Les associations de défense des internautes dénoncent le projet de loi sur la contrefaçon
LEMONDE.FR | 16.10.07 | 19h42
ercredi
17 octobre, le Sénat examinera en deuxième lecture le projet de loi de
lutte contre la contrefaçon, transposition en droit français d'une directive européenne de 2004.
Brevets, marques, mais aussi propriété littéraire et artistique : en 45
pages, le texte introduit de nouveaux moyens de lutte contre la
contrefaçon, qu'il s'agisse de vêtements, de médicaments ou de morceaux
de musique.
C'est ce dernier point que critiquent vivement
plusieurs associations, qui s'étaient déjà opposées en 2005 à la loi
Dadvsi (directive sur le droit d'auteur et les droits voisins dans la
société de l'information). "La France a décidé d'aller au-delà de la directive", analyse Christophe Espern, co-fondateur d'EUCD.info. "Le texte européen prévoyait une notion de 'contrefaçon à l'échelle commerciale',
et faisait donc la différence entre l'internaute qui télécharge de la
musique et le réseau mafieux. Cette précision excluait de fait les
usages à but non lucratif, et protégeait donc les gens qui exercent
simplement leur droit à la copie privée. Ce n'est plus le cas dans la
transposition française de la directive."
Les députés et sénateurs auraient donc décidé de renforcer
l'arsenal législatif contre les internautes qui téléchargent de la
musique ou des films ? Non, répond Laurent Béteille, sénateur UMP de l'Essonne et rapporteur du projet de loi. "D'ailleurs,
dans le projet de loi déposé par Bercy, cette notion d'échelle
commerciale ne concernait pas le droit d'auteur. Nous l'avons supprimée
de l'ensemble du texte dans un souci de simplification. Pour qu'on
puisse s'y retrouver dans cette partie du droit, il est nécessaire de
gommer certains particularisme et d'unifier les textes, dans l'intérêt
de tout le monde."
UN RÔLE ACCRU POUR LES JUGES
Pour Christophe Espern, d'autres parties du texte posent problème. Selon lui, l'article 32 du texte permettrait notamment à l'Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle (ALPA) de s'auto-saisir, ce qu'elle ne peut pas faire aujourd'hui. "L'ALPA deviendrait à la fois juge et partie. De plus, le texte donne aux juges un rôle particulièrement complexe : ils doivent 'prendre en considération les conséquences économiques négatives, dont le manque à gagner'. Comment estimer le manque à gagner pour une industrie entière ? A terme, on va aller vers des amendes forfaitaires, des sanctions automatisées, avec tous les dérapages que cela sous-entend."
Un faux procès fait au texte, pour Laurent Béteille. "Les
juges ne sont pas idiots : on ne sanctionnera pas de la même façon
quelqu'un qui reproduit pour son usage personnel ou qui le fait en
grandes quantités pour la revente. C'est déjà ce qui se fait à l'heure
actuelle."
Avec une nuance supplémentaire : la jurisprudence
sur le sujet n'est pas encore fixée. Alors que le téléchargement ou la
copie de DVD pour un usage personnel étaient généralement jugés comme
une extension du droit à la copie privée, la Cour de cassation a jugé en mai 2006 que ces pratiques constituaient bien une violation de la loi.
Damien Leloup