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Mon Mulhouse2
5 décembre 2007

"Ce que nous proposons pour les sans-abri"

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"Ce que nous proposons pour les sans-abri"
                                   

      

Après des dizaines d'auditions, un jury de 16 personnalités s'est enfermé deux jours pour proposer une nouvelle politique.

 

Maraude avec Médecins du Monde, à Paris, en juillet 2006 (Gilles Coulon/TF)
 

Les Pays-Bas ont réduit à presque rien le nombre de sans-abri dans leurs rues. La Grande-Bretagne a fait de même. Le Danemark également. Pourquoi serait-ce si difficile pour la France, où l'on compte entre 200000 et 350000 sans-abri?

La question était au coeur d'une "conférence de consensus" qui a réuni en fin de semaine dernière, sous l'égide de la Fnars et avec le soutien de Rue89, des centaines d'acteurs sociaux. Après avoir écouté des dizaines de professionnels de terrain, de sans-abri et d'experts, un jury de 16 personnes s'est enfermé pendant deux jours dans un hôtel au nord de Paris pour tenter de dégager un "consensus" sur la politique qu'il conviendrait de suivre pour mettre fin à l'insupportable situation actuelle.

Le jury, présidé par le conseiller d'Etat Jean-Marie Delarue, était composé de personnalités diverses: des acteurs sociaux, mais aussi un psychiatre, un juge d'application des peines, une philosophe, un géographe, etc. J'en faisais partie. Le résultat de nos discussions a été présenté hier matin, lors d'une conférence de presse. Il a également été remis à Sarkozy, à Fillon, à la ministre du Logement et de la Ville Christine Boutin et au Haut commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, Martin Hirsch.

Message principal: la politique qu'il faudrait  suivre n'est pas du tout celle qui est à l'oeuvre en France depuis des années.

Sortir du tout-urgence

En France, entre le printemps et l'automne, les gouvernements détournent les yeux du problème des sans-abri. Puis, quand l'hiver et l'urgence arrivent, on empile des tas de dispositifs d'accueil, plans, schémas, etc. Mais aucun gouvernement ne s'est engagé à traiter le problème à la racine. Résultat, des personnes en situation de précarité, qui devraient être logées décemment, engorgent aujourd'hui les centres d'hébergements. Pour réguler le système, on limitait jusque-là la durée de l'hébergement. Les sans-abri retournaient souvent à la rue, mais "une case plus bas": comment sortir de la rue dans ces conditions? Le système est inefficace et tout ce qui est fait pour le consolider en l'état renforce cette inefficacité.

Ce diagnostic n'est pas nouveau. Mais, à la différence de ce qui s'est passé chez nos voisins européens, aucun gouvernement n'a encore pris le problème à bras le corps. Résultat, les sans-abri sont piégés dans un système sans issue. Ce qui manque, ce sont avant tout des logements accessibles aux ménages les plus modestes. Lors de la conférence, une experte néerlandaise a lancé ce conseil aux Français: "Skip the shelters!" , "Sautez l'étape de l'hebergement"! Une façon de constater qu'il sert à rien de gonfler le dispositif d'abris d'urgence: l'effort doit être concentré sur le logement social.

Sortir par le haut: la prévention et le logement

Lors de la conférence de consensus, les intervenants étrangers, assez étourdis par la complexité de notre système, ont répété le même message: "Pensez au-delà de l'hébergement."

Comme l'a décrit Jean-Marie Delarue mercredi matin, la situation des acteurs sociaux peut être rapprochée de celle d'un type qui épongerait à l'aide de seaux sa maison inondée, sans penser à fermer préalablement le robinet... Il faut couper le flux des sans-abri en amont, au niveau des ruptures qui conduisent à une telle exclusion: expulsions de locataires de bonne foi, passage dans des institutions (prisons, hôpitaux), perte d'emploi...

Mais le point nodal, celui qui conditionne la solution au problème des sans-abri à la fois en amont et en aval, c'est le logement. Le principal problème, derrière la situation des sans-abri, c'est la crise du logement que les pauvres subissent. En France, 520000 logements ont été construits l'an dernier, mais seulement 8000 PLAI (Prêt locatif aidé d'intégration) ont été financés: c'est une situation intolérable.

Pour être efficace, il n'y a pas de miracle: on a besoin de 500000 logements accessibles aux plus démunis. Il faut tordre le bras des bailleurs sociaux pour qu'ils logent les plus démunis, et tordre le bras des maires qui rechignent à accueillir 20% de logements sociaux, comme la loi SRU les y oblige. Le Jury développe dans son rapport une quinzaine de propositions concrètes.

Sortir de la logique d'assistance, pour celle de la mutualisation

Si elle était appliquée, cette idée serait, en termes de mentalités, une petite révolution. De même que pour le risque santé ou le risque chômage, le risque de se retrouver dans la rue devrait être mutualisé dans une logique d'assurance. Une telle mutualisation rendrait explicite le lien de solidarité entre les citoyens sur la question des sans-abri, et permettrait de sortir des approches asilaires héritées du XIXe siècle. Après tout, ce risque est ressenti par la plupart des Français, y compris par les cadres.

 

 

Sortir de l'incohérence

Les sans-abri sont les citoyens les plus fragilisés, et on a trouvé le moyen en France de les confronter à l'un des systèmes de prise en charge les plus complexes qui soient. Les plans succèdent aux shémas, les compétences se chevauchent entre Etat, départements, syndicats de communes ou communes, associations et autres organismes... "La vrai révolution, ce serait de donner de la cohérence à tout cela, et d'instaurer un vrai pilotage", a déclaré mercredi matin Nicole Maestracci, la présidente de la Fnars.

Le Jury suggère un véritable effort de coopération des acteurs, mais sans pour autant créer un système standardisé. Pour répondre à la mutiplicité des profils des sans-domicile, il vaut mieux mettre en place un système très souple, reposant sur des acteurs et des centres diversifiés. Le Jury propose d'inscrire cette action dans le cadre de "bassins de vie": plusieurs communes se regroupant pour tenter, ensemble, à travers des contrats d'objectifs, de réduire le nombre de sans-domicile.

 

 

Sortir des discriminations et de l'infantilisation

Les observateurs étrangers sont surpris (et le mot est faible) par le nombre de conditions posées pour l'accueil des SDF dans de très nombreux centres d'hébergement. Il ne faut pas être en couple, ne pas avoir d'enfants, ne pas avoir de chien, ne pas boire, ne pas se droguer, etc.

Toute personne démunie, quelle que soit sa situation administrative, devrait pouvoir être hébergée sans condition, y compris les étrangers déboutés de leur demande d'asile, les sans-papiers ou les toxicomanes. C'est une question de santé publique, mais aussi de droits de l'homme.

A l'occasion de l'abandon du projet d'amendement Mariani à la loi Dalo, qui instaurait une discrimination visant les sans-papiers, Sarkozy a admis le principe de l'accueil inconditionnel, le 15 octobre, face aux représentants des associations:

"Vous n'êtes pas les substituts de la police ni de la justice, vous n'êtes pas obligés de demander leurs papiers aux gens que vous accueillez."

Il reste à mettre ce principe en actes. La crainte de poursuites pénales dissuade trop souvent les sans-papiers de s'adresser à ceux qui peuvent les aider. Les chances d'amener les toxicomanes à la rue à se réinsérer passent par les lieux d'acceuil: les repousser, c'est les condamner à s'enfoncer. Le jury considère urgent de "sanctuariser" les centres d'hébergement: toute personne -toxicomane ou sans papier- y résidant serait à l'abris de poursuites pénales.

L'accueil doit également être digne. Ce qui n'est pas toujours le cas. Dans les centres d'hébergement, les horaires et le règlement intérieur sont souvent très stricts. La sécurité des sans-abri n'est pas assurée, l'intimité n'est pas respectée.

"On te propose un toit, mais tu ne peux pas te sentir chez toi" a témoigné Marie Blanchard, une jeune femme sans domicile lors de la Conférence, "ils veulent qu'on s'adapte à eux, pourquoi ce ne sont pas eux qui s'adaptent à nous?". Pour aider une personne à sortir de la rue, le plus efficace est de commencer par l'écouter. Lui laisser le temps d'exprimer un projet, et le soutenir ensuite jusqu'au bout. Jusqu'à un logement, un emploi et un retour à une meilleure santé.

 

Lire le rapport complet du Jury de la Conférence de consensus.  

La première journée d'auditions en vidéos

La deuxième journée d'auditions


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