Justice Erika: Total jugé coupable
mercredi 16 janvier 2008, mis à jour à 17:44
Justice
Propos recueillis par Gilbert Charles
La justice a estimé mercredi que Total, le propriétaire et le gestionnaire de l'Erika, ainsi que la société de classification Rina, étaient responsable du naufrage du pétrolier, les condamnant solidairement à verser 192 millions d'euros aux parties civiles. Interview de l'un des avocats des parties civiles.
e verdict du procès de la catastrophe de l'Erika rendu ce mercredi 16 janvier reconnaît pour la première fois en France le préjudice "d'atteinte à l'environnement". La 11e chambre correctionnelle de Paris a condamné Total SA à l'amende maximale de 375.000 euros pour "faute d'imprudence".
La compagnie pétrolière, ainsi que l'armateur Giuseppe Savarese, le gestionnaire Antonio Pollara et la société de classification Rina devront en outre verser solidairement 192 millions d'euros de dommages et intérêts aux parties civiles.
La Ligue de protection des oiseaux (LPO) touchera 680.000 euros, et WWF-France et Greenpeace-France chacun 33.000 euros. Le capitaine indien de l'Erika, Karun Mathur, absent au procès, a été relaxé, ainsi que les quatre membres des équipes de secours et deux filiales de Total SA, Total Petroleum Services
Trois questions à Me Emmanuel Ludot, l’un des avocats des parties civiles, représentant des petites entreprises et des particuliers du littoral breton.
Ce verdict vous satisfait-il ?
C’est
une victoire du droit français. Le procès a été préparé et mené de
façon exemplaire : tout le monde a loué la qualité des débats menés par
le président Jean-Baptiste Parlos. Le verdict apporte de grandes
avancées sur le plan pénal, puisqu’il reconnaît non seulement le
préjudice écologique, mais aussi moral des riverains touchés par la
marée noire. Toutes les victimes qui n’étaient pas représentées à
l’audience peuvent désormais intenter une action en justice pour
obtenir ce que le Fipol (fond d’indemnisation des victimes de marées
noires) ne leur a pas accordé.
Le procès a-t-il été utile ?
Il
a permis de démonter la chaîne des responsabilités, et montré que le
droit français dispose d’un arsenal adéquat pour poursuivre, juger et
punir les auteurs de marées noires. Jusque la, les conventions
internationales mises en place pour l’indemnisation des victimes, comme
la CLC, étaient censées s’imposer aux droits nationaux, mais la justice
peut aussi s’appliquer en dehors de ces conventions. Total avait tenté
en vain de démontrer que la justice française ne s’appliquait pas dans
le cas du naufrage d’un navire battant pavillon étranger dans les eaux
internationales. Mais le tribunal a démontré que les fautes avaient été
commises avant le départ du bateau du port de Dunkerque.
Que va-t-il se passer maintenant ?
Total
va surement faire appel. La compagnie a été condamnée au maximum prévu.
On la rend co-responsable de l’utilisation abusive d’un bateau de
21ans, rouillé et mal entretenu, et d’avoir mis en place un système
juridique de cloisonnement par le biais de société off-shore pour ne
pas avoir à rendre de compte en cas d’accident.