Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Mon Mulhouse2
15 février 2008

Obama vu du Kenya: "Ils n'éliront jamais un Noir"

Obama vu du Kenya: "Ils n'éliront jamais un Noir"
                          

 

Ses origines kényanes suscitent un énorme intérêt pour le candidat à l'investiture démocrate au pays de sa grand-mère.

Dans une librairie de Mombasa (DR).

(De Mombasa) "Une Obama s'il vous plaît", lance un client au Florida Club, boîte de nuit donnant sur le front de mer, à Mombasa. Au loin, de gros cargos attendent pour entrer dans le plus grand port marchand d'Afrique. A deux pas, les amoureux se bécotent sur les rochers, peu gênés par le bruit de l'océan Indien.

Alors que le soleil fait place aux néons multicolores, les "Obama" fusent dans la discothèque aux murs lépreux, où des centaines de marines américains, de la base toute proche, trompent leur ennui sur fond de musique swahili, rock et rap.

En ce début de soirée, il n'y a que des jeunes Kényans qui sirotent des bières au bar. La Obama fait un tabac. John, guide touristique, rassure les curieux:

"Ici, ce n'est pas le quartier général de Barack Obama. La Obama chez nous, c'est une bière locale!"

A l'origine, elle s'appelait Sénateur, mais elle a été rebaptisée du nom du candidat démocrate à la présidence américain, "en l'honneur du sénateur Barack Obama", précise le guide. Succès assuré pour le brasseur kényan qui ne peut répondre à la demande.

La Obamamania déferle sur le Kenya. De Nairobi à Mombasa en passant par Nakuru (vallée du Rift) et Kitale à l'ouest, tout le pays est sous le charme de l'Afro-américain né à Haiwaï d'un père kényan et d'une mère de l'Arkansas. Cindy, 22 ans, libraire à Mombasa, s'enthousiasme:

"Nous avons vendu des dizaines et des dizaines de livres sur Obama dont son autobiographie 'From promise to power' (De la promesse au pouvoir) malgré son prix".

Le portrait du politicien est partout: sur les porte-clefs, pendentifs, cartables d'écoliers, appareils téléphoniques. Un marchand qui veut fourguer ses «obama-obama» aux rares touristes confirme que les Chinois ont inondé le marché de produits dérivés.

Eva, Grace et Robert discutent affaires au bar du Royal Castel Hotel au centre-ville. Mais dès que ces jeunes entrepreneurs entendent le nom de Barack Obama, ils élèvent la voix. L'un d'eux assène:

"Je me moque de ce monsieur. C'est pas notre priorité actuellement. Le pays est comme un bateau ivre."

Robert n'est pas d'accord:

"Je suis très fier de sa carrière. Il est important pour nous. Il nous redonne le moral. Il est la preuve qu'un Kényan peut réussir ailleurs. Il battra Hillary Clinton à l'investiture démocrate."

Grace n'en doute pas:

"Je suis très confiante. Le Kenya n'a jamais perdu l'épreuve de 3000 mètres steeple aux Jeux olympiques. La course d'endurance, c'est notre truc."

Et les trois d'éclater de rire avant qu'Eva ne casse l'ambiance:

"Les Américains ne voteront jamais pour un président noir."

Le grand adversaire de «Billary», comme les Kényans appellent la rivale démocrate d'Obama (allusion à la présence continuelle de Bill Clinton aux côtés d'Hillary), est aussi à la une des journaux nationaux: Daily Nation, Standard et Taifa Leo, grand quotidien swahili du pays, en ont fait leur vedette. Aziz, étudiant en commerce, ironise:

"On parle bientôt plus du sénateur de l'Illinois que de la crise qui secoue notre pays."

"Il nous ouvrira les portes des USA"

Alors que le pays des safaris offre à la démocratie américaine un brillant candidat noir, le Kenya vit ses plus graves turbulences depuis son indépendance il y a quarante ans. Plus de 1000 morts et 350 000 déplacés. John s'en indigne:

"C'est honteux pour nos politiciens. Quelle image nous montrons au monde au XXIe siècle, on utilise les prétextes ethniques pour se massacrer!»

Omar s'invite dans la discussion, son Obama en main:

"Moi, je me moque de la politique. Ici, ils sont tous corrompus. Tout ce qui m'intéresse, si Obama est élu, c'est qu'il nous ouvrira les portes des USA. Nous voulons des visas."

Les cousins lointains du démocrate américain n'ont qu'une envie: fuir la misère. Jusqu'ici, la seule issue possible le mariage avec un ou une étrangère. Mais les jeunes Kényans connaissent-ils réellement les idées et le parcours de ce lointain cousin d'Amérique? Magdalin, par exemple, n'en a "aucune idée". Hormis quelques intellectuels, la majorité pense qu'Obama est un people, omniprésent dans les gazettes kényanes. Certains le confondent même avec un acteur d'Hollywood ou un chanteur de pop. John poursuit:

"Nous ce qu'on veut c'est qu'il nous aide. Qu'il n'oublie pas ses origines."

Au Florida Club, l'Obama des fêtards a un goût d'Amérique. C'est la semaine de tous les dangers au Kenya. L'ancien secrétaire général de l'ONU Kofi Annan travaille d'arrache-pied pour rapprocher le président Kibaki et son opposant Odinga. Les deux frères ennemis sont tout proches d'enterrer la "machette de guerre". Et pourtant Taifa Leo, a publié en une, mardi 12 février, la photo d'une vieille dame. Une mama kenyane traquée par la presse internationale. Il s'agit de Sarah Hussein Obama, 86 ans, au regard malicieux et dont le petit-fils est aux portes de la Maison Blanche.

Safari médiatique

Le journal raconte que Sarah est devenue une star planétaire, photographiée sous toutes les coutures, interviewée dans toutes les langues et filmée par les caméras du monde entier. La vieille dame qui vit loin de tout au bord du lac Victoria est la personne qu'il faut rencontrer quand on est envoyé spécial au Kenya. Il faut dire, ironise le quotidien swahili, que les journalistes étrangers n'ont plus grand-chose à se mettre sous la dent depuis la fin des violences dans la vallée du Rift et les bidonvilles de Nairobi. Du coup, la grand-maman de Barak Obama assure l'entracte médiatique tandis que les politiciens kenyans marchandent à prix d'or leur ralliement au camp de la paix.

Mais ce n'est pas tout. Taifa Leo rapporte aussi que Mama Sarah est également harcelée par tous ceux qui veulent décrocher un visa pour les Etats-Unis. Et voilà l'alerte octogénaire dans le rôle d'entremetteuse de Green Cards. Ce qui dérange au plus haut point l'équipe de campagne du candidat démocrate. Elle craint qu'on lui reproche au d'avoir un faible pour le pays d'origine de son père alors que l'Amérique ne veut plus de vagues d'émigrants des pays émergents.

Du coup, Sarah Obama est priée de se taire. Et c'est un ordre du bureau de campagne de son petit-fils qui contrôle désormais les faits et les gestes de la vieille dame en priant pour que les médias américains s'en aillent voir ailleurs et mettent fin à cette saga qui rappelle l'origine africaine du poulain démocrate.

Aujourd'hui, il est devenu aussi difficile de parler à Mama Sarah que d'apercevoir un guépard dans la savane. Reste que les journalistes américains n'ont pas dit leur dernier mot. Indomptables, ils sortent leurs dollars pour un safari médiatique au pays d'Obama.

Publicité
Commentaires
Mon Mulhouse2
Publicité
Archives
Derniers commentaires
Publicité