LA SUPPRESSION DES SUBVENTIONS A L'OIP "Un coup dur incontestable"
LA SUPPRESSION DES SUBVENTIONS A L'OIP
A
la différence des années précédentes, l’OIP n’a pas bénéficié en 2007
de subvention de Matignon et de la Mission interministérielle à la
lutte contre les drogues et la toxicomanie (MILDT). Qu’en est-il
exactement ?
- Effectivement, l’année 2007 s’est terminée sans que l’OIP
n’obtienne le soutien financier habituel de la part de Matignon (10.000
euros) et de la MILDT (40.000 euros). C’est pour nous une grande
déconvenue s’agissant de deux parmi nos plus anciens et fidèles
bailleurs. D’autant que rien ne laissait présager une telle issue. Pour
ce qui est des services du Premier ministre, notre dossier suivait son
cours normal. Nous avons ainsi répondu sans délai à une demande
formulée début juillet 2007 en ces termes : "afin de pouvoir instruire
votre demande de subvention pour sa présentation lors du prochain
comité d’engagement, je vous invite à me transmettre les comptes
financiers de l’exercice 2006 et compte-rendu d’activités 2006". Le
comité d’engagement s’est tenu à la fin du mois de juillet, un autre a
eu lieu en septembre et un troisième en novembre… sans que jamais le
dossier OIP ne soit présenté. Force est de constater que Matignon a
bien du mal à justifier a posteriori cette étrange attitude à notre
égard. Je les entends tantôt dire que notre dossier n’était pas
complet, tantôt que 99% de leurs crédits avaient été consommés par le
précédent gouvernement. Je comprends mal du coup la nécessité de réunir
trois comités d’engagement pour répartir le 1 % restant… En ce qui
concerne la MILDT, nous avons ensemble pris acte fin juin que l’OIP ne
pouvait s’inscrire dans le thème de l’appel d’offre 2007 et convenu,
dans la foulée, du principe d’une rencontre pour trouver un autre moyen
de soutenir notre action. J’attends toujours une proposition de date…
La période de vacances estivales explique aisément l’absence de réponse
de l’ancien responsable de cette institution. Pas celle du nouveau
président depuis son arrivée en septembre.
Comment réagissez-vous à cette situation ?
- Nous refusons que ces 50.000 euros passent aux pertes et profits, en
faisant pression pour que, non seulement cette somme soit effectivement
versée pour ce qui est de l’année 2007, mais également réévaluée. En
effet, de façon inexplicable - et bien sûr inexpliquée - l’OIP se voit
chaque année allouer 10.000 euros de la part de Matignon alors que nous
demandons 40.000 euros. Il est temps que l’Observatoire soit traité à
l’identique de bon nombre d’associations qui sollicitent cette même
somme et l’obtiennent… La question des droits de l’homme en prison doit
désormais bénéficier d’un appui dénué de toute ambigüité de la part du
Premier ministre, ce qui suppose un soutien financier autrement plus
conséquent. À l’aune des 86.594 incarcérations recensées en 2006, on
est en droit d’attendre de la France davantage que l’équivalent de 12
centimes d’euros par mise à l’écrou. Nous ne faisons pas l’aumône, nous
constatons simplement que l’action de l’OIP demeure plus que jamais
indispensable pour faire en sorte que le respect de la dignité des
personnes détenues soit autre chose qu’une déclaration d’intention, une
pétition de principe. Nous avons en mémoire un élément de la réponse du
futur président de la République aux Etats généraux de la condition
pénitentiaire… Dans un courriel daté du 7 janvier 2007, Nicolas Sarkozy
nous écrivait : "Des organismes comme l’OIP jouent un rôle déterminant
pour mobiliser l’opinion publique et inciter les gouvernements à agir
". Qu’il nous démontre que ce propos n’était pas vide de sens. Nous
attendons la même chose de la part de plusieurs membres du gouvernement
qui s’étaient mobilisés à nos côtés dans cette démarche, qu’il s’agisse
de Bernard Kouchner ou de Christine Boutin. Enfin, nous avons demandé à
Rama Yade, qui a en charge tout ce qui est relatif aux droits de
l’homme, d’intervenir auprès de Matignon.
Cet argent qui vous est supprimé va-t-il affecter lourdement le fonctionnement de l'OIP et nuire au combat que vous menez ?
- C’est un coup dur incontestable pour l’OIP. Toutefois il n’est pas
fatal dans l’immédiat. Il risquerait d’en être autrement si la
suppression de ces deux subventions se confirmait en 2008 et surtout si
elle était le signe avant coureur d’un désengagement total des pouvoirs
publics. Une telle volte-face n’aurait pas d’explication sérieuse autre
qu’une hostilité politicienne et partisane à notre encontre,
conséquence des constats que nous dressons sur les effets de la
politique pénale et pénitentiaire mise en œuvre depuis l’accession de
Nicolas Sarkozy à la présidence. Nous serons fixés assez vite. Je note
cependant que l’absence de ces deux subventions nous place dans un cas
de figure sans précédent dans l’histoire de notre association. Jamais à
ce jour nous n’avions eu à déplorer une quelconque défaillance de la
part des organismes publics dans le financement de notre action. Aucun
des gouvernements successifs, de gauche comme de droite, n’avaient
encore cédé à la tentation de répondre défavorablement à nos demandes
de subventions, alors même que l’OIP n’épargnait ni les uns ni les
autres de ses critiques, parfois extrêmement sévères. Je constate
également que jamais les marques de confiance et de sympathie adressées
à notre association n’ont été aussi fortes. En témoignent le nombre
impressionnant de questions écrites déposées par des parlementaires de
tous bords au sujet de nos déboires, mais aussi le soutien financier
d’associations amies comme Emmaüs, la Fondation Abbé Pierre ou Amnesty
international. Sans parler de l’écho suscité par notre appel à dons.
Plus qu’un réflexe d’entraide, c’est un vrai mouvement de solidarité
qui s’est manifesté. Et c’est un signal fort qui doit être entendu par
le gouvernement.
Interview de Patrick Marest par François Sionneau
(le vendredi 4 janvier 2008)