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1 novembre 2007

Jacques Muller, un sénateur très Vert

lemondefr_grd

Jacques Muller, un sénateur très Vert
         

LE MONDE | 01.11.07 | 15h18  •  Mis à jour le 01.11.07 | 15h18

Un de ses fils lui a dit : "T'as pas le style pour le Sénat." Il porte un nom très commun en Alsace, mais le sénateur Muller, produit collatéral de l'ouverture à gauche du président Sarkozy, est atypique. Un écolo, adepte de Gandhi, a été propulsé dans le fauteuil d'un social-libéral, colonel de réserve.
Quand Jacques Muller a hérité du siège de Jean-Marie Bockel, maire ex-PS de Mulhouse, devenu secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie, il n'y a pas eu que des heureux. "Une pilule difficile à avaler", admet le député UMP du secteur, Michel Sordi. D'autant plus difficile que l'entrée du maire de Wattwiller au Palais du Luxembourg semblait improbable : dans le Haut-Rhin, il n'était que le numéro trois de la liste PS-Verts aux sénatoriales de septembre 2004, marquées par l'élection programmée de Jean-Marie Bockel.

C'est l'élection surprise de la numéro deux de la liste qui a propulsé Jacques Muller au Sénat. Ce qui lui permet aujourd'hui de pourfendre dans l'Hémicycle la loi Hortefeux sur l'immigration, "instrument de la politique spectacle", ou de s'en prendre aux pannes à répétition de la centrale nucléaire de Fessenheim.

"Par passion du métier", il est resté vingt-sept ans professeur d'économie générale et rurale au lycée agricole de Rouffach. Des années que ses copains de promotion de l'Institut national agronomique de Paris ont mises à profit pour faire carrière dans l'administration. Maintenant, c'est lui qui dispose "d'importants moyens d'investigation" pour continuer sans relâche son combat contre les OGM. Pour les vacances, il n'a rien changé à ses habitudes : camping en famille et Grand Bal de l'Europe, un festival folk dans l'Allier. Au Sénat, "par respect pour l'institution", il porte une cravate.

"Il marche vite", a déjà observé un huissier. Pressé d'apprendre le métier ? Jacques Muller est surtout soucieux de ne pas décevoir. Monsieur le maire est connu en Alsace pour avoir promulgué, en juin 2004, un arrêté interdisant la culture de plantes OGM, annulé deux ans plus tard par le tribunal administratif de Strasbourg. Le maire de Wattwiller a alors assigné le ministre de l'agriculture en justice pour contraindre son administration à fixer un périmètre de sécurité entre une production biologique et une production d'OGM.

Dans la grande tradition des plaideurs qui prévaut chez les Verts, Jacques Muller s'est engouffré dans une brèche juridique. "L'Etat français traite différemment les essais de cultures OGM en plein champ - strictement réglementés - et les cultures OGM commerciales, qui se font dans l'absence totale de règles de protection", explique-t-il. Il dénonce avec fermeté le refus français de transposer la directive européenne sur le contrôle des risques liés aux plantes génétiquement modifiées. "Ce n'est pas une lubie. Je fais mon travail de maire pour protéger un agriculteur biologique", dit-il. Le jugement est très attendu par d'autres maires anti-OGM.

Plaideur oui, mais pas adepte de la désobéissance civile : l'élu ne fait pas partie des groupes de faucheurs sauvages. Il préfère se concentrer sur l'action en justice pour faire avancer son projet de moratoire. "Faucher des OGM en plein jour en prévenant d'abord les gendarmes et les médias, c'est une démarche courageuse. Le faire de nuit en catimini, c'est un acte antirépublicain, une forme de vandalisme", proclame-t-il.

C'est l'engagement pour le tiers-monde qui a poussé cet ancien élève de René Dumont à rejoindre les Verts. A l'approche de la trentaine, il a trouvé sa voie militante et idéologique au sein du Mouvement pour une alternative non violente (MAN). Il a été objecteur fiscal - avant de devenir non imposable. Le soldat Muller a effectué son service militaire en Allemagne, "pour obéir à (son) père", mais s'est déclaré objecteur de conscience. Ce souvenir en ravive un autre, celui de "débats mémorables" sur la politique de défense à la fédération socialiste du Haut-Rhin, dont le jeune responsable était alors un certain... Jean-Marie Bockel.

"Pouvoir mettre en pratique ses idées, c'est le bonheur du maire", dit-il. Ce "radical réformiste", comme il se définit lui-même, a découvert sur le tard les joies de l'action publique. Construire un bâtiment municipal en respectant les règles du développement durable en est une, assure-t-il. Elu sur une liste d'entente communale sans étiquette, il affiche ses convictions dans un village où, comme partout en Alsace, deux électeurs sur trois ont voté pour Nicolas Sarkozy le 6 mai.

"Parler vrai et agir juste" est le credo de cet édile que ses administrés respectent sans partager toutes ses idées. Notamment son discours sur la non-violence, nourri par une foi chrétienne de pratiquant. "Au moins, lui, il ne retournera pas sa veste. C'est un homme intègre", se rassure un habitant de Wattwiller, dérouté que Jean-Marie Bockel soit entré au gouvernement.

Ses amis Verts se montrent d'autant plus élogieux à son égard qu'il n'appartient à aucun courant. Ils le décrivent brillant, modeste, travailleur, loyal, toujours disponible. "J'ai presque envie de remercier Jean-Marie Bockel", ose Djamila Sonzogni, conseillère régionale des Verts. "Ce n'est que justice, il le mérite. Jacques Muller est le meilleur du secteur", affirme Christian Weiss, secrétaire général des Verts en Alsace.

Il est vrai que, pour un parti en perte d'audience dans son berceau, le nouveau sénateur apparaît comme un homme providentiel. "On souffrait d'un manque de relais médiatique. Il permettra de mieux faire entendre les idées des Verts", se réjouit la conseillère régionale d'Alsace Andrée Buchmann, une Verte historique.

Jacques Muller, cinquième sénateur des Verts, veut continuer à vivre simplement, selon le principe de décroissance qui l'a conduit à réduire ses désirs de consommation au profit d'une "sobriété heureuse". "Il va toujours à la mairie à vélo", précise sa femme, Christine.

"C'est l'action et non le fruit de l'action qui importe. Vous devez faire ce qui est juste (...). Vous ne saurez peut-être jamais ce qui résultera de votre geste, mais si vous ne faites rien, il n'en résultera rien." Il avait reproduit cette pensée de Gandhi sur sa carte de voeux pour l'année 2006 et la méditait après son score "décevant" aux élections législatives du mois de juin - 7,8 % - quand Jean-Marie Bockel l'a appelé pour lui annoncer que le fruit était tombé.

Adrien Dentz

                                 
Parcours
         

1954 Naissance à Mulhouse (Haut-Rhin).

1983 Milite au sein du Mouvement pour une alternative non violente.

1989 Rejoint les Verts.

2001 Elu maire de Wattwiller, (Haut-Rhin), 1 700 habitants.

2004 Promulgue un arrêté anti-OGM dans sa commune.

2007 Sénateur du Haut-Rhin.

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