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Mon Mulhouse2
14 février 2008

Les projets très impériaux du sénateur John McCain

http://www.monde-diplomatique.fr/carnet/2008-02-14-John-McCain

jeudi 14 février 2008

Les projets très impériaux du sénateur John McCain

Les victoires, le 12 février, du sénateur John McCain dans la ville de Washington et dans les Etats de Virginie et du Maryland garantissent presque qu’il deviendra le candidat du parti républicain à l’élection présidentielle du 4 novembre prochain. Il se heurte encore à l’hostilité de nombreux conservateurs. Mais cette opposition ne semble plus présenter de danger majeur pour lui. Et elle ne signifie pas que le sénateur de l’Arizona soit un progressiste. Ni même un centriste…

M. McCain doit une bonne part de ses succès au soutien d’électeurs indépendants ou à celui de républicains modérés (1). Le sénateur de l’Arizona a en effet pris des positions rompant avec l’orthodoxie de son parti sur la question des financements politiques (bénéficiaire de pots-de-vin des caisses d’épargne dans les années 1980, M. McCain est devenu inflexible depuis), le rétablissement de relations normales avec le Vietnam, la dénonciation de la torture, le refus des baisses d’impôts décidées par le président George W. Bush au début de son mandat, lesquelles ne s’accompagnaient pas d’une baisse corrélative des dépenses publiques. Surtout, il s’est opposé aux ultras de son parti sur le dossier de l’immigration et sur celui de l’imposition à tous les Américains des « valeurs traditionnelles » de la droite religieuse.

En matière de politique étrangère, M. McCain n’a cependant rien à envier aux « faucons » les plus hallucinés. C’est d’ailleurs ce terrain « diplomatique » que MM. Rudolph Giuliani, Mitt Romney, mais aussi nombre d’intellectuels néoconservateurs, ont mis en avant pour justifier leur ralliement au sénateur de l’Arizona. Parce qu’il se présente comme le héraut d’une « nation judéo-chrétienne » en butte à l’« islamo-fascisme », parce qu’il entend « gagner » en Irak, « front central de la guerre contre le terrorisme », le cas échéant en y mettant le prix, M. McCain leur apparaît largement préférable à Mme Hillary Clinton et à M. Barack Obama.

Dans un texte publié en novembre dernier par la revue Foreign Affairs, le probable candidat républicain à l’élection présidentielle a détaillé ses projets diplomatiques. Ils incluent, sur fond de libéralisme commercial maintenu, la poursuite de la guerre en Irak, le cas échéant avec des effectifs américains renforcés ; une augmentation des dépenses militaires ; un durcissement très sensible des relations avec la Russie (dorénavant écartée des réunions du G8) ; la création d’une « Ligue des démocraties » appelée à se substituer aux Nations unies chaque fois que les Etats-Unis et leurs alliés souhaiteront intervenir sans s’encombrer des contraintes de la Charte de l’ONU ; enfin, une approche plus pugnace des rapports avec la Chine et avec les Etats récalcitrants d’Amérique latine, en particulier le Venezuela.

Si M. McCain est élu — et si sa volonté s’impose aux autre pays du monde —, l’empire américain a de beaux jours devant lui. Car les Etats-Unis conforteront leurs capacités militaires, déjà écrasantes, tout en s’offusquant quand d’autres nations, non alliées, auront le front d’en faire beaucoup moins ; ils utiliseront le commerce comme une arme diplomatique mais interdiront à un autre Etat de se comporter de la même façon… Rien d’étonnant par conséquent à ce que le candidat républicain ait précisé d’emblée : « Compte tenu des dangers actuels, notre pays ne peut pas se permettre le genre de vague à l’âme, de dérive et de pusillanimité qui a suivi la guerre du Vietnam. Le prochain président doit être prêt à conduire l’Amérique et le monde à la victoire (2). »

Comment le sénateur de l’Arizona entend-il procéder si, le 20 janvier 2009, il devient président des Etats-Unis ?

- Réarmement : « Nos forces armées sont trop dispersées et pas assez nombreuses. J’augmenterai les effectifs de l’armée de terre et des marines pour passer des 750 000 hommes prévus à 900 000. […] Nous pouvons dépenser davantage pour notre sécurité : nous y consacrons moins de 4 % du produit national brut, ce qui est sensiblement inférieur à notre effort du temps de la guerre froide (3). »

- Irak : « Les dernières années d’échec en Irak ont démontré que l’Amérique devait ne faire la guerre qu’avec un nombre suffisant de soldats et des plans réalistes de victoire. Cela n’a pas été le cas. Notre pays et le peuple irakien en ont payé le prix. Il a fallu attendre quatre ans pour que, grâce à de nouveaux effectifs militaires, les Etats-Unis adoptent une stratégie de contre-insurrection qui nous procure une chance réaliste de succès. Il nous faut l’emporter. Les conséquences d’un échec seraient épouvantables : une défaite de proportion historique laisserait penser aux extrémistes islamistes qu’après avoir vaincu l’Union soviétique en Afghanistan et les Etats-Unis en Irak, le monde leur appartient et que tout est possible ; un Etat serait transformé en havre terroriste en plein cœur du Proche-Orient ; une guerre civile pourrait déboucher sur un conflit régional, voire sur un génocide ; l’Iran se croirait invitée à dominer l’Irak et la région. »

- Iran : « L’Iran, principal parrain du terrorisme, poursuit sa quête d’armes nucléaires et de moyens de s’en servir. Protégé par un arsenal nucléaire, l’Iran serait encore plus susceptible d’encourager et d’organiser des attentats terroristes contre tout ennemi ou pays jugé tel, y compris les Etats-Unis, et de procurer des armes nucléaires à son réseau de clients terroristes. Le prochain président devra affronter directement cette menace, en commençant par prendre des sanctions économiques et politiques plus vigoureuses. Si les Nations unies se montrent peu disposées à agir, les Etats-Unis et les pays qui partagent nos craintes doivent imposer des sanctions commerciales, par exemple sur l’exportation de pétrole raffiné. […] Une action militaire n’est pas notre option préférée, mais elle ne doit pas être exclue. » 

- « Ligue des démocraties » : « L’OTAN a commencé à promouvoir des partenariats entre l’Alliance et les grandes démocraties d’Asie, mais aussi d’ailleurs. Il nous faut aller plus loin en associant toutes les nations démocratiques dans une organisation commune : la Ligue des démocraties. Celle-ci pourrait agir quand l’ONU ne le fait pas : allègement de la souffrance humaine au Darfour (4), combat contre le sida au sud du Sahara, meilleures stratégies pour endiguer les crises liées à l’environnement, accès plus facile aux marchés pour les pays qui acceptent les libertés économiques et politiques. » Le sénateur McCain évoque par ailleurs l’hypothèse d’une intervention de cette Ligue des démocraties (dont il convoquerait un sommet l’année de sa prise de fonction) au Zimbabwe et en Birmanie (contre les régimes en place), ou en Serbie et en Ukraine (en guise d’appui aux « démocraties en difficulté »).

- Russie : « Il y a quinze ans, le peuple russe a renversé la tyrannie communiste, a semblé déterminé à construire une démocratie, un marché, et à rejoindre l’Occident. Aujourd’hui, nous voyons que les libertés politiques sont mises en cause, que le leadership [russe] est dominé par une clique d’anciens agents des services secrets, que se multiplient les tentatives d’intimider d’anciens alliés, comme la Géorgie, et de manipuler la dépendance de l’Europe en pétrole et en gaz. Face à une Russie revancharde, l’Occident doit adopter une approche commune. Il nous faut commencer en décidant que le Groupe des huit pays les plus industrialisés redevient un groupe de démocraties de marché. Ce qui revient à y inclure le Brésil et l’Inde – et à en exclure la Russie. »

- Chine : « La Chine et les Etats-Unis ne sont pas destinés à être des adversaires. […] Quand la Chine construit de nouveaux sous-marins, de nouveaux avions de combat, modernise son arsenal balistique et teste des armes antisatellite, nous sommes en droit de nous interroger sur la signification de ces actions provocatrices. »

- Venezuela : « Nous devons contrer la propagande de démagogues qui menacent la sécurité et la prospérité des Amériques. Hugo Chavez a œuvré au démantèlement de la démocratie en affaiblissant le Parlement, les tribunaux, les médias, les syndicats libres et les entreprises privées. Son régime acquiert des armements sophistiqués. Il cherche à construire un axe antiaméricain. Mon administration s’emploiera à contrarier une influence aussi nuisible. »

Et la campagne ne fait que commencer …

Serge Halimi

(1) Aux Etats-Unis, lorsqu’un électeur s’inscrit sur les listes électorales, il indique sa préférence partisane — démocrate, républicain, indépendant, autre —, laquelle détermine dans nombre d’Etats la primaire à laquelle il pourra prendre part : un électeur inscrit comme démocrate ne pourra pas en général (chaque Etat fixe ses propres règles) voter dans la primaire républicaine. Mais, souvent, un électeur « indépendant » (ils sont plus de quarante millions dans ce cas) pourra choisir de voter dans la primaire républicaine ou dans la primaire démocrate (c’est, par exemple, le cas dans le New Jersey, mais pas à New York, où la primaire démocrate est réservée aux seuls démocrates). Jusqu’à présent, la plupart des électeurs « indépendants » qui ont voté dans la primaire démocrate ont choisi M. Barack Obama ; les indépendants qui ont voté dans la primaire républicaine ont très largement préféré M. McCain.

(2) John McCain, « An Enduring Peace Built on Freedom », Foreign Affairs, novembre-décembre 2007. Les citations qui suivent sont tirées de ce même texte.

(3) Le dernier budget proposé en janvier 2008 par l’administration Bush prévoit un envol des dépenses militaires, lesquelles atteindront 515 milliards de dollars en année fiscale 2008 (du 1er octobre 2007 au 30 septembre 2008) et 585 milliards de dollars en année fiscale 2009, soit 4,5 % du PIB.

(4) Dans le cas du Darfour, « le génocide réclame le leadership américain. Mon administration envisagera l’emploi de tous les instruments de la puissance américaine pour mettre fin aux actes inadmissibles de destruction humaine qui se sont développés »

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