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Mon Mulhouse2
25 février 2008

RATP : caisses et pataquès

RATP : caisses et pataquès

Où l'on apprend que la RATP songe à revenir sur le tout automattique et à rétablir les guichets. Un bon exemple de l'incurie diffusée par le management moderne.



(Photo Phil h, flickr, cc)

(Photo Phil h, flickr, cc)

Une rumeur court au sein du personnel de quai de la RATP, qui semble le réjouir... Les caisses seraient prochainement de retour. Bonne nouvelle – pour les clients de même - si elle est confirmée ? Petit rappel des faits pour le savoir : depuis bientôt neuf mois, les guichets du Métro parisien sont privés de caisse(s) et de personnel dédié à leur fonctionnement (prise de commande et encaissement) ; en lieu et place, on trouve des « comptoirs d'information » c'est-à-dire des espaces conçus non pour délivrer des titres de transport mais pour renseigner les clients. Renseigner seulement ? Mais alors... pour les tickets, on fait comment ? Pas de problème ! De splendides automates vous délivrent vos titres de transport sur demande.
Enfin presque... Car avec dextérité, il vous faut jouer du rouleau – la commande qui permet de déplacer un curseur – puis sélectionner et valider un choix dans un menu, ou plus exactement dans une série de menus qui défilent sur un écran. L'agilité des doigts est recommandée ainsi que la compréhension de la logique propre aux technologies de l'informatique. Quant au paiement, glisser pièces ou billets dans une fente s'avère souvent fastidieux et « chronophage ». Dés lors, le résultat ne s'est pas fait attendre. En effet, hors les réactions de rejet - émanant de publics ne goûtant pas l'automatisation : personnes âgées, individus maîtrisant mal ou peu la langue française, étrangers et touristes de passage à Paris – des phénomènes de queues et autres files d'attente ont fait leur apparition, suscitant le mécontentement des clients. Et, ironie du sort, ce qui avait été initialement conçu pour permettre de gagner du temps se révèle être un système qui en fait perdre dans plus d'un cas notamment lorsque le personnel de la RATP doit donner un cours d'utilisation des machines à quelqu'un, ce qui, immanquablement, provoque un ralentissement du flux des acheteurs devant l'automate.

Une nouvelle race de technocrates

Que dire de ce paradoxe ? Qu'il traduit une réalité propre aux organisations complexes que sont les grandes entreprises en général, et les services publics dont la mission est celle du transport en particulier, à savoir que certaines décisions émanent d'une nouvelle race de technocrates : les analystes des besoins et du mental des clients, grands connaisseurs (en principe !) de ce qui se trame dans la tête, pour ne pas dire « l'âme » du consommateur. Ce, sans forcément - voire très rarement – connaître ledit client et expérimenter, à sa place et dans les mêmes conditions que lui, le produit qu'il utilise.


(Photo Daquella Manera, flickr, cc)

(Photo Daquella Manera, flickr, cc)

Ces savants, ces brillants théoriciens supputent, imaginent, modélisent et conçoivent, loin du terrain et de ses réalités, des solutions qui n'en sont pas. Remplis de certitude mais dépourvus de bon sens, endoctrinés (la plupart au sein des « Sup de Co ») à coup de théories fumeuses où domine le management libéral, ils prônent la communication et la rentabilité mais engendrent plus sûrement le compliqué et l'inadéquat.
Car après tout, le Métro et le RER, c'est simple. Que veulent les usagers/clients ? Ni communication ni conseil toutes les cinq minutes, contrairement à ce que disent les enquêtes sur leurs soi-disant attentes et les enseignements (à courte vue) qui en ont été tirés. Alors que veulent réellement les usagers/clients ? Aller vite et en sécurité et ne pas attendre dans des lieux sales. Que faut-il pour cela ? Des caisses et des guichetiers, des rames ou des trains, des personnels de surveillance et d'entretien.
Le tout ... en (très) grand nombre.

La « privatisation des esprits » est en marche

Pour l'avoir ignoré, la RATP va sans doute être contrainte de réinstaller ses caisses et remettre en poste des guichetiers pour les faire fonctionner. Et à la dépense (en dizaines et dizaines de milliers d'euros) occasionnée par la désinstallation des caisses et de leur système et réseau se rajouterait celle du sens contraire : les remettre et réintroduire des organisations du travail intégrant à nouveau le métier de caissier et son temps de disponibilité pour encaisser et délivrer des titres de transport.
Au-delà de cet exemple – presqu'anecdotique – limité à la seule RATP se pose le problème de l'évolution générale des modes de gestion des services publics de plus en plus impactés par une privatisation rampante, celle des esprits notamment, exigeant efficacité (souvent apparente mais pas si réelle ni si opérationnelle que cela sur le long terme) et rentabilité aux allures de réduction des coûts fleurant bon le cost killing et utilisant notamment la sous-traitance vers le secteur privé à tour de bras. Même l'armée subit le même sort, subissant les affres de livraison et dotation de matériels – habillement de terrain et combat notamment – très peu voire pas satisfaisantes.
Certes, ce n'est pas parce que l'on affaire au service public qu'il faut ériger inefficacité, gaspillage en ligne voire doctrine de conduite. Mais l'excès inverse qui consiste à introduire partout et en tout du « tout management » méconnait fondamentalement une réalité de cette activité au service du public : apporter une prestation utile – mission d'intérêt général - réalisée dans des conditions d'organisation et de rentabilité autres que celle de l'initiative privée fondée uniquement sur le souci du lucre et de la rentabilité.


Lundi 25 Février 2008 - 00:11

Jean-Louis Denier

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