Sarkozy : trop, c'est trop !
Sarkozy : trop, c'est trop !
Après l'avoir tant léché, voici que la presse lâche Nicolas Sarkozy en
rase campagne. Un lâchage net, brutal, sans plus de mesure ni de
distance que l'adoration et la pâmoison d'hier. Ainsi les trois grands
hebdomadaires du mercredi sonnent-ils de concert le glas de son règne
après avoir si souvent carillonné la splendeur sidérante de son
avènement. Voici quasi un hyper enterrement pour un hyperprésident…
Certes, Le Nouvel Observateur, bien que fasciné, a pu exprimer quelques doutes sinon certaines critiques et son titre est moins surprenant - « Le président qui fait pschitt » - que celui de L'Express - « La déception » - et surtout que celui du Point, l'organe phare de la sarkozie qui relève en Une : « Ce qui cloche ».
Et en bedeau, pour sonner lesdites cloches, on trouve non seulement le
marianniste Jean-François Kahn, mais encore l'historien économiste ex
sarkozyste de choc, Jacques Marseille qui en appelle vertement le
président « à ce convertir enfin au réel »
et à se résoudre à un inéluctable plan de rigueur. Plus surprenant
encore, VSD dans son éditorial, reproche sans prendre de gants blancs
au président ses « fréquentations infantiles des patrons du CAC 40, son inclinaison pour les joujoux des milliardaires »
et lui fait grief d'être non plus «un président de la République mais
un people » avant de consacrer 6 pages à son couple et 6 autres à son
ex-femme et à son compagnon Richard Attias !
Mais il y a mieux ou pire encore. Dans Paris-Match,
qui lui aussi fait sa Une sur le mariage « royal », on peut lire 2
pages singulièrement critiques contre le président écrites par le Shiva
de la brosse à reluire, Jean-Marie Rouart qui, cette fois et pour une
fois, prend son sujet à contre poil. Cet écrivain de l'Académie
française tance en effet le chef de l'Etat lui rappelant que «
l'exercice du pouvoir en France doit être un sacerdoce, une mission
sacrée et que les Français rigoristes veulent un président missionnaire
de la réforme ».
Comme on est
loin des hyperboles laudatives, des applaudissements frénétiques qui
accompagnaient ses moindres déplacements, ses plus infimes soupirs ou
ses déclarations de matamore - « J'irai chercher moi-même Ingrid Betancourt »
- comme on est loin même des rires complices, c'était hier pourtant,
qui accompagnaient ses moqueries contre Laurent Joffrin qui
l'interrogeait sur sa pratique monarchique de la République.
La presse s'est retournée d'un coup,
d'un seul, et se montre même aujourd'hui aussi féroce qu'elle était
hier laudative. Autant nous étions seuls à Marianne précédemment pour
mettre en garde contre les dérives adoratives de médias fascinés ou aux
ordres, autant aujourd'hui, nombre de journaux en rajoutent dans la
critique tout aussi hyperbolique. Comme s'il fallait tout jeter et le
reste du sarkozysme : on ne brûle que ce qu'on a adoré comme pour se
faire pardonner. C'est la fameuse règle khanienne : on lèche puis on
lâche puis on lynche, toujours de manière moutonnière. Il suffit que
les sondages varient, et alors avec le vent tournent les plumes qui ne
sont plus que grinçantes. Il est vrai qu'il y a des raisons et des
bonnes aussi pour ce changement de ton et de cap. Le président en a
fait trop lui aussi, c'est ce que disent, ce que râlent et ce que
ragent les Français.
Sarkozy en a fait trop dans l'étalage
de sa vie privée, dans l'exhibition de sa compagne hyper classe et de
sa bande jet-setteuse, dans la pavane de sa jouissance si
soixante-huitarde, dans son exigence de bonheur personnel alors qu'il
ne tenait pas ses engagements très concrets sur le pouvoir d'achat. Les
Français se sont agacés de cette égolâtrie satisfaite et pourtant
impuissante, de cette manière abusive de tout gouverner à lui tout seul
au mépris de toutes les traditions et du respect des équilibres
institutionnels. Sa prétention à être un président qui gouverne tout et
rien à la fois mais en même temps s'affiche en vacances luxueuses à
Louxor, n'a pas conduit que l'opinion et la presse à se retourner
contre lui. Voici Fillon désormais instrumentalisé contre le monarque
républicain. Le Premier ministre effacé devient populaire parce
qu'effacé, autrement dit « sérieux, digne, pas bling-bling ».
Son absence de prétention publique, son défaut d'imagination, son
manque d'agressivité et la dissimulation de son ambition passent
désormais et à contrario pour qualités. L'ombre de Matignon prend de la
consistance, de la lumière et même de la popularité. Aussi, les députés
qui eux non plus ne veulent plus voir le président en image
bling-bling, ces élus qui craignent de ne plus l'être lors des
municipales, ceux-là s'efforcent-ils d'en faire un chef, d'en faire
leur chef.
Les députés le poussent sur le sentier
de la guerre contre l'Elysée, contre ses conseillers et contre son
patron trop envahissant et impopulaire. A l'Assemblée nationale, on a
même vu cette scène symbolique : les parlementaires de la majorité se
sont tous levés pour l'applaudir lors des questions d'actualité. Il
n'avait pourtant pas fait de grand discours, ce n'est pas son genre. Le
chef du gouvernement s'était simplement engagé à tenir les promesses de
campagne pour les seniors ! Une affirmation d'autorité. Une résolution
nouvelle. Et on se lève désormais pour Fillon… On comprend que Sarkozy
se soit énervé hier à l'Elysée et qu'il ait rappelé à l'ordre « assis »
sinon « couché » la majorité, les parlementaires, les ministres et
surtout le Premier ministre qui ferait mieux de défendre sa politique
plutôt que de commenter sa vie privée. « Mais si le chef d'Etat n'en parlait pas lui-même de sa vie privée, ce serait plus facile », commente… un ministre !
Jeudi 07 Février 2008 - 11:41
Nicolas Domenach