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15 janvier 2008

Coopération Les vœux à la hussarde de Jean-Marie Bockel

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mardi 15 janvier 2008, mis à jour à 11:30

Coopération

Les vœux à la hussarde de Jean-Marie Bockel

Vincent Hugeux

Le discours de vœux que le secrétaire d’Etat à la Coopération et à la Francophonie va prononcer ce mardi est un plaidoyer pour le "changement" et la "rupture", afin d'en finir avec la "Françafrique". S'agissant de sa portée réelle, on attendra pour en juger...



oilà un discours de vœux qui, loin des formules convenues, fera frémir le Landerneau franco-africain. Et risque de provoquer quelques grincements de dents sous les lambris de l’Elysée comme dans plus d’un palais présidentiel du continent noir. Car le plaidoyer pour le "changement" et la "rupture" que Jean-Marie Bockel, secrétaire d’Etat à la Coopération et à la Francophonie, prononcera ce mardi après-midi en son Hôtel de Montesquiou illustre en creux l’oubli fâcheux des promesses en la matière de Nicolas Sarkozy. Et la perpétuation des travers de divers régimes autocratiques que ménage Paris.

Que deviennent les revenus pétroliers?
"L’un des premiers freins au développement, souligne l’ancien maire de Mulhouse, c’est la mauvaise gouvernance, le gaspillage des fonds publics, l’incurie de structures administratives défaillantes, la prédation de certains dirigeants". Ne manque, hélas, que quelques noms… "Quand le baril est à 100 dollars, insiste Bockel, et que d’importants pays producteurs de pétrole ne parviennent pas à se développer, la gouvernance est en question. Quand les indicateurs sociaux de ces pays stagnent ou régressent, tandis qu’une minorité mène un train de vie luxueux, la gouvernance est en question. Que deviennent ces revenus pétroliers? Pourquoi la population n’en bénéficie-t-elle pas? Est-il légitime que notre aide au développement soit attribuée à des pays qui gaspillent leurs propres ressources?" Bonnes questions. Et cette fois, la référence à l’or noir permet de remplir les "blancs" laissés par celui qui fut tour à tour député puis sénateur du Haut-Rhin: le Gabon, dont Sarkozy choie tant le président Omar Bongo Ondimba, au pouvoir depuis quarante ans; le Congo-Brazzaville de Denis Sassou Nguesso et le Cameroun de Paul Biya. Il se peut que la Libye de Mouammar Kadhafi et l’Algérie d’Abdelaziz Bouteflika méritent de figurer dans le même palmarès.

En ces temps de notations ministérielles, Jean-Marie Bockel souhaite étendre la méthode à l’efficacité de l’aide au développement: "Je veux une vraie évaluation, et quand ça ne marche pas, on arrête." Chiche? Le secrétaire d’Etat affiche aussi sa volonté de "renforcer la conditionnalité de l’aide à la gouvernance". Re-chiche? Plus loin, il annonce son intention de "proposer au président, en annexe du projet de Loi de finances, un état précis des progrès réalisés par les dix pays les plus aidés par la France en matière de gouvernance au sens large (démocratie, droits de l’homme, lutte contre la corruption, environnement des affaires)". Diagnostic sans nul doute instructif.

Les turpitudes françafricaines de la Chiraquie...
Vient ensuite une référence au discours prononcé en mai 2006 à Cotonou (Bénin), par le candidat Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur. Référence un rien périlleuse, tant cette adresse, réquisitoire contre les turpitudes françafricaines de la Chiraquie, semble restée lettre morte. "Des engagements ont été pris et ils seront tenus", martèle le fondateur du parti Gauche moderne. Ce qui laisse supposer qu’ils ne l’ont pas été à ce stade. D’ailleurs, concède le locataire de la rue Monsieur, "la rupture annoncée à Cotonou tarde à venir". "La préservation d’intérêts particuliers, la défense de quelques rentes de situation héritées d’un passé révolu perdurent. La ‘Françafrique’, pourtant obsolète, pourtant moribonde, freine encore la refondation voulue par le président de la République". Lequel président a pourtant tenu à remettre lui-même les insignes de chevalier de la Légion d’honneur à l’avocat Robert Bourgi, gardien du musée vivant d’une Françafrique qui a de "beaux" restes. Et ce au grand dam de la "cellule africaine" de l’Elysée, où l’on ne goûte que modérément les missions sur le continent de l’ami intime Patrick Balkany, jadis émissaire zélé du système Pasqua. "Je veux, poursuit Jean-Marie Bockel, signer l’acte de décès de la ‘Françafrique’. Je veux tourner la page de pratiques d’un autre temps, d’un mode de relations ambigu et complaisant, dont certains, ici comme là-bas, tiraient avantage, au détriment de l’intérêt général et du développement". Les oreilles de quelques conseillers en communication cupides et d’une poignée de juristes dévoyés vont siffler… Quitte à enfoncer le clou, le catho de gauche de la Coopé précise qu’il "compte sur le soutien du président de la République" -douterait-il donc que ce concours lui est acquis?- "pour tenir les engagements qu’il a lui-même pris, malgré les sollicitations contraires de ceux que la fin de ces pratiques inquiète".

La suite du propos suscitera -c’est selon- moins d’espoir ou d’agacement. Adressée aux "élites africaines", elle semble s’inspirer de l’esprit, sinon de la lettre, du très controversé "discours de Dakar", prononcé par Nicolas Sarkozy lors de sa tournée subsaharienne de juillet 2007. "Quand je vois que 40 milliards d’euros quittent chaque année le continent pour aller s’investir ailleurs, je me dis que certains Africains ont bien peu confiance dans leurs propres capacités à développer leur pays. Ils ont tort (…)." De même, lorsque le colonel de réserve Bockel vante les mérites d’accords de coopération militaires pourtant archaïques, il ne surprend guère.

Bien sûr, on est loin des audaces du socialiste Jean-Pierre Cot, éphémère ministre de la Coopération de François Mitterrand, évincé à la demande de quelques despotes africains exaspérés par l’insolence de ce "gauchiste tiers-mondiste". Bien sûr, le verbe de Bockel n’a pas la verdeur de celui de Rama Yade, secrétaire d’Etat aux droits de l’homme, quand elle claironne à la veille de la tournée française du "Kadhafi circus" que la France n’est pas un paillasson où l’on vient s’essuyer les pieds. Mais la "musique" que fait entendre Jean-Marie Bockel fait écho au dilemme de tous les ministres dits d’ouverture, qu’ils viennent du centre-gauche ou de la société civile: faire entendre sa différence pour exister, respecter le pacte de loyauté passé avec l’Elysée sans pour autant enfiler le costume peu flatteur de l’alibi de service. Tout porte à croire d’ailleurs que Nicolas Sarkozy s’accommode fort bien de tels états d’âme. On n’imagine mal que le discours de Bockel n’ait pas obtenu l’imprimatur du Château. S’agissant de sa portée réelle, on attendra pour en juger. Chat échaudé…

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