Fabius et Emmanuelli ont choisi le PS contre le référendum
Fabius et Emmanuelli ont choisi le PS contre le référendum
Pour être plus présentables aux municipales, Laurent Fabius et Henri
Emmanuelli ont décidé de garder la ligne. Celle du PS, plutôt que la
leur. Pourfendeurs attitrés du Traité constitutionnel européen, qu'ils
avaient contribué à rejeter en 2005, les deux figures tutélaires de
l'aile gauche du Parti socialiste (PS) ont rendu les armes. Sur la liste des militants du Comité national pour un référendum (CNR), les deux noms manquent cruellement à l'appel.
Dans la liste des parlementaires de gauche pour un référendum, les noms d'Emmanuelli et Fabius brillent par leur absence.
Jean-Claude Sandrier, président du groupe Gauche démocrate et
républicaine à l'Assemblée, constate le quasi silence de Laurent Fabius
sur un sujet qui lui avait valu une belle réputation dans le camp de la
gauche du non qui a fait échec au référendum. «
Il est le premier parlementaire à avoir demandé un référendum : il n'a
pas besoin d'adhérer à un collectif pour le faire savoir »,
s'agace Guillaume Bachelay, le « successeur » désigné de l'ancien
candidat à la candidature. Voilà justement tout le problème : s'étant
exprimé en son nom, Fabius refuse d'engager plus loin ne serait-ce que
ses propres partisans (en grande partie déjà signataires de l'appel
pour un référendum). Car, comme tout le monde le sait, le PS est plus
uni que jamais...
Silence dans les rangs, ou le deuxième effet Lisbonne
Quelle déconfiture! Benoît Hamon, celui-là même qui s'était retiré du
Bureau national du PS après la décision de voter « oui » au nouveau
traité, préfère ne pas commenter. De façon générale, on se renvoie la
balle, d'un député à un autre. L'approche des municipales rend les
socialistes anxieux : Hollande a déclaré vouloir en faire un « test national »
et ne veut pas rater son coup. Cela implique-t-il forcément de basculer
dans l'incohérence pour tous ceux qui, ex-ouistes ou nonistes, exigent
logiquement un référendum ?
Pour Razzye Hammadi, qui avait soutenu le député de
Seine-Maritime comme candidat du PS à l'élection présidentielle, la
discussion renvoie à un autre problème : « la position de principe pour le référendum a été actée par le Comité de liaison de la gauche (CLG), explique-t-il. Mais
personne n'est pour autant obligé de se rallier à toutes les
initiatives, comme la création du Comité national pour le référendum
(CNR). La constitution de ce groupe est d'ailleurs un peu précoce. »
Son successeur à la tête des Jeunes socialistes, Antoine Détourné, a signé l'appel. « Le bureau national du MJS était favorable, argumente-t-il. Le
problème du CLG, c'est qu'ils ont réussi à se mettre d'accord sur la
plupart des sujets avec les communistes et les écologistes sauf sur
l'Europe. »
Le CLG, pour
François Hollande, est devenu le « bureau national » des alliances du
PS par lequel les socialistes espèrent faire barrage contre le torrent
qu'est devenu une UMP grossie des rivières de l'ouverture. Pas question
de faire bande à part. Fabius sortira-t-il du bois ? « Ils s'exprimera le moment venu »,
assure Guillaume Bachelay, précisant que le gouvernement a arrêté le
mois de février pour la ratification du traité de Lisbonne.
On comprend dès lors mieux une autre
raison pour laquelle le président de la République souhaitait faire
voter le texte avant les municipales : obligés de faire front commun
pour ce « scrutin test », les socialistes ne peuvent laisser émerger
une opposition sur un sujet comme l'Europe, surtout une figure comme
Fabius. « Il se fait discret au parti »,
glisse-t-on. Dès lors que le PS n'a pas pris la seule position qui
pouvait garantir son unité - l'exigence d'un référendum - Nicolas
Sarkozy a réussi, par son agenda très ramassé, à contraindre le PS à
abandonner ses principes pour préserver ses intérêts électoraux. Bref à
s'enfermer dans un corset politicien. Celui-là même qui cause, depuis
quelques années, sa disgrâce dans l'opinion, même de gauche.
Mercredi 19 Décembre 2007 - 00:06
Sylvain Lapoix