Mars attaque les ministres, Guaino s'explique, Marianne se marre
Mars attaque les ministres, Guaino s'explique, Marianne se marre
Les preuves se multiplient, Nicolas Sarkozy veut transformer la
république en un acteur majeur du conseil en management et de la
stratégie globale d'entreprise. Encore un petit effort, il ne restera
plus qu'à changer le logo (le fanion bleu blanc rouge fait un peu
vieillot, un truc hexagonal tout brillant fera très bien l'affaire) et
le nom de la société (Franture, contraction de « France on the future »
devrait lui donner un caractère plus incisif et surtout international)
et tout sera prêt pour lancer l'Etat français à la conquête des marchés
de conseil du monde entier.
En effet, nos deux head managers Nicolas Sarkozy et François Fillon ne font pas dans la dentelle pour «transformer Matignon en un cabinet d'audit» comme le soulignait la porte-parole du PS Aurélie Filippetti, qui ajoutait qu'on «ne gère pas la France comme une entreprise de boulons»
et suggérait d'envoyer un DVD des « Temps Modernes » à Nicolas Sarkozy.
Car, après avoir reçu leur feuille de route, les ministres doivent se
tenir prêts à un premier entretien d'évaluation. Le Monde le
révélait dans son édition de vendredi, « Ces prochaines semaines,
François Fillon recevra individuellement chaque membre de son équipe.
Alors qu'un remaniement est attendu après les élections municipales de
mars, cette première convocation pourrait-elle prendre des allures d'«
entretien préalable » à un licenciement ? »
Ce qui ressemble à un carnet de notes, a été élaboré en collaboration avec le « cabinet international de stratégie » qui sur son site internet délivre un message à l'orientation largement militaire : «La
caractéristique essentielle de Mars&Co est sa capacité unique à
aider ses clients à visualiser clairement les contours de leurs champs
de bataille aussi bien que le positionnement dynamique de leurs
concurrents. (…) Mars&Co aide également ses clients à disséquer les
forces de l'ennemi aussi bien que les discontinuités du marché de
manière très précise afin de parvenir à définir une stratégie plus
précise fondée sur de meilleures informations ».
Nous avons demandé à Henri Guaino si l'on pouvait diriger un gouvernement comme une entreprise.
Propos recueillis par P. Cohen et S. Lapoix
Xavier Bertrand, premier de la classe
La France a donc déclaré la guerre. Moins, sans doute, à un concurrent
direct hypothétique, qu'à la situation économique à laquelle elle est
confrontée. Le bilan social des affrontements et autres dommages
collatéraux viendra plus tard.
Car les critères retenus ne semblent pas définir un projet
de civilisation à la hauteur de vue très ambitieuse : le nombre
d'heures supplémentaires réalisées par les enseignants pour Xavier
Darcos, le nombre d'étrangers expulsés pour Brice Hortefeux (rien que
de très normal, sans doute avait-il déjà une vague idée de sa
mission…), un nouvel indice des prix dans la grande distribution pour
Christine Lagarde, le nombre des ministres français à chacun des
conseils de ministres de Bruxelles et de Luxembourg. Bref du chiffre,
encore du chiffre et rien que du court terme. Traduisez en langage UMP
par un membre du cabinet de Nicolas Sarkozy : «
ce sont avant tout des critères politiques qui visent au respect des
lettres de mission, des engagements et des discours de campagne de
Nicolas Sarkozy ». Ca va mieux en le disant… Sauf que les
critères peuvent s'avérer contradictoires dans la pratique. Exemple :
un étudiant qui va visiter le Louvre c'est un bon point pour Christine
Albanel dont le job est désormais indexé sur les entrées dans les
musées. Mais imaginez que ledit étudiant sèche ses cours et rate son
passage en deuxième année, voilà un mauvais point pour Valérie
Pécresse. Imaginez encore que ce même étudiant soit sans papier : voilà
un autre mauvais point pour Hortefeux dont l'excellence se mesure aux
reconduites à la frontière...
Mais apparemment, désigner les bons
élèves et les cancres du gouvernement est une tendance lourde en ce
début d'année. A croire que d'aucuns se seraient déjà largement lassés
du casting ? Ainsi, le magazine le Point a
convoqué un conseil de classe sous la forme d'un redoutable jury de
journalistes, d'experts et d'intellectuels Claude Imbert, patron du Point,
connu pour ses diatribes virulentes contre Sarkozy, Pierre Giacometti,
directeur général d'Ipsos et sondeur préféré du président, Jacques
Marseille, économiste libéral et chroniqueur au Point, Alain Duhamel et BHL, chroniqueurs au Point etc.
Tous les ministres ont été jugés en fonction, notamment, de six
critères d'excellence : vision, pédagogie, courage, volonté de
réformer, talent médiatique et capacité à réformer. Inutile de rentrer
dans le détail du bulletin de notes. Un tel embrouillamini de chiffres
ne dit rien sur les qualités des ministres. Encore que…Valérie Létard,
chargé de la solidarité ne recueille que 7,2 en «talent médiatique»…
Sarko tiendra-t-il la cadence ?
Le plus intéressant est le classement en lui même. Et là, ô surprise,
qui n'en est pas une, le ministre le mieux noté est…Xavier Bertrand,
suivi de Martin Hirsch et Valérie Pécresse. On remarquera que tous les
ministres d'ouverture –hormis Jean-Pierre Jouyet, un peu faiblard en «
talent médiatique »- occupent dans les dix premières places du
classement.
De là à dire que les ministres de droite et du centre ne
sont pas au niveau…Seul un président de la République se laisserait
aller à de si basses attaques.
Mais l'initiative du Point,
n'est, elle non plus, pas si innovante qu'elle prétend l'être. Déjà des
étudiants en sciences politiques, dont les coûts de mission sont sans
doute beaucoup moins élevés que le cabinet Mars&Co, avaient créé
l'observatoire politique http://www.observatoire-politique.fr/, un site
internet chargé d'évaluer le travail gouvernemental en fonction des
promesses de campagne du candidat Sarkozy. Et, si l'on en croit
l'observatoire politique, en ce début d'année 2008, le président
devrait rapidement se remettre à son bureau, ressortir sa trousse, ses
cahiers, ses stylos et redonner un sérieux coup de collier car en 8
mois, seules 27 promesses ont été tenues, 23 sont en cours de
réalisation, 24 n'ont déjà pas été tenues et…497 n'ont pas été abordées
!
Autant dire que le président n'est pas dans le bon rythme,
reste à savoir s'il tiendra la cadence. Dans «les temps modernes»,
Chaplin n'avait pu suivre le rythme. Happé par l'infernale machine, il
roulait entre les engrenages pour en sortir complètement fou, serrant
tout ce qui ressemblait à des boulons. Mais tout ceci n'était que pure
fiction.
Lundi 07 Janvier 2008 - 00:03
Régis Soubrouillard