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Mon Mulhouse2
13 janvier 2008

Le sarkozysme, une idéologie destructrice du lien social

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Le sarkozysme, une idéologie destructrice du lien social
                                   

      

"Ensemble tout devient possible..." Un courant idéologique, assez cohérent et porté par notre président de la République secoue en ce moment la société française.

Le sarkozysme touche à la façon dont nous sommes en lien les uns les autres. Il exprime une représentation du monde où l'individu est acteur de sa vie. Celui qui réussit, c'est celui qui se donne les moyens. Le "quand on veut, on peut" se traduit par une mise en avant des self-made-man, de ceux qui viennent de loin, qui "se sont battus pour y arriver". Ce volontarisme donne une valeur particulière à ceux qui ont réussi. L'argent, la gloire, le pouvoir sont mérités et sont les signes distinctifs de ceux qui avancent.

Par opposition, celui qui traîne, qui échoue, qui ne tente pas, bref, le perdant, a aussi ce qu'il mérite. La société se doit de le culpabiliser. La pensée sarkozyenne est proche de la psychologie américaine. L'être humain incarne un potentiel à réaliser (par opposition avec le névrosé européen qui se bat toute sa vie, écartelé par ses pulsions de vie et de mort).

Gratification pour celui qui fait fructifier son potentiel, sanction pour les autres, le sarkozysme introduit une dichotomie dans la société française, là ou la pensée sociale-démocrate hérité de la libération tentait de faire le grand écart.

La réussite valorisée, et tant pis pour les principes moraux

Le sarkozysme, dans sa façon de structurer l'histoire (qu'elle soit individuelle ou institutionnelle), valorise la réussite. Nous sommes loin des notions de pédagogie de l'échec, de contournement, de chemins de traverse. Il n'est donné de valeurs qu'à ce qui réussit. Tant pis pour les principes moraux: le commerce avant les droits de l'homme, le contrat avant l'éthique, le résultat avant la déontologie.

Puisque celui qui réussit le mérite, l'ostentatoire est le signe de l'homme de qualité. La valeur argent est réhabilité, le luxe signifie la distinction d'une classe sociale qui n'a plus à avoir honte de sa richesse.

La pauvreté redevient suspecte, on peut se demander alors qu'est que les pauvres ont fait (ou n'ont pas fait) pour mériter leur vie. La suspicion, voire l'opprobre, est jeté sur les assistés, les racailles, la voyoucratie, les fainéants, ceux qui ne se lèvent pas le matin. Le faible devient dangereux, il risque de devenir agresseur, il est à surveiller. La faiblesse fait peur, elle rappelle la fragilité de chacun. Il faut donc responsabiliser le faible ou le perdant pour se dire qu'il a choisi d'être dans cette position, sinon il risque de remettre en cause les conceptions d'égalité ou de justice.

Famille, vie associative, temps libre ne sont pas pris en compte

Chacun DOIT réussir, et cette réussite passe par un seul chemin: le travail. Le travail est ce qui doit donner sens à la vie. Il donne la liberté (des moyens) à ceux qui en ont. Le travail apporte la richesse (travailler plus pour gagner plus) et c'est ce qui importe.

Le sarkozysme évacue la réflexion sociale sur la famille, la vie associative, le temps libre (l'argent remplace les liens sociaux, la consommation comme moyen de communication), la productivité ne sert plus à profiter du temps mais des objets. La société de loisirs, sans transactions monétaires, est mis de côté, l'héritage de mai 68 est rejeté, il faut acquérir et posséder.

Le progrès n'est pas de travailler moins mais de posséder plus. Fini les dimanches, les jours de repos, ces temps de pause improductifs il s'agit de relancer la croissance. Une croissance de la production de biens manufacturée comme ligne d'horizon, voilà sur quoi repose l'espérance sarkozyste.

Et tant pis pour les enfants qui ne voient plus leurs parents, les couples qui n'ont plus le temps de s'aimer, le tissu associatif qui se délite, le temps c'est de l'argent, et la vitesse se pare des vertus de réussite.

Le goût et le temps de s'investir dans les relations humaines

Dans ma pratique, je vois des jeunes en consultation qui se plaignent d'être chez eux, seuls devant leurs écrans par ce que les parents sont encore au travail ou épuisés donc indisponibles, d'autres qui ne voient leur père qu'un week end sur deux ou trois.

Les familles éparpillées-recomposées sont une réalité, avec ses accommodements et ses bricolages, qui nécessitent plus de temps encore que la famille traditionnelle, que deviendront-elles lorsque nous aurons repoussés les limites du travail le dimanche? A quoi cela peut-il donc servir de gagner un peu plus si c'est pour ne plus avoir le goût et le temps de s'investir dans les relations humaines?

Le sarkozysme prône la flexibilité du travailleur, celui-ci doit aménager ses horaires, se rendre disponible, déménager s'il le faut. Doit-on alors s'étonner qu'il n'y ait pas de liens sociaux si les gens n'ont pas le temps de se rencontrer et de construire ensemble?

Le travail peut être épanouissant, source de créativité et de rencontre, mais il reste un lieu limité dans le temps (retraite, licenciement, changement d'entreprise) et qui trop s'y investit phagocyte les autres territoires (amicaux, familiaux, citoyens, associatifs...).

"Il faut maintenant que les Francais s'arrêtent de penser"

Le sarkozysme, c'est le règne de l'agir. "Il faut maintenant que les Francais s'arrêtent de penser, et se mettent a agir" nous dit Christine Lagarde. Le pragmatisme comme ligne d'horizon et un mépris pour la prise de recul. Un "ici et maintenant" que les psys connaissent bien et qui favorisent l'émergence et la reconnaissance des émotions, mais qui n'a pas sa place dans la gestion de la politique.

C'est aussi la confusion de l'individuel et du social, de l'intime et du public, avec une exposition de la pensée privée, que cela soit dans le domaine des sentiments ou de la religion...

Face à cette idéologie, quelle place pour la psychologie, ce champs de pensée du lien humain, qui prend son temps, qui se met au rythme du patient, qui se met à son niveau, dans son histoire, qui s'oppose au matérialisme pour mettre au coeur de la réflexion le bien-être de l'homme, de tous les hommes au coeur de la communauté?

Quel place pour le psychologue, s'il ne veut pas être juste un ajusteur, un réparateur, un formateur de bons petits travailleurs-consommateurs?

Quand le public d'un psychologue est composé de gens échoués, fatigués, de chômeurs, de sans-papiers, de délinquants, de personnes incapables, impuissantes, faibles, fragiles, inefficaces de toutes ces personnes qui n'ont pas leur place dans l'Olympe sarkozyste, parce qu'ils ne rentrent pas les cases du productivisme, du gagnant, parce que leurs situations sociales bancales emmerdent l'ordre des choses, que peut faire le psychologue face au sarkozysme à part se révolter?


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Commentaires
M
L'instauration d'une société du tous contre tous , sur le modèle des entreprises , la croissance des inégalités pécuniaires ne peut être présenté comme une révolution qu'en tordant le sens des mots .<br /> Ce qui est assez facile quand , à défaut de posséder tous les contenus , on possède tous les contenants .<br /> La haine de 68 , la volonté de faire travailler tout le monde plus procède d'une envie de contrôle .<br /> L'idéologie de substitution est le contrôle croisé , l'autocontrole ( maquillé en socité de responsabilité ) et bien entendu le contrôle du seul moyen d'existence dans ce genre de société : l'argent .<br /> Il ne s'agit donc pas ici de réaction , mais de consommation d'anciennes idéologies ( qui pratiquaient le contrôle comme moyen ) afin de les utiliser en vue de cette fin .<br /> De cette fin procède les notations , l'évaluation , les quotas , l'Etat soi-disant fort ( sa main droite en tout cas ) .<br /> Face à cette nouvelle idéologie dans sa capacité englobante on ne peut s'appuyer sur l'évitement , la non adhésion ni sur l'embrigadement dans les idéologies qui étaient nées en opposition à celles utilisées par Sarkozy pour établir son contrôle .<br /> Les blogs montrent une prise de conscience , mais ne montrent que cela .<br /> Les réponses sont toujours assymétriques , je ne pense pas qu'une société voulue par Sarkozy puisse se mettre en place sans l'assentiment et la participation de chacun .<br /> C'est d'ailleurs le point d'achoppement de ces volontés ( on ne peut parler d'idéologie juste de stratégie , d'application de concepts de think-tank )
Mon Mulhouse2
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