des cotisations, une couverture
universelle et uniforme, un transfert entre les différentes catégories
de risques, et un refinancement par le biais de l’impôt » (ESPING-ANDERSEN Gosta, Les trois mondes de l’Etat-Providence, PUF, 1999).
Le poids des recettes publiques est supérieur à 50% du PIB, comme dans
d’autres pays nordiques (Finlande, Suède, Norvège). Avec un fort degré
de solidarité et d’égalité, ils sont les pays où l’écart des revenus
entre les 10% les plus riches et les 10% les plus pauvres est le plus
faible(GADREY Jean, économiste, in « Politis », 16 juin 2005) .
Au Danemark, les politiques de formation et d’éducation sont très
efficaces. Un système de crèches et de garderies publiques performant a
permis aux femmes de pénétrer le marché de l’emploi plus tôt et plus
massivement qu’en France, les discriminations de genre y sont moins
nombreuses et l’économie de services y est mieux développée. « Un autre
point sans doute essentiel des réformes danoises est la simplification
du système de promotion de l’emploi, toutes les mesures s’adressant aux
chômeurs comme celles des destinées aux bénéficiaires de l’aide sociale
étant regroupé au sein d’un ministère de l’Emploi, mettant l’accent sur
les capacités de la personne plutôt que sur son statut. » (de HESSELLE Laure, « De la stabilité à la flexsécurité », in Imagine, demain le monde, septembre-octobre 2005)
Oui mais…
Le mot d’ordre étant de laisser l’employeur libre d’embaucher et de
licencier, le marché du travail danois se situe parmi les plus
flexibles de l’OCDE. Le patron n’a aucune indemnité à payer quand il
licencie un salarié de moins de 12 ans d’ancienneté, il doit un mois de
salaire lorsqu’il s’agit d’un salarié de 12 à 15 ans d’ancienneté et
deux mois au-delà. Le préavis varie de quelques jours à quelques mois
mais le plus souvent, il est de 2 à 3 semaines. La déréglementation du
travail aboutit à une absence de restriction concernant le temps de
travail, les entreprises peuvent travailler 24h/24 et 365 jours par an (STELLINGER Anna in « Société Civile » n°41, sur ifap.org).
30% des salariés sont contraints de changer de travail chaque année, ce
qui égale le niveau de « job rotation » des Etats-Unis ou du
Royaume-Uni. Le taux de chômage danois ne comptabilise que les
demandeurs d’emploi non-occupés sur la population active de 2,5
millions de personnes mais en réalité, 500000 Danois se retrouvent
chaque année en période appelée pudiquement « d’activation », soit 20%
de la population active ! VERDI, « Le modèle danois n’est pas un
paradis », extrait du site internet actuchomage.org)
La pression que subissent les chômeurs est constante, avec obligation
de suivre une formation ou des stages, interdiction de refuser plus de
deux offres d’emploi sous peine de suppression des allocations. Le
régime danois maintient l’allocation de chômage à 90% du salaire perdu
mais depuis 1993, son versement est limité à 4 ans.
A la place de politiques dynamiques de l’emploi, ce sont des réformes
structurelles du marché du travail, du temps de travail ou
d’indemnisation des allocataires sociaux qui s’installent. Elles
appellent à toujours plus de flexibilité d’une part et accentue la
compétition entre les travailleurs d’autre part.
Il est urgent de conditionner les réductions de cotisations patronales
à des créations d’emplois convenables dans les entreprises qui en
bénéficient. La sauvegarde de l’emploi existant ne suffit plus à
justifier les milliards d’euros que représentent ces « cadeaux aux
employeurs ». Une priorité devrait être donnée à l’évaluation de ces
mesures et à leur effet concret sur le taux d’emploi.
Si la flexisécurité peut devenir une piste de réflexion concrète, le
système doit être examiné sous tous les angles et ne pas être transposé
« à la va vite » pour dépanner un gouvernement à court de solutions
politiques. Le modèle danois a le mérite de dédramatiser les périodes
de chômage grâce à la protection sociale qu’il garantit mais la société
danoise se différencie du contexte français par plusieurs aspects. De
plus, le revers de la médaille que constitue le volet « flexibilité
accrue des travailleurs » doit nécessairement être encadré par des
politiques d’enseignement, de formation et d’insertion
socioprofessionnelle performantes.