Bernard Cassen prépare le rebond des altermondialistes
Bernard Cassen prépare le rebond des altermondialistes
Le 26 janvier, comme tous les ans, se tenait le Forum de Davos, où,
respectant la tradition, les grands de ce monde, de Bill Gates à Robert
Zoellick, se sont réunis pour déplorer la misère du monde, les malheurs
de l'Afrique et les catastrophes écologiques. Mais cette année, pas de
trublions altermondialistes pour perturber la réunion. Pas de grand
rassemblement médiatisé dans une métropole d'Amérique latine ou d'Asie,
alors même que la crise des subprimes semble actualiser la taxe Tobin, revendication fondatrice du mouvement.
En France, il fallait errer dans le onzième arrondissement de Paris
pour croiser quelques petites dizaines de manifestants. En pleine crise
d'identité, marqués par les dissensions et l'échec de la candidature de
José Bové à l'élection présidentielle, les alters font profil bas. Dix
ans après sa création, Attac est en crise, comme en témoigne l'extrême
discrétion de l'association au cours des derniers mois. Pourtant,
certains espèrent encore. Et s'ils se font discrets, c'est parce que
les fondateurs du mouvement, écartés de la direction par la nouvelle
majorité d'Attac, préparent déjà la relève.
Un vent d'autocritique
Dans une petite salle au deuxième étage de la mairie du XIème, quelques
grandes figures du mouvement alter ont tenu colloque : les deux
premiers présidents d'Attac Bernard Cassen et Jacques Nikonoff, le
politologue Ricardo Petrella, Ignacio Ramonet, directeur du Monde diplomatique,
le politologue philippin Walden Bello, directeur de Focus on the Global
South, le politologue égyptien Samir Amin… entourés d'une centaine
d'activistes, penseurs et militants du mouvement. A l'ordre du jour,
une interrogation : pourquoi l'altermondialisme a-t-il échoué ?
L'organisation Mémoire des luttes
dirigée par Bernard Cassen, à l'initiative de la réunion, osant même
formuler une hypothèse : devant l'échec du mouvement, n'est-il pas
temps de passer au « post-alter-mondialisme ».
Au-delà des questions de vocabulaire, l'autocritique a fonctionné à
plein régime, phénomène assez rare dans les mouvements politiques pour
être relevé.
Un think thank mondial
Certains pointent la disparité des causes défendues, de l'écologie aux
inégalités socio-économiques en passant par le droit des femmes, sans
convergence ni cohérence. D'autres accusent aussi «l'extrême mondialisme», qui empêche les alters de penser l'idée de nation et aurait même fait émerger une classe de «jet-setteurs»
(sic) de l'altermondialisme qui, de forums en conférences, aurait perdu
de vue ceux qu'ils défendaient. Enfin, les études sociologiques sur les
militants ont fait apparaître l'absence de représentation des classes
populaires et un «trou générationnel»
s'articulant, pour résumer, autour de jeunes étudiants, de profs et de
retraités. On s'interroge sur le rapport au pouvoir, aux partis
politiques… Il reste la grande question, «Que faire? » Tandis que Serge Halimi s'apprête à prendre la tête du Monde diplomatique,
Bernard Cassen envisage de créer un think tank mondial qui réunira les
tenants les plus actifs de l'altermondialisme, quitte à déranger les
partisans de «l'horizontalité» et de «l'autogestion»
du mouvement. Très attentif aux développement des expériences
politiques de la gauche latino-américaine, fréquemment en contact avec
le Président Chavez, l'ancien Président d'Attac entend briser un tabou
: le mouvement post-altermondialiste doit, selon lui, réunir les
mouvements sociaux et les syndicats, mais aussi les gouvernements
anti-libéraux. D'où sa proposition d'un nouvel agenda pour les deux ans
à venir, avec un Forum social prévu à Caracas en marge du Sommet
réunissant l'Union européenne et les pays d'Amérique Latine. Il
semblerait que certaines des forces de gauche - le PCF et PRS - soient
intéressées par cette relance du mouvement.
Lundi 28 Janvier 2008 - 00:12
Anna Borrel