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Mon Mulhouse2
20 janvier 2008

Croissance: Bercy revoit sa copie

marianne2

Croissance: Bercy revoit sa copie

Christine Lagarde annonce une révision à la baisse des prévisions de croissance, et désigne un coupable: la situation internationale. Seulement?



Le 16 décembre dernier, Eric Woerth, ministre du Budget, maintenait sa prévision de croissance pour 2008 : «entre 2 et 2,5 %, c'est-à-dire 2,25 %, prévision sur laquelle a été construit le budget de la France pour 2008». Et il ajoutait : «Il n'y a aucune raison» de réviser à la baisse cette prévision, sinon «ce serait un signal extrêmement désagréable et négatif pour l'économie». Un mois plus tard, le 17 janvier, Christine Lagarde, ministre de l'Economie, n'a pas craint d'envoyer un tel signal, en déclarant que la croissance française devrait se situer en 2008 «dans la partie basse de la fourchette». Seule la «situation internationale» est mise en cause, car «on a des facteurs endogènes français qui sont solides, on va avoir un déploiement à plein des mesures sur les heures supplémentaires qui vont permettre de travailler plus. Clairement, ça nous mettra sur un chemin vers la croissance grâce à la réforme et à la compétitivité». On peut en douter, et le risque est grand que les mesures prises par le gouvernement aggravent au contraire les effets de la conjoncture internationale.

Le hasard du prix du pétrole
Certes, l'incertitude a rarement été aussi grande, puisque les prévisions vont de 1,5 % pour la BNP à 2,6 % pour l'OFCE. Le gouvernement a également exploré un scénario «pessimiste» (1,75 %) et, par raison de symétrie, un scénario «optimiste» (2,75 %). On pourrait en conclure que, décidément, les conjoncturistes sont incapables d'anticiper les retournements. Mais ce serait en partie injuste car un tel éventail s'explique par des hypothèses différentes, que l'on peut discuter. L'examen de la prévision assez atypique de l'OFCE permet d'identifier les principaux paramètres de cet exercice : taux de change de l'euro, prix du pétrole, taux d'épargne des ménages et évolution des dépenses budgétaires. Sur chacun de ces points, la spécificité de l'OFCE est de retenir des hypothèses favorables à la croissance : stabilisation du dollar à 1,44 euro ; repli du prix du pétrole à 67 dollars en moyenne sur 2008 ; baisse du taux d'épargne et croissance plus rapide que prévue des dépenses budgétaires.
Des hypothèses que l'on est en droit de considérer comme plus réalistes (euro à 1,5 dollar, pétrole à 80 dollars, politique budgétaire restrictive comme prévu et maintien du taux d'épargne) conduisent à une prévision de croissance d'environ 1,6 % en 2008, contre près de 1,9 % cette année. L'hypothèse sur le prix du pétrole est la plus hasardeuse. Mais ce n'est pas pour autant une variable exogène : si le ralentissement aux Etats-Unis s'accentue et se diffuse au reste du monde, la demande de pétrole peut ralentir elle aussi et détendre le marché. Il y a donc une certaine compensation entre croissance mondiale et prix du pétrole. C'est pourquoi le jeu d'hypothèses de l'OFCE ne semble pas cohérent, en postulant à la fois un ralentissement peu marqué aux Etats-Unis et un net repli du prix du baril.
Le taux de change euro/dollar n'est pas non plus exogène. Il dépend à la fois des fondamentaux de l'économie américaine et des politiques menées par les banques centrales. Le ralentissement aux Etats-Unis devrait mécaniquement freiner les importations et réduire le déficit commercial, et ce mouvement est d'ailleurs déjà amorcé. Mais cela peut ne pas suffire à stopper la baisse du dollar, parce que la Fed ne sera pas incitée à baisser son taux d'intérêt face aux menaces de récession, alors que la Banque centrale européenne aura bien du mal à résister à la peur névrotique de l'inflation, surtout au moment où les revendications salariales sont très élevées en Allemagne.

Des employeurs en position de force
Du côté français, les mesures gouvernementales ne sont pas susceptibles d'amortir les effets de la conjoncture mondiale. L'accélération de l'inflation va venir mordre sur le pouvoir d'achat des salariés, qui seront en mauvaise posture pour obtenir des hausses de salaires capables de le maintenir, parce que toutes les mesures gouvernementales déplacent le rapport de forces à leurs dépends. Avec le nouveau régime des heures supplémentaires et des journées de RTT et la réforme du marché du travail, les employeurs seront en position de force pour gérer l'emploi au plus près : minimum d'embauches et de progression salariale. On va s'apercevoir que les mesures sur le temps de travail vont dissuader les employeurs d'embaucher et leur permettre de maintenir la croissance de la productivité à un rythme à peu près équivalent à celui du PIB. Dans ces conditions, il y aura très peu de créations d'emplois, voire pas du tout. Quant à la compétitivité, les quelques dixièmes de points que l'on pourra grapiller sur les salaires ne compenseront pas les dizaines de points perdus depuis cinq ans à cause d'un euro trop fort.
Le taux de chômage réel (hors nouvelles radiations de chômeurs) se maintiendra donc à peu près au même niveau, et l'effet attendu par l'OFCE sur le taux d'épargne ne s'enclenchera pas. Comme par ailleurs le « paquet fiscal » a profité principalement aux plus hauts revenus qui épargnent plus que la moyenne, le taux d'épargne n'aura aucune raison de baisser et la contribution de la consommation à la croissance n'augmentera pas.

Déficit budgétaire: on creuse encore
Seul point positif, le déficit commercial se réduira, mais pour de mauvaises raisons : grâce à une moindre progression des importations plutôt que par un rétablissement des parts de marché à l'exportation. En revanche, le déficit budgétaire va se creuser encore à partir du moment où la croissance sera inférieure à celle qui a été retenue pour construire le budget virtuel de 2008. L'«impulsion budgétaire» ne pourra donc jouer un rôle positif - comme le postule l'OFCE - car on ne voit pas comment le gouvernement pourrait se permettre de laisser filer encore le déficit. Les salariés pourront s'estimer heureux si leur pouvoir d'achat n'est pas rogné par un prélèvement supplémentaire (TVA ou CSG) destiné à compenser les subventions aux entreprises sous forme de nouveaux allègements de cotisations.



Dimanche 20 Janvier 2008 - 00:03

Michel Husson

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