Municipales: les cinq rebelles de l’UMP
mardi 8 janvier 2008, mis à jour à 15:59
Vautrin, etc.
Gilles Gaetner
Elles ont été réélues haut la main aux législatives de juin 2007. Quatre d’entre elles pouvaient légitimement être tête de liste aux municipales. Une cinquième poussait une candidate UMP. L’état-major du parti a dit non.
lles
sont une demi-douzaine de députées UMP à se rebiffer. Agacées que les
femmes, au sein du mouvement, ne soient pas aussi bien traitées… que
les hommes. Certes, on sait depuis des lustres, que le pouvoir avec un
grand P a toujours eu une connotation masculine. Mais tout de même!
Qui ont-elles, ces rebelles qui n’ont pas eu droit à l’investiture de
leur parti pour les élections municipales de mars prochain?
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Catherine Vautrin: duel fratricide
C’est, par exemple, Catherine Vautrin,
ministre déléguée à la Cohésion sociale et à la Parité de Dominique de
Villepin. Elle disposait de nombreux atouts pour être investie comme
candidate de l’UMP à Reims (Marne). Elue depuis 2002 à l’ Assemblée
nationale, originaire de la ville, c’est une battante qui l’a emporté,
aux législatives de juin 2007, face à l’ancienne présidente du Syndicat
de la magistrature, la socialiste Adeline Hazan. Enfin, Catherine
Vautrin bénéficie d’un parrainage à rendre jaloux bien des candidats:
Simone Veil préside son comité de soutien…Pourtant, à la fin octobre
dernier, la commission d’investiture de l’UMP, après l’avoir écoutée
sur son projet pour Reims, lui a préféré Renaud Dutreil, ancien
ministre du Commerce, de l’Artisanat et des Professions libérales de
Dominique de Villepin.
«C’était joué d’avance, m’avait-on prévenu à la direction de l’ UMP», déclare, lucide, Catherine Vautrin, désormais en «congé du parti». Et de faire remarquer que son concurrent est un parachuté… puisqu’il vient de l’Aisne où il a été battu aux législatives de 2002 avant de gagner à Reims à celles de juin 2007. Aujourd’hui, les sondages indiquent que Dutreil aurait une longueur d’avance sur son ancienne collègue du gouvernement… «Tout n’est pas perdu, loin de là», dit l’ancienne ministre, qui devrait prendre comme second de liste le député européen du MoDem Jean-Marie Beaupuy. Elle poursuit: «Je vais labourer le terrain, visiter les quartiers pendant les 60 jours qui restent d’ici au mois de mars.» Avant d’interroger: « Vous trouvez ça normal que les quinze plus grandes villes de France n’aient à leur tête que trois à quatre femmes, comme Fabienne Keller à Strasbourg ou Brigitte Le Brethon à Caen?»
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Marie-Anne Montchamp: suspendue de l’UMP
L’ancienne secrétaire d’Etat aux Handicapés de Jean-Pierre Raffarin sera
elle aussi candidate aux municipales. A Nogent-sur-Marne, (Val-de
Marne). Mais comme Catherine Vautrin, elle le sera en dissidente. Et
pour cause: en haut lieu -rue de La Boétie, siège de l’UMP- on a adoubé
le maire sortant, Jacques J.-P. Martin, élu en 2002 à la place d’une
centriste, Estelle Debaeker, pour 87 voix… Pour 2008, la donne
s’annonce différente. Car voici le maire contesté. Par qui? Tout
simplement par son ancienne adjointe, qui n’est autre que Marie-Anne
Montchamp, démissionnaire en 2004. Les reproches que cette dernière
adresse à Martin? Un goût trop prononcé pour le pouvoir et surtout sa
propension à augmenter les impôts locaux: plus 50% en cinq ans…Bref, la
guerre couve dans la bonne ville de Nogent-sur-Marne. Avec une
conséquence rapide pour Marie-Anne Montchamp: la voici suspendue de
l’UMP.
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Henriette Martinez: une députée qui préfère démissionner de l’UMP
Députée
UMP des Hautes-Alpes, elle aussi en bisbille avec le mouvement
gaulliste, toujours à cause des municipales, Henriette Martinez a
préféré prendre les devants: le 15 décembre dernier, elle a adressé sa
lettre de démission du parti au secrétaire général délégué Patrick
Devedjian dans laquelle elle écrit notamment: «Engagée depuis 1984 au
RPR puis à l’UMP, j’ai gagné de nombreuses élections, j’ai animé toutes
les campagnes nationales et je suis la seule parlementaire de notre
département élue au suffrage universel. Cependant, ne bénéficiant ni de
votre écoute, ni de votre soutien, ni même de votre considération, je
quitte sans regret un parti politique pour lequel j’ai beaucoup donné
sans rien obtenir en retour.» Et l’élue de conclure: «Je garde
naturellement toute ma fidélité à Nicolas Sarkozy, notre président de
la République, et à François Fillon, notre Premier ministre, ainsi
qu’aux électeurs des Hautes-Alpes qui m’ont accordé leur confiance et
que je continuerai à servir.»
Le désarroi d’Henriette Martinez s’explique : elle poussait, pour être tête de liste aux municipales à Gap, une avocate UMP, Véronique Schreiber-Fabian, déjà candidate aux législatives. Or, la commission d’investiture de l’UMP ne l’a pas retenue, préférant soutenir le maire sortant de la ville, Roger Didier… membre du Parti radical de gauche. Toujours au nom de l’ouverture. De quoi faire bondir Henriette Martinez d’autant que le maire de Gap n’a pas rejoint la majorité actuelle… Du coup, la députée des Hautes-Alpes s’apprête à soutenir la liste dissidente de Véronique Schreiber-Fabian.
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Arlette Grosskost: pas question d’être sur la liste Bockel à Mulhouse. Au nom de l’éthique
Désarroi et colère aussi chez la députée UMP du Haut-Rhin Arlette Grosskost,
carrément sacrifiée sur l’autel de l’ouverture. Issue de la société
civile, cette avocate de profession entre à l’ Assemblée nationale pour
la première fois en juin 2002, battant Jean-Marie Bockel le maire PS de
Mulhouse jugé indéboulonnable. Parlementaire active, spécialiste du
monde de l’entreprise, multipliant les initiatives en faveur de
l’emploi dans le bassin de la sous-préfecture du Haut-Rhin, elle se
voit récompensée par une réélection en juin dernier, augmentant son
score de 19 points au premier tour par rapport à 2002…Qui bat-elle?
L’ancien suppléant de Bockel, Pierre Freyburger, dont le président du
comité de soutien n’était autre que Bockel lui-même.
Avec cette nouvelle victoire, Arlette Grosskost pense légitimement revendiquer la tête de liste aux municipales de mars prochain à Mulhouse. Eh bien non, c’est Bockel qui a été désigné. Les électeurs d’Arlette Grosskost ne comprennent plus rien. Comme ils n’ont pas compris la promotion, en juin 2007, lors de la formation du gouvernement Fillon II, du maire de Mulhouse comme secrétaire d’Etat à la Coopération. Une promotion qui suscitera colère et réprobation des parlementaires d’Alsace. « J’ai un sentiment bizarre, celui qu’on éprouve quand on est cocu», lancera Jean Ueberschlag, député maire UMP de Saint-Louis (Haut-Rhin). Depuis, quelques élus alsaciens ont fait contre mauvaise fortune bon cœur… invités qu’ils ont été par le nouveau secrétaire d’Etat à l’accompagner dans ses voyages en Afrique.
La députée du Haut-Rhin, quant à elle, rétive à toute compromission, n‘a pas varié dans ses positions, n’acceptant pas de figurer sur la liste Bockel aux municipales, pas plus qu’elle n’envisage de présenter une liste dissidente. Au nom de l’ éthique. Avec un seul souci: ne pas trahir et ne pas faire perdre son propre camp.
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Marie-Jo Zimmermann veut faire chuter Jean-Marie Rausch, candidat à un 7e mandat
Cet état d’esprit, sa collègue Marie-Jo Zimmermann
(Moselle), même si elle franchit le pas en se présentant aux
municipales sans l’investiture de l’UMP, le partage totalement. Elue
pour la première fois à l’ Assemblée nationale en février 1998 à
l’occasion d’une élection partielle, cette ancienne prof d’histoire-géo
s’est imposée comme une parlementaire dynamique en étant notamment
présidente de la Délégation aux droits des femmes et à l’égalité des
chances entre les femmes.
Ce n’est donc pas un hasard si elle a été réélue dès le premier tour aux législatives de juin dernier. Aussi pouvait-elle espérer conduire la liste UMP pour les municipales à Metz. Erreur. Même s’il n’est pas encore officiellement investi, le maire sortant -depuis 1971- Jean-Marie Rausch (divers droite), 77 ans, ancien ministre de l’ouverture -déjà!- de Michel Rocard, a toutes les chances de l’être. Sur sa liste, devraient figurer des socialistes de la Gauche moderne, le nouveau parti crée par Jean-Marie Bockel.
Marie-Jo Zimmermann enrage. On la comprend: c’est le maire de Metz qui l’a traînée en correctionnelle pour une sombre histoire d’emploi fictif qui s’est conclue par une relaxe définitive. Elle tentera donc de lui ravir la mairie au printemps prochain. A la tête d’une liste qui comprendra des personnalités de la société civile. «Quand je pense, soupire la députée de Moselle, que féminisation et rajeunissement sont les deux credo en vogue à l’UMP!»
Elles sont comme çà, ces cinq drôles de dames de l’UMP: rebelles aux décisions de l’état-major du mouvement. N’hésitant pas, sans langue de bois, à se rebiffer. Fortes de leur légitimité, issues du suffrage universel. Fortes aussi de leur soutien sans faille, lors de la présidentielle, au candidat Nicolas Sarkozy. Pas question de céder… même pour l’octroi d’un strapontin. Comme si elles faisaient leur la célèbre réplique du Cid: «A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire».