Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Mon Mulhouse2
12 novembre 2007

Jean-Marc Sylvestre, un prof d'économie désespéré !


Jean-Marc Sylvestre, un prof d'économie désespéré !

Dans son dernier opus, le journaliste de TF1 et de France Inter Jean-Marc Sylvestre se plaint de l'ignorance économique des Français. Pourtant, avec lui, l'économie est un jeu d'enfants.



Nous ne le savions pas, mais nous sommes tous des élèves de Jean-Marc Sylvestre. Précisons : de «mauvais élèves», des cancres même, dont se plaint l'instit de l'économie dès les premières pages de son livre : «La vérité est très simple. Une petite moitié des Français est sincèrement convaincue que les mécanismes économiques lui sont totalement étrangers. Quoi qu'ils fassent, ils n'y comprendront jamais rien. L'économie, ce n'est pas pour eux, mais pour les autres, ceux qui savent et dirigent. Les clercs. Tous pourris et tous complices. Dans ces conditions, il ne faut pas s'étonner que ces mêmes Français n'en pincent que pour les trente-cinq heures, les assurances maladies, les congés payés, et un peu de pouvoir d'achat.»
Les Français sont donc nuls en économie. Pourtant, rien de plus simple que l'économie à la façon Sylvestre, docteur en économie, comme il est écrit sur la quatrième de couverture du livre. Il suffit de respecter quelques principes tout bêtes :
1) L'économie c'est d'abord du bon sens.
«Le travail crée du travail. L'activité suscite des embauches.» ; «La révolution technologique bouleverse la vie des hommes» . Ca c'est vrai qu'il faut être économiste pour y penser. Ou encore : «Quand on aime trop on étouffe»(à propos des hommes politiques et des PME). Pour bien se faire comprendre de ses auditeurs et de ses lecteurs, Sylvestre raffole des métaphores, médicales notamment : «Ce n'est pas en cassant le thermomètre qu'on guérit un malade» ; «Quand l'Amérique prend froid, c'est l'Europe qui tombe malade » ; variante, «quand l'Amérique s'enrhume, l'Europe prend froid».

2) Les puissants et les riches ont toujours raison.

Les grandes entreprises font des superprofits ? Grand bien leur fasse ! La Chine fabrique tous nos biens manufacturés ? De toute façon, nous ne pouvons plus rien fabriquer par nous-mêmes. Edf atteint 200 milliards de capitalisation boursière ? Ça prouve bien qu'il faut la privatiser ! L'Amérique vit à crédit, cumulant déficits budgétaire et commercial ? Elle aurait tort de s'en priver puisqu'elle peut l'imposer au monde entier…

3) Les hommes politiques sont des nazes !

Le populisme sylvestrien n'y va pas par quatre chemins. Les politiques sont démagogiques parce qu'ils accusent l'euro d'être responsable de la croissance molle et du chômage ; les socialistes mentent aux adhérents quand leurs «collègues» anglais ou suédois disent la vérité ; les programmes des trois principaux candidats (Sarkozy, Royal et Bayrou) étaient pétris de contradictions. Etc, etc. Bref, la politique est dans le mensonge, alors que l'économie c'est la vérité des chiffres.

Muni de ce bréviaire à trois strophes, Jean-Marc Sylvestre n'a aucun mal à nous faire la leçon tous les jours sur TF1 et sur France Inter. Il a même oublié cet épisode qui date de quelques années, lorsque, sauvé, après un grave accident de santé, par la célérité du Samu et la compétence de l'hôpital public, le hussard noir de l'économie avait eu quelques mots de gratitude pour un service public sur lequel il avait pris l'habitude de conchier depuis des années. Les Français devront, assène-t-il, accepter aussi de payer pour leur santé », eux qui dépensent «des fortunes  en téléphone portable, en écran de télévision plasma, en billet de TGV et en entretien de voiture». Vous avez, bien entendu ? Fini de rigoler ! C'est qu'ils sont fainéants ces bougres de Français ! Zont intérêt à acheter mon bouquin. Sinon, je double dose chaque matin ! Allez, ouste, à la Fnac, et que ça saute !

Petites leçons d'économie à la portée de tous
, par Jean-Marc Sylvestre, 356 p., Buchet Chastel,  15 €.


Quelques perles du livre de Jean-Marc Sylvestre

- L'Allemagne réussit à percer le marché chinois, pas nous
(p.22) : A longueur de page, Jean-Marc Sylvestre nous fait l'éloge du modèle allemand, après avoir fait celui de la Suède, de la Hollande et de la Grande Bretagne. Alors que la raison pour laquelle les Allemands exportent mieux que les Français est connue par n'importe quel étudiant de première année en économie : la spécialisation de l'Allemagne est la machine-outil et les équipements que les Chinois sont pour le moment incapables de fabriquer eux-mêmes. Les Allemands ne vendent pas aux Chinois parce qu'ils sont plus compétitifs (le coût du travail en Allemagne est sensiblement le même qu'en France) mais parce qu'ils n'ont pas de concurrents sérieux dans leurs domaines d'excellence. On le voit bien puisque la Chine achète tout de même de l'Areva et du Veolia.

- Il faut donc disposer des moyens financiers que seuls peuvent mobiliser des groupes mondiaux qui font appel au marché financier international (p. 92). Il y a bien longtemps que les groupes en question ne vont plus à la Bourse pour financer leur développement. Ohé, Sylvestre, on n'est plus au temps d'Adam Smith!

- A propos de l'entrée en Bourse d'EDF : une cagnotte de quelque quatre vingt-sept milliards d'euros en novembre 2006, environ le double à l'été 2007 (p. 93). Une cagnotte ? Mais il s'agit du capital d'une entreprise publique, et non de profits ou de dividendes. Pour que ça devienne une cagnotte, il faudrait vendre les actions et privatiser. C'est d'ailleurs bien ce que souhaite le prof Sylvestre!

- Si les pays développés veulent garder une activité industrielle importante, ils doivent se concentrer sur les activités de luxe et à haute valeur ajoutée (p. 132). Donc, vive LVMH ! vive Gucci ! Vive Fauchon ! Vive Berlutti et Charvet ! Sylvestre est en phase avec l'ineffable ministre des Finances Christine Lagarde qui pense elle aussi que la France doit se concentrer sur son domaine d'excellence le luxe. Le luxe, aussi, de se payer dix millions de chômeurs en plus à la place de ceux qui ne travaillent pas dans le luxe...

- ... pour que cette démocratie financière,  comme disait Marx (p. 191). Si le philosophe allemand a parlé de démocratie financière, il faut nous préciser dans quel livre.... A priori ce terme n'existait pas au siècle de Marx.


Lundi 12 Novembre 2007 - 00:01

Philippe Cohen

Publicité
Commentaires
Mon Mulhouse2
Publicité
Archives
Derniers commentaires
Publicité