Cavada : un mauvais cheval
Cavada : un mauvais cheval
Il faudra donc un jour faire une thèse sur le mal de dos, son
importance symptomatique, sa symbolique dans la vie des dirigeants
politiques et syndicaux. Ils en sont fréquemment affligés quand ils ont
des choix douloureux à faire, quand la pression est insupportable,
quand ils en ont plein le dos littéralement. Ce fut le cas tout
récemment de Bernard Thibault, mais aussi de Julien Dray et donc de
Jean-Marie Cavada. Tous les trois d'ailleurs ont subi une sciatique qui
avait, semble-t-il, une cause commune parmi d'autres : Nicolas Sarkozy.
Chacun étant confronté à un choix de négociation ou d'alliance avec le
président.
Le leader de la CGT a choisi de
discuter et de trouver une sortie de crise avec le chef de l'Etat. Le
député PS Julien Dray, sollicité pour entrer au gouvernement, a décidé
de rester dans sa famille, mais l'élu européen du Modem Jean-Marie
Cavada a changé de cheval en pleine course municipale. Il a « épuisé,
dit-il, les limites de la loyauté » qui n'étaient pas très éloignées
!... Après avoir fait tester sa candidature sous l'étiquette Modem dans
plusieurs villes de province par le mouvement centriste dont il a animé
le forum d'été, l'ancien animateur de « La marche du siècle » et
ex-président de Radio France va donc mener la liste UMP dans le 12e
arrondissement de Paris avec en croupe Christine Lagarde, la ministre
de l'Economie.
Un changement de cap et de camp qu'il
justifie en accusant François Bayrou d'un «romantisme » cynique puisque
le chef du Centre se contenterait d'attendre 2012 l'échec de Sarkozy et
« l'affaiblissement de la gauche pour la croquer », le tout en refusant
obstinément la démocratie interne… Cavada qui se définit comme un homme
de centre gauche choisit donc Nicolas Sarkozy qui fait « bouger la
France et les lignes », qui est « allé chercher les meilleurs » et donc
lui-même !... Mais « sans lui promettre de ministère », jure-t-il,
puisqu'il révèle qu'il a rencontré le président en novembre, mais qu'il
ne lui aurait proposé aucun maroquin… Les collaborateurs du chef de
l'Etat en parlent à sa place et m'assurent que ce serait la Culture et
la Communication qui lui serait offerte. Car l'Elysée a mis le paquet,
ce paquet cadeau-là, pour le convaincre d'abandonner Bayrou, et de
torpiller la candidature parisienne de sa plus proche conseillère
Marielle de Sarnez que Cavada ne prise guère. Au point d'avoir réclamé
sa tête.
Le 12e arrondissement est en effet
l'arrondissement décisif pour la bataille de Paris, celui qui peut
basculer et faire tomber Delanoë. L'UMP était décidé à tout
entreprendre pour casser le Modem et faire revivre une force centriste
aux côtés de la droite, condition de la victoire municipale comme au
temps de Chirac, le temps où le président du RPR et maire de Paris
avait acheté le centre...
Ce n'est pas gagné pour autant même si
les sondages commandés par l'UMP lui donnent une chance face aux
sortants socialistes. Mais pour Bayrou, c'est un nouveau coup et rude
que cette défection d'un proche qu'il avait été cherché pour en faire
un élu européen, alors que son dernier carré de fidèles l'avait prévenu
que Cavada était un « mauvais cheval ». Mais l'éleveur de purs sangs et
patron du centre est moins expert en hommes. Il avait misé sur ce
coursier médiatique considérant qu'il avait une bonne image et qu'il
lui était resté fidèle dans la dernière tornade présidentielle. Il
l'avait même investi dans le Val-de-Marne, une bonne circonscription
dans laquelle Cavada avait reçu au second tour le soutien de la gauche,
mais avait été défait, ne recueillant que 45 % des voix.
Le battu en avait conçu une certaine
amertume et tiré pour leçon qu'à 67 ans, il ne pouvait attendre un «
très hypothétique » triomphe du bayrouisme en 2012 pour être utile,
enfin pour être élu. Pour les municipales, pas question de jouer au
pirate en province et même à Neuilly où il habite et où Bayrou le
pressait encore tout récemment de se présenter face au candidat
parachuté par le Prince, David Martinon, le porte-parole de l'Elysée.
Mais David Martinon « non, non ! », Cavada ne se sentait pas la
volonté, l'envie de braver le roi et préférait donc porter les plus
confortables couleurs royales à Paris.
Cela n'empêchera pas le Modem et
Marielle de Sarnez de se présenter, ni Bayrou de maintenir sa ligne
indépendante et oppositionnelle. Au contraire. Son isolement terrible
et splendide, sa détestation du sarkozysme, de son cynisme, de son
culte de l'argent et du plus fort, et l'inexistence de la gauche
démocratique comme l'absence d'alternative gaulliste, vont le pousser
toujours plus à être un chef de l'opposition à sa majesté. Tout en
sachant que sa stratégie municipale d'alliance à la carte, le
confronterait à de multiples difficultés. Mais lui au moins, il n'a pas
mal au dos…
Lundi 26 Novembre 2007 - 13:48
Nicolas Domenach