Tri sélectif : la France en retard sur ses voisins
LE MONDE POUR MATINPLUS | 07.11.07 | 07h17 • Mis à jour le 07.11.07 | 09h01
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sont les grands oubliés du Grenelle de l'environnement. Jean-Louis
Borloo n'a annoncé aucune décision pour permettre de réduire le nombre
de déchets, améliorer leur tri et parfaire leur recyclage. Les ONG
environnementales (Alliance pour la planète, Fondation Nicolas
Hulot...) pestent contre le manque d'ambition du gouvernement. Avec
raison : il y a urgence. La Semaine nationale de la réduction des
déchets (qui se tient en ce moment jusqu'au 11 novembre) est là pour
rappeler l'intérêt qu'il y a à trier ses déchets.
En France, la quantité d'ordures ménagères ne
cesse d'augmenter – 360 kg par an et par personne, un poids multiplié
par deux en quarante ans –, et seule une très faible partie de ces
déchets (12 %) est réutilisée pour fabriquer d'autres objets. Environ
100 milliards d'emballages sont mis chaque année sur le marché, qui
génèrent 5 millions de tonnes de déchets. La priorité, en matière de
recyclage, a été donnée aux emballages ménagers, qui représentent un
tiers du poids de nos poubelles.
"CONNAISSANCE SUPERFICIELLE"
Quinze ans après la mise en place de la collecte sélective en France, chaque foyer se débarrasse en moyenne de 10 emballages alimentaires par jour dans la poubelle jaune. Le système est compliqué puisqu'il varie selon les communes et doit être créé pour chaque matériau. Les Français sont, aussi, mal informés. Face à des emballages dont la composition se sophistique, ils ne savent plus à quel bac se vouer et ne voient pas toujours l'intérêt du tri. A Paris, un camion d'ordures sur trois est envoyé vers un incinérateur à cause d'erreurs de tri.
Où faut-il mettre les bouteilles, les boîtes, les barquettes, les briques ? Dans la poubelle jaune ? Tout dépend. Une bouteille de lait, par exemple, peut être triée pour être recyclée en pull, mais pas la barquette en plastique qui tient les biscuits à l'intérieur de la boîte en carton. Un prospectus publicitaire pourra être recyclé en papier, s'il est trié, mais pas un bloc de feuilles... En France, on ne recycle pas non plus le film plastique qui emballe les packs de lait ou d'eau. Ni les pots de yaourt. Difficile de s'y retrouver.
"Les particuliers ont une connaissance superficielle du recyclage et de son utilité", indique-t-on chez Verre Avenir, qui recycle le verre d'emballage. Les jeunes adultes et les citadins sont les moins motivés. Or recycler le verre, c'est aussi faire des économies : le prix varie entre 68 euros et 133 euros la tonne selon qu'il est ou non recyclé. "On recycle 13 % des déchets ménagers et on en composte 6 %. C'est très faible par rapport à l'Autriche, où 59 % des déchets ménagers sont recyclés, ou à la région wallonne, en Belgique, où l'on est proche des 70 %", explique Hélène Bourges, du Centre national d'information indépendante sur les déchets (Cniid).
Contrairement à l'Allemagne, par exemple, pas question ici de recycler les sacs (sauf à Paris et dans quelques autres villes), les barquettes ou les pots de yaourt en plastique. "Il n'y a pas suffisamment de matière", justifie Jean-Luc Le Blevec, directeur exécutif de SITA France.
RÉFORME GLOBALE
En Belgique, on ramasse davantage, et on réutilise aussi. Les épluchures, les fleurs fanées, les sachets de thé, par exemple, sont compostés grâce à un bac spécifique installé dans chaque appartement, maison ou cour d'immeuble. En France, le compostage en est à ses débuts, en dépit d'un Plan national lancé en novembre 2006 mais resté sans personnel pour s'en occuper ni moyens pour le financer. L'envoi en décharge ou à l'incinérateur (critiqué pour ses fumées toxiques) reste donc la solution la plus utilisée.
Une réforme globale du système est en débat : la responsabilité laissée, depuis 1992, à chaque département et à quelques industriels de la collecte et du recyclage (SITA-Suez et Onyx-Veolia), tout comme la délégation donnée à l'entreprise privée Eco-Emballages, montrent leurs limites. Au lieu d'avoir, par exemple, sur chaque emballage, un emblème ou un logo qui aiderait à identifier le bac de recyclage approprié, les fabricants préfèrent continuer leur autopromotion en apposant le "point vert" qui indique qu'ils ont payé leur cotisation (obligatoire) à Eco-Emballages.
Ce symbole est sans utilité pour le consommateur. Voire l'induit en erreur : 51 % des Français pensent, en effet, que le logo à la flèche verte permet d'identifier un produit fabriqué à partir de matière recyclée. Ce qui est faux.
Sous la contrainte de la réglementation européenne, les industriels font des efforts. Ils réduisent la quantité de matière qui constitue les emballages : en dix ans, ceux en plastique ont perdu 28 % de leur poids, les briques alimentaires 24 % et les boîtes de conserve, 37 %. Ils cherchent aussi à développer une filière plus performante pour le recyclage du plastique.
Florence Amalou
Chiffres
Les déchets ménagers représentent 28 millions de tonnes (dont 78 % d'ordures ménagères).
Coût de la gestion d'une tonne de déchets : 75 euros en 1994, 150 euros en 2004.
La poubelle se compose en moyenne de 29 % de matières organiques (épluchures, aliments...), de 25 % de journaux, papiers, cartons, de 13 % de verre, de 11 % de plastique, de 4 % de métaux, de 18 % de textile, combustibles...
Les ordures ménagères sont éliminées par incinération (42 %), enfouissement (40 %), recyclage (12 %) et compostage (6 %).
Source Ademe - chiffres 2004.
Deuxième Semaine nationale de réduction des déchets, du 3 au 11 novembre en France.
site Internet : www.reduisonsnosdechets.fr