Sarkozy n'est plus candidat pour les municipales
Sarkozy n'est plus candidat pour les municipales
A la recherche des bonnes opinions perdues, le président de la
République de nouveau en exercice a effectué une correction de tir et
d'image supplémentaire hier en décidant de s'abstraire de la mêlée
municipale. Plus question de s'en mêler de cette mêlée, a-t-il fait
savoir à Bordeaux où il était allé… soutenir le maire sortant Alain
Juppé qui, à la tête d'une liste d'ouverture, a jugé bon de ne pas
faire figurer le sigle UMP sur ses affiches. Comme beaucoup d'élus
municipaux d'ailleurs, l'édile bordelais tenait pour faute politique la
volonté affirmée par Sarkozy de politiser les élections locales.
C'était prendre le risque de briser le lien particulier personnel qui
existe entre l'élu de terrain et ses administrés. Les Français aiment
leurs maires. Ceux-ci estiment à plus de 10 % leur crédit personnel
alors qu'un député ne déplace sur son nom qu'un maximum de 5 % des
voix.
Sarkozy a changé de cap, car tous les
sondages montraient que les Français souhaitaient garder son caractère
local à ce scrutin, qu'ils attendaient de leur président qu'il préside
et non qu'il se mêle de cuisine électorale. Enfin, la politisation
d'abord revendiquée par le chef de l'Etat ne profitait qu'à la gauche
dont l'électorat se mobilisait pour sanctionner Sarkozy, alors que les
sympathisants de droite étaient entrés en désamour de leur chef d'Etat
« jet sauteur ». Les municipales risquaient de se transformer en vote
sanction cinglant contre le président qui a senti le vent du soufflet.
Pour se prémunir de cette claque
nationale que la crise économique menace d'amplifier, Nicolas Sarkozy a
donc pris ses distances et adopté, comme le souhaitait Jean-Pierre
Raffarin moqué précédemment pour cela, la posture de retrait apparent.
La posture hypocrite plus classique de ses prédécesseurs qui
s'occupaient de très près des municipales tout en paraissant s'en tenir
très loin, seulement occupés des intérêts supérieurs de la France et
des Français.
Mais cette volte-face sarkozyste aussi
tardive que subite a contribué au trouble des députés UMP proches de la
rébellion. Car cela fait plusieurs jours qu'ils souhaitaient un tel
changement de position, mais l'Elysée ne faisait pas même mine de les
écouter. Il en va de ce sujet comme pour le reste : les parlementaires
sont tenus pour des moins que rien, des « godillots », ce qui est
vexant pour les escarpins, et ceux-là commencent d'en avoir «
ras-le-bol ».
Il faut dire qu'on assiste à
l'abaissement permanent du Parlement et on en a eu une nouvelle et
cruelle illustration hier, lors de la rituelle séance des questions au
gouvernement. En théorie, c'est une séance sanctuarisée à cause de la
télévision qui retransmet les débats et du respect censément dû à
l'Assemblée. La présence des excellences gouvernementales est requise.
Or hier le ban du gouvernement comptait quasiment plus d'absents que de
présents : absent le Premier ministre François Fillon qui, au même
moment, bichonnait les centristes du Sénat favorables à Sarkozy ;
absentes Rachida Dati et Michèle Alliot-Marie en promenade de
convalescence présidentielle et de fausse vraie campagne municipale à
Bordeaux ; absent, Hervé Morin, au garde-à-vous devant le président
pakistanais ; absent encore, Bernard Kouchner, le ministre des Affaires
étrangères en plein affaires étrangères justement. Et tout ce très beau
monde n'avait même pas présenté de mot d'excuse, alors qu'il est de
tradition dans cette chambre factice qu'on préserve au moins les
apparences du respect. Le gouvernement piétine même les apparences.
Pourtant, ce même jour, lors des
réunions de bureau et de groupe UMP, c'est le ras-le-bol qui éclatait
contre cet irrespect que le nouveau pouvoir manifeste à l'encontre des
élus. Par un reste de timidité et d'esprit courtisan, ces élus
dénonçaient le « gouvernement », mais c'est bien Sarkozy et ses
conseillers qui étaient visés quand les uns et les autres dénonçaient,
à l'instar de Claude Goasguen, cette « République des experts
d'ouverture » qui a remplacé la République des technocrates.
Des experts qui n'ont de compte à
rendre à personne, qui se croient tout permis et tout puissants, qui
pondent comme Attali des rapports touffus que les élus découvrent dans
la presse et qu'ils devaient avaler tout crus. « Assez, ont-ils
protesté en cœur indigné… » Tant et si bien que le Premier ministre
leur a promis « qu'ils auront le dernier mot », que « Attali n'était
pas à prendre ou à laisser », que c'est le Parlement qui déciderait,
qu'il en va de même pour le plan banlieue ou encore pour l'utilisation
des OGM. Bref, le Parlement « martyrisé », le Parlement « humilié », le
Parlement « piétiné », devrait être demain « libéré », notamment par la
réforme constitutionnelle. Les parlementaires y comptent bien. Ils en
ont marre que leurs enfants qui regardent des feuilletons américains
comme The West Wing (A la maison blanche) où la démocratie
parlementaire semble vivace leur disent : « Mais papa (ou maman plus
rarement), à quoi ça sert en France le parlement ? »
Mercredi 23 Janvier 2008 - 12:12
Nicolas Domenach