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Mon Mulhouse2
14 février 2008

A qui va profiter l'ouverture ?

http://www.valeursactuelles.com/public/valeurs-actuelles/html/fr/articles.php?article_id=1754

 

 

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A qui va profiter l'ouverture ?

ArnaudFolch, le 01-02-2008
     

Mulhouse. Converti au sarkozysme, Jean-Marie Bockel, le maire sortant (ex-PS), est ultrafavori. Mais le PS et le FN peuvent imposer une triangulaire. Seul maire de grande ville ministre d’ouver­ture, Bockel devrait aisément l’emporter. Mais, tant à gauche qu’à droite, sa désignation ne s’est pas fait sans heurts. Reportage.

Elle éclate de rire : « Cette ouverture, quelle mascarade ! Quand je pense que j’avais appelé mon chien Sarkozette ! » Mais on la sent meurtrie, trahie. En colère. « À Mulhouse, l’UMP et moi – première parlementaire d’Alsace à avoir rejoint Sarkozy – avons été sacrifiées sur l’autel de l’ouverture. »

C’est le 18 juin dernier, jour de la présentation du gouvernement Fillon 2, qu’Arlette Grosskost a « compris » qu’elle ne conduirait pas la liste à la municipale. Après avoir conquis son siège de député face à Jean-Marie Bockel, alors encarté au PS (en 2002), puis battu son premier adjoint Pierre Freyburger, aujourd’hui tête de liste socialiste (en 2007), celle-ci était la “candidate naturelle” de l’UMP pour le prochain scrutin. Et puis est arrivé ce 18 juin. Il est aux environs de midi. Sur le perron de l’Élysée, Claude Guéant égrène un à un les noms des ministres du nouveau gouvernement. Parmi ceux-ci, en vingt-septième position, celui de Jean-Marie Bockel, secrétaire d’État chargé de la Coopération et de la Francophonie. « Tout le monde savait qu’il hantait les couloirs de l’UMP, raconte-t-elle, mais personne n’avait osé me prévenir. J’étais là, toute seule, dans mon bureau, devant la télévision… Ce n’était pas une couleuvre qu’on me demandait d’avaler, mais carrément un boa ! » Qu’elle n’a toujours pas digéré…


Le soir même, en réunion du bureau de l’UMP, elle s’en prend vertement à François Fillon : « Tu aurais pu au moins m’appeler », lui lance-t-elle. Le premier ministre l’éconduit sèchement : « Tu ne me parles pas comme ça… » Quelques jours plus tard, devant l’incendie qui couve, Nicolas Sarkozy la convie à déjeuner à l’Élysée – elle est assise face à lui – en compagnie d’au­tres élus alsaciens de l’UMP…

La plupart sont, eux aussi, très remontés contre cette « alliance con­tre-nature » passée au niveau national – et donc local – avec le maire de la seule grande ville PS de la région (112 000 habitants), qu’ils escomptaient bien déboulonner les 9 et 16 mars prochains. Les paroles d’apaisement du président n’y changent rien. « C’est nous les cocus et en plus on paye la chambre ! », ironise l’un d’eux à l’adresse d’un Sarkozy interloqué. Arlette Grosskost, elle, n’en démord pas, et prévient le chef de l’État : « Quoi qu’il arrive, je présenterai ma liste. » Ambiance. Quelques heures après ce déjeuner, qui a fait des vagues en interne, Patrick Devedjian, secrétaire général de l’UMP, la sermonne : « Vraiment, Arlette, tu exagères… » Puis arrive la sanction : « Du jour au lendemain, raconte-t-elle, j’apprends que je ne fais plus partie des secrétaires nationaux. »

Nouvelle tentative de conciliation de Sarkozy le 26 août. Jointe par téléphone, l’irascible député est cette fois convoquée à l’Élysée pour un tête-à-tête avec le président :
– C’est d’accord avec Bockel, lui annonce le chef de l’État : tu seras première adjointe.
– Il n’en est pas question, lui répond-elle.

Un quart d’heure plus tard, les deux trouvent cependant un “accord” : « J’ai accepté de ne pas me présenter en dissidente ; il a accepté que je désigne moi-même la moitié de la liste de Bockel, car je tenais à ce que soient promus les UMP les plus méritants et non les plus malléables », relate-t-elle. Cet “accord” est finalisé le lendemain au siège de l’UMP, rue La Boétie, à l’occasion d’une rencontre à quatre : Arlette Grosskost, Patrick Devedjian, Alain Marleix, le “monsieur élection” de Sarkozy, et Jean-Marie Bockel. « Tout paraissait clair, en réalité ils se disaient : “Cause toujours ma petite…” » Hormis son suppléant, Jean Rottner, qui figurera bien en numéro trois sur la liste d’“entente municipale” du maire (désormais Gauche moderne) de Mulhouse, aucun des autres noms proposés n’a été retenu. « Bockel est un faux-cul qui a retourné sa veste pour se faire réélire, dit-elle. Je voterai blanc. »

L’intéressé préfère en sourire. « Arlette ? Quand on l’a comme ami, inutile d’avoir des ennemis », répond-il. Avant de prévenir : « Croyez-moi, j’aurai des commentaires à faire, mais après l’élection. » Car, pour l’heure, Jean-Marie Bockel, occupé plus de la moitié de la semaine par ses activités ministérielles à Paris, n’a pas de temps à perdre. Ce n’est pas avec des jambes, mais avec des compas, qu’il arpente au pas de charge les trottoirs de sa ville, conquise en 1989. Regard laser, il est capable, tout en marchant et discutant, de repérer ici un visage ami, là une main qui salue, même au loin, ici encore une Citroën bleue qui passe : « Tiens, qui c’est cet officiel avec “7 000” sur sa plaque d’immatriculation ? Ah oui, c’est le président du conseil général… » Hier soir, il a rencontré Laure Manaudou, venue s’installer à Mulhouse, tout à l’heure il a rendez-vous au siège de l’Anru (l’Agence nationale pour la rénovation urbaine) pour le lancement d’une nouvelle opération d’amélioration de l’habitat, avant une rencontre – une de plus – avec les “forces vives” de sa ville…

C’est en position d’ultrafavori qu’il se présente pour un quatrième mandat. « Il y a un an, bien avant mon entrée au gouvernement et le soutien que m’apporte aujourd’hui l’UMP, j’avais fait réaliser un sondage qui me plaçait, déjà, largement en tête, confie-t-il. Ce n’est donc ni par tactique ni par opportunisme, encore moins pour sauver mon siège, que j’ai accepté d’entrer au gouvernement. Du reste, ajoute-t-il, si Nicolas Sarkozy est arrivé en tête à Mulhouse en mai dernier, cela a toujours été le cas des candidats de droite lors des scrutins présidentiels. Et cela ne m’a jamais empêché d’être élu et réélu maire. Cela fait vingt ans que j’appelle les socialistes à évoluer et vingt ans qu’ils refusent de m’écouter. J’en ai tiré les conséquences. »

Même son concurrent villiériste, l’ancien FN Gérard Freulet (34 % des voix en 1995, 21,5 % en 2001) le concède : « Les lignes ont bougé, dit-il. Bockel n’est plus socialiste. C’est un homme non sectaire qui a pris conscience des problèmes de sécurité et d’immigration. Après avoir été prisonnier d’une gauche archaïque, son entrée au gouvernement témoigne de son évolution. » Dans une ville qui, avant de devenir le laboratoire de l’ouverture, fut longtemps l’une de celle où le Front national a réalisé parmi ses meilleurs scores – permettant notamment à Freulet d’être élu conseiller général en 1997 –, cette indulgence affichée à l’égard du maire sortant par l’ancien leader frontiste (passé par le MNR de Mégret avant d’atterrir au MPF de Villiers) est loin d’être anodine. Celui-ci a beau dénoncer, par ailleurs, la « tiersmondialisation » et la « fiscalité outrancière » de la ville, sa “complaisance” fait jaser. Au FN, bien sûr, dont la tête de liste, Patrick Binder, secondée par sa femme Martine, dénonce la « bockelisation intéressée » de son ancien responsable. Mais aussi, plus surprenant, à l’UMP. « Freulet roule pour Bockel, assure ainsi Arlette Grosskost. Il l’avait fait nommer à la communauté de communes. Aujour­d’hui, Freulet est là pour tenter de capter les voix des déçus du sarkozysme qui seraient tentées de voter Front national. » « C’est clair : voter Freulet, c’est voter Bockel », affirme, de son côté, Philippe Trimaille, ex-porte-parole du groupe UMP au conseil municipal, qui vient d’annoncer le lancement de sa propre liste.

Jean-Marie Bockel, en prévision du second tour, a-t-il, en sous-main, poussé son “ouverture” jusqu’aux rivages de l’ultradroite ? « Il n’y a aucune espèce d’accord, dit-il. Reste que Freulet, malgré son passage au Front national, n’est pas idéologiquement d’extrême droite. C’est un populiste. Si cela n’avait tenu qu’à lui, il serait venu avec moi. Je lui ai dit : “Je ne vous en veux pas, mais du fait que vous avez été au FN, vous ne pouvez pas figurer sur ma liste.” Et puis, s’il prend des voix à Binder, on ne peut que s’en féliciter. Tous ceux qu’inquiète un Front national trop puissant ne s’en plaindront pas… »

Crédité de 8 % dans un sondage Ifop-l’Alsace paru en décembre (contre 9 % à Freulet, 22 % au PS Pierre Freyburger et 46 % à Jean-Marie Bockel), Patrick Binder, le candidat FN, ne s’en dit pas moins persuadé de dépasser son concurrent villiériste (absent des scrutins depuis 2002) et de figurer en triangulaire, au second tour. « Bockel, dit-il, a été ministre sous la gauche en 1983 puis sous la droite en 2007, il personnalise l’échec du “système” incapable d’enrayer le déclin de la France. » Assuré, lui, de figurer au second tour, Pierre Freyburger, l’ancien premier adjoint PS de Bockel, dénonce les « marchandages politiciens » du maire et en appelle à une « rupture politique ». Soutenu par François Hollande, qui, après un premier déplacement, a promis de venir le soutenir à nouveau, il escompte, de plus, sur la très médiatisée visite de Ségolène Royal. Problème : seule une minorité des élus et militants PS le soutiennent – au point que “sa” section a dû être dissoute !

Soutenu, selon le même sondage Ifop-l’Alsace, par plus d’un tiers des électeurs socialistes, mais aussi 75 % de ceux de l’UMP, Jean-Marie Bockel est parvenu, non sans contorsions, à s’adjoindre aussi le soutien du MoDem, dont le chef de file, Bernard Stoessel, en cinquième position sur sa liste, avait atteint 22,6 % des voix au second tour de la municipale de 2001. Le ministre d’ouverture, qui peut à la fois se flatter d’être un ami de François Bayrou et un proche de Sarkozy, a-t-il, pour autant, déjà élection gagnée, comme le prédit Michel Samuel-Weis, son adjoint à la culture et “monsieur sondage” ? « Nous ferons entre 45 et 55 % au premier tour », affirme celui-ci. « Si Arlette Grosskost avait conduit une liste UMP, voire UMP dissidente, contre lui, Bockel pouvait perdre. Là, ça paraît difficile », reconnaît le FN Patrick Binder. Encore plus affirmatif, Gérard Freulet affirme : « La liste socialiste de Freyburger n’a aucune chance. » Quant à l’UMP (bientôt exclu ?) Philippe Trimaille, qui affirme vouloir « aller jusqu’au bout » malgré son « manque de moyens », il le reconnaît : « Face à Bockel, ma liste, c’est David contre Goliath. »

Reste un bilan en demi-teinte pour le maire de Mulhouse, que ne parviennent pas à effacer les « réussites » de son second mandat : construction de deux lignes de tramway, aménagement du nouveau bassin à l’est, des Collines à l’ouest, grand “projet de ville” en faveur des quartiers déshérités au centre… Car, même si les actes de délinquance ont baissé de 5,9 % à Mulhouse l’an dernier, l’insécurité y reste endémique. Une voiture brûlée par jour en moyenne. C’est aussi ici que l’on compte le plus grand nom­bre de chômeurs (10,3 %) et de RMistes d’Alsace. De loin. Une fois quitté la – superbe – place de la ­Réunion (en référence à la fois à la “libre ­réunion” de la République de Mulhouse à la France en 1798 et au retour des troupes bleu horizon en 1918), il suffit de se promener en ville pour constater les dégâts engendrés par la désindustrialisation et une immigration galopante. Usine à l’abandon aux vitres cassées rue de la… Miroiterie, Abribus et cabine téléphonique brisées face au Hall des sports, mendiantes en tchador…

Plus encore que la très sinistrée rue de Colmar, citée par tous les candidats anti-Bockel, se situe, à quelques encablures de l’hôtel de ville, le premier petit tronçon très symbolique de la rue Wilson (du nom du président des États-Unis durant la guerre de 1914-1918) menant de la place de la République à la rue Paul-Déroulède (le chantre passionné du retour de l’Alsace-Lorraine à la France). Sur les quinze boutiques, cinq friteries-kebabs, trois fermées, deux agences d’intérim et un sex-shop… Le tout à l’angle d’une ANPE ne désemplissant pas…

« Mulhouse est une ville de la révolution industrielle qui a été frappée en pleine tête par les restructurations, justifie le maire. Au départ, l’immigration était une immigration de travail. Avec la crise et le chômage, cette immigration, qui n’est pas responsable à elle seule de l’insécurité, a créé un cocktail difficile. Beaucoup a été fait, mais c’est une situation structurelle, qui ne se résoudra qu’avec du temps. » Le fait d’avoir changé de rive, passant de gauche à droite, sera-t-il suffisant pour accélérer la cadence ?

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