Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Mon Mulhouse2
10 janvier 2008

Deux enfants, deux mères: un juge peut-il fonder une famille?

rue89_logo

Deux enfants, deux mères: un juge peut-il fonder une famille?
                                   

      

Est-ce à un juge de définir ce qu'est une famille? C'est l'enjeu d'une affaire jugée par le tribunal de grande instance de Lille fin décembre. Deux lesbiennes réclamaient d'avoir chacune l'autorité parentale sur l'enfant de l'autre.

Les deux enfants, âgés de 9 et 4 ans, ont chacun été conçus par procréation médicale assistée en Belgique. A l'époque, les deux femmes étaient déjà en couple, puisqu'elles sont ensemble depuis une quinzaine d'années. C'est l'une après l'autre qu'elles ont eu recours à la procréation assistée.

Les deux enfants ont toujours vécu dans cette famille de quatre personnes. Sauf au regard de la loi puisqu'en droit, seule la mère biologique peut reconnaître son enfant à la naissance. Mais la jurisprudence évolue depuis quelques années. Au coup par coup, des juges ont déjà concédé au partenaire du parent biologique d'un enfant l'autorité parentale sur ce dernier au nom de "l'intérêt supérieur de l'enfant".

Le jugement, qui fait suite à l'audience du mois de novembre, indique cette fois explicitement:

"Les aléas de la vie et les risques potentiels au cours de ces déplacements ne rendent pas du tout inutile de prendre des mesures pour éviter toute difficulté en cas d'accident, d'indisponibilité du parent biologique de chaque enfant."

Mais, la nouveauté du cas de cette famille de Tourcoing, dans le Nord, tient à ce qu'il s'agit cette fois d'une délégation croisée.

Le tribunal crée une famille de deux enfants

Avec cette décision croisée, le tribunal nordiste a, pour la première fois, créé en droit une famille de deux enfants:

"Même si en l'espèce elle est importante pour chacune des demanderesses qui ont la volonté affirmée depuis longtemps de constituer une famille, il faut bien constater que la loi n'exige pas de démonstration de l'existence du lien du sang pour autoriser la délégation d'autorité parentale."

C'est d'ailleurs ce que plaidait leur avocat, qui argue qu'"il était temps que la justice prenne acte d'une situation de fait et reconnaisse la vie familliale qui existait". Pour Me Pascal Cobert, la décision du juge accroît les droits des deux enfants:


L'avocat des deux mères dénonce "des consignes de la Chancellerie" et la position "rétrograde" du parquet:


"Malgré l'évolution de la société sur ces questions, malgré l'évolution de la jurisprudence, le ministère public a voulu empêcher cette reconnaissance croisée."

Le ministère public fait appel

A l'audience en première instance, la substitut du procureur avait par exemple souligné que les deux femmes "ont détourné la loi en obtenant la procréation médicalement assistée en Belgique", alors que cette pratique est interdite en France pour les couples du même sexe.

Joint par Rue89, le procureur de la république Philippe Lemaire assume les consignes de la chancellerie et parle ouvertement d'un "choix travaillé par les différentes strates hiérarchiques".

Le représentant du parquet, qui confirme faire appel de la décision de première instance, balaye les critiques qui le décrivent "réactionnaire":

"Cette décision implique une nouvelle représentation de la famille qui n'est pas prévue dans les textes à l'heure actuelle. Le fond du problème n'est pas tant la délégation d'autorité parentale en soi, mais plutôt ce qu'on décide de consacrer sous le terme de "famille". Or un juge est-il légitime pour décider ce que doit être une famille, un couple?"

Pour Philippe Lemaire, "c'est au législateur de trancher dans la mesure où c'est un débat de société":

"Ici, le juge a reconnu derrière ça l'existence d'une famille homosexuelle. Ce couple a vraiment décidé de fonder une famille, par deux fois! C'est hors du tribunal qu'il faut porter ce débat."

Le ministère public fait savoir qu'il ira jusqu'en cassation s'il le faut. En 2006, la haute autorité judiciaire avait tranché en faveur d'une délégation d'autorité à condition que l'union du couple soit "stable et continue". A l'époque, un seul enfant était concerné. L'an dernier, toutefois, la Cour de Cassation avait censuré l'adoption simple d'un enfant par la partenaire de la mère.

Publicité
Commentaires
Mon Mulhouse2
Publicité
Archives
Derniers commentaires
Publicité