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Mon Mulhouse2
26 janvier 2008

Protection des sources: Dasquié pourrait profiter d'une nouvelle loi

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Protection des sources: Dasquié pourrait profiter d'une nouvelle loi
                                   

      

"Un journaliste digne de ce nom ne donne pas ses sources. Chacun doit le comprendre, chacun doit l'accepter." Nicolas Sarkozy était en verve pour ses voeux à la presse. Sa première promesse, pour 2008, fut d'annoncer pour l'année une loi assurant le secret des sources. Un mot repris au vol par les avocats de Guillaume Dasquié qui ont déposé une requête en annulation contre la procédure visant le journaliste.

Placé en garde à vue, il est menacé de partir en détention provisoire

Le journaliste est sous le coup d'une plainte du ministère de la Défense pour "détention et diffusion au public de renseignements, de documents ou de fichiers ayant le caractère d'un secret de la Défense nationale". La Grande Muette lui reproche d'avoir publié quelques facs-similés de la production de la DGSE sur l'année antérieure au 11 septembre 2001. Or, comme Rue89 le révélait début décembre, ce spécialiste des affaires de renseignement a fait l'objet d'un chantage durant sa garde à vue.   

Malgré une défense classique -l'article 109 du code de procédure pénale-, Dasquié se voit intimer de donner au moins l'une de ses sources. Sans quoi, il partira en détention... Coup de bluff ou menace réelle des enquêteurs de la DST? En tout cas, le journaliste craque et donne une de ses "sources secondaires".

Une jurisprudence française très en retard par rapport aux textes européens

Dans leur requête, ses avocats dressent un tableau confondant de la jurisprudence en vigueur: la France a plusieurs décennies de retard sur les décisions de la Cour européenne des droits de l'Homme.

Premier point du débat: un journaliste peut-il divulguer des documents classifiés? S'il est légitime de restreindre l'accès et la diffusion de ce type de documents, l'exercice du droit de l'information permet des entorses à la règle. Sous deux conditions:

"D'une part, que toute restriction à cette liberté fondamentale ne peut être que causée par "des motifs impérieux" et proportionnée au but légitime poursuivi, et d'autre part, que les motifs invoqués par les autorités nationales pour justifier la restriction doivent être pertinents et suffisants." (Arrêt Janowski/Pologne)

En clair, il faut que la publication de tels documents réponde à un besoin d'intérêt général. Une notion à la définition variable, surtout en France, où les fonctionnaires habilités "secret défense" ont le tampon facile...

En 2006, la CEDH a sanctionné la condamnation d'un journaliste suisse qui avait publié le rapport confidentiel d'un ambassadeur, listant les stratégies à adopter lors de négociations diplomatiques. Pas de quoi nuire aux intérêts helvètes, ont alors estimé les juges de La Haye.

L'enjeu de la prochaine loi: protéger le domicile des journalistes

Question: un journaliste peut-il constamment rester hors la loi? Et si oui, jusqu'où? Si le journalisme est un art de l'effraction, alors le cambrioleur doit respecter certains principes. En particulier ceux définis par la Charte des devoirs professionnels de 1918, révisée en 1938. Un texte dont certains aspects sont d'ailleurs inapplicables. La "juridiction de ses pairs", la seule que le journaliste est censé reconnaître en matière d'honneur professionnel, n'a par exemple aucune existence réelle.

Dans la pratique, les juges d'instruction ont multiplié ces dernières années les gardes à vue et les perquisitions, avec saisie d'ordinateurs, de téléphones portables et autres carnets de note. Dans quel but, sinon celui précisément d'identifier les sources? Là encore, la jurisprudence européenne a une longueur d'avance, comme le rappelle Me Jean-Marc Fedida et Nicolas Verly en citant deux arrêts de 2003:

"Des perquisitions ayant pour objet de découvrir la source du journaliste -même si elles restent sans résultat- constituent un acte plus grave qu'une sommation de divulgation de l'identité de la source."

En promettant d'assurer le principe du secret des sources, le président de la République a donc, implicitement, pris aussi l'engagement d'étendre au domicile des journalistes les garanties qui protègent les locaux des entreprises de presse. Ce sera l'un des principaux enjeux de la loi à venir devant le Parlement.

Mettre un coup d'arrêt à une stratégie médiatique et faire un exemple

En fait, ce qui gêne les autorités dans l'affaire Dasquié, c'est l'idée qu'un journaliste puisse publier sans vergogne des documents confidentiels bruts. Il s'en est fait une spécialité sur son site (payant) geopolitique.com. Visiblement, les politiques voulaient faire un exemple et, au passage, lancer un avertissement contre les amateurs d'enquête.

Mieux: en privé, plusieurs spécialistes des services de renseignements estiment que les poursuites lancées par Michèle Alliot-Marie (alors ministre de la Défense) contre le journaliste sont complètement improductives. Elles n'ont en rien servi la cause défendue.

Dernier dommage collatéral de l'affaire: Philippe Hayez, maître des requêtes à la Cour des comptes, a écopé d'une mise en examen pour "recel et détention" de documents classifiés. Ce haut fonctionnaire brillant et très estimé à la DGSE (qu'il a quittée en 2006) avait gardé de son passage à la Piscine quelques rapports. Pas de quoi fouetter un chat, mais les juges n'ont pas laissé passer cette erreur... Quant à Dasquié, les magistrats auront peut-être changé d'avis depuis les voeux de Nicolas Sarkozy?

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