Hot Chip, électro haut
Critique
LE MONDE | 04.02.08 | 16h38 • Mis à jour le 04.02.08 | 16h39
Quand ils ont débarqué dans la sphère
électronique, en 2004, les Hot Chip ne ressemblaient à personne.
C'était bien. Aujourd'hui, alors que sort leur troisième album, Made in the Dark,
tout le monde s'en inspire (les Anglais Metronomy, les Français
Scenario Rock, artistes à surveiller). C'est encore mieux. On appelle
ça créer un courant, être à la pointe.
Ce quintet londonien (Alexis Taylor, Joe Goddard, Owen Clarke, Al Doyle
et Felix Martin) était pourtant bien mal parti pour la gloire. Des
têtes de rien, avec lunettes, calvitie et légère surcharge pondérale
pour certains. Pour tout bagage, des chansons sur l'art d'être
transparent aux yeux des filles. Il fallait donc une sacrée dose de
beauté intérieure pour emporter l'adhésion.
Coming on Strong, leur premier album, l'avait, cette dose : truffé de bonnes idées, d'alliances entre techno rigide héritée de Kraftwerk et rap relax venu de Californie, entre harmonies pop (Beach Boys), sonorités funk (Prince) et complaintes soul ou R & B (ils sont fans de Stevie Wonder). Un assemblage curieux, émouvant, porté par deux voix de freluquets incroyablement gracieuses (celles de Joe Goddard et Alexis Taylor), et dont l'inventivité allait être confirmée par la suite. The Warning, en 2006, Made in the Dark aujourd'hui.
Côté bricole, rien n'a changé. Hot Chip anime toujours avec le même enthousiasme son orchestre de synthés, triangles et autres instruments pas cool pour un sou. Mais la production, elle, est montée d'un cran. Made in the Dark est un disque bruyant en comparaison des précédents. Plus radicalement rock et techno, mais avec toute la délicatesse auquel nous a habitué le groupe depuis ses débuts.
Il y a les accords nerveux de Out at the Picture, son sax qui s'époumone au loin, cette hystérie arty très new-yorkaise qui vous accueille - Talking Heads n'est jamais loin, Joe Jackson période Look Sharp non plus - en lieu et place du flegme d'avant. Puis ce revirement express en direction des clubs moites du sud des Etats-Unis secoué par les saccades de la crunk music, le rap du coin (Shake a Fist). Deux titres aux antipodes qui donnent, dès l'ouverture, la mesure du grand écart réalisé par ces gringalets surdoués, auteurs des tourneries techno les plus accrocheuses du moment (Ready for the Floor), des progressions les plus enivrantes (One Pure Thought, Hold On).
Hot Chip sait écrire des chansons électro qui restent. L'exercice est difficile. Ils sont peu à y parvenir. LCD Soundsystem l'avait fait avec Sound of Silver, le classique de 2007. Pour l'année 2008, Hot Chip vient de placer la barre très haut.
Made in the Dark, de Hot Chip, 1 CD EMI. Article paru dans l'édition du 05.02.08.