Une réponse d'Eric Zemmour
Une réponse d'Eric Zemmour
Mon cher Philippe,
J'ai lu avec avidité le papier que tu as eu la gentillesse de consacrer à mon livre.
D'abord, parce que c'est devenu un réflexe depuis que le site Marianne
2.fr existe. Ensuite, parce que je suis toujours attentif à ce que tu
dis et écris sur mon travail, habitude que j'ai prise il y a plus de
dix ans, lorsque déjà, tu relisais et corrigeais mes chroniques dans InfoMatin.
C'est pourquoi, si je ne me permettrai pas de contester ton jugement -
éloges ou critiques -, je ne peux m'empêcher de corriger ce qui me
semble des interprétations erronées. Et en particulier, une phrase qui
m'a choqué, tout simplement parce qu'elle me paraît à l'opposé de ce
que je pense. Non, Philippe, le livre ne nous dit pas, à travers
certains de ses personnages, que les Juifs de France doivent se
préparer à partir, car la capacité des Français à tout accepter des
jeunes beurs est infinie et qu'elle mènera le pays au désastre.
Ce sont certains personnages qui le
disent, pas le livre. Le livre a l'ambition - peut-être trop grande -
de ressusciter ces vingt dernières années dans leur globalité. Mythe
balzacien qui me tient à coeur du roman total qui reconstitue une
époque, un milieu. La vie. Le livre veut, lui, montrer au contraire que
l'éloge du multiculturalisme, la dénonciation incessante de la France,
la dégradation de l'école, de la langue française, l'affaiblissement du
sentiment patriotique, ont poussé chacun à se replier sur ses racines,
sa religion, sa communauté. Puisque nous avons voulu détruire la
nation, nous aurons les tribus. Et les tribus se feront la guerre.
Toutes les tribus, pas seulement les tribus juives et arabes. Cette
défrancisation a bien entendu touché les milieux populaires juifs, où
un sionisme militant, couplé à un revival religieux, frustre et
impérieux à la fois, a tenu lieu d'identité et d'idéal de substitution
à l'idéal national et républicain. Mon message, si message il y a, est
donc exactement à l'inverse de ce que tu as compris.
Même chose quand tu dis que mes
personnages sont parfois des archétypes, l'amusant est qu'ils sont pris
sur le vif, et ressemblent beaucoup aux vrais habitants de cet immeuble
de la Grange aux belles, où j'ai enquêté. Comme si la réalité était
parfois plus caricaturale qu'on ne veut le voir. Même chose quand tu
dis que mes personnages sont esclaves d'une théorie, je me permets là
aussi de contester ton analyse. Je crois que l'Histoire a des lois,
qu'elles sont implacables, meurtrières, et que nous les avons bafouées
avec une légèreté coupable. Mes personnages, comme des personnages de
tragédie grecque, sont les jouets du destin, mais où les Dieux antiques
auraient été remplacés par l'Histoire. C'est pour cette raison que j'ai
écrit un roman et non un essai. Pour montrer les ravages de la guerre
idéologique sur la vie des gens. Avec toute mon amitié.
Samedi 12 Janvier 2008 - 00:03
Eric Zemmour