TF1 et M6 profiteraient de l'arrêt de la publicité sur le service public
LE MONDE | 09.01.08 | 13h37 • Mis à jour le 09.01.08 | 15h10
e souhaite que le cahier des charges de la télévision publique soit revu, profondément, et que l'on réfléchisse à la suppression totale de la publicité sur les chaînes publiques", a déclaré Nicolas Sarkozy, mardi 8 janvier, lors de sa conférence de presse. Même si l'on n'en connaît ni le calendrier ni les détails, l'annonce a fait l'effet d'une bombe. Elle a surpris tout le monde, de Matignon aux marchés financiers en passant par les chaînes...
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Une perspective qui serait la bienvenue, étant donné le marché publicitaire atone. Selon une étude publiée en novembre 2007 par la Société générale, le bonus pour TF1 se monterait à 109 millions d'euros et celui de M6 à 44 millions. Les deux chaînes privées se refusent à tout commentaire, mais laissent entendre qu'elles espèrent gagner au prorata de leur part de marché publicitaire, 55 % pour TF1 et 25 % pour M6.
Le report ne serait pas totalement pour TF1 et M6, du fait de leurs espaces publicitaires limités. Mais ces contraintes seront assouplies par la transposition d'une directive européenne. La durée de la publicité sur les chaînes privées pourrait passer de 144 à 160 minutes par jour. De quoi favoriser un retour à la croissance, sans pour autant absorber l'intégralité de la publicité abandonnée par France Télévisions.
D'autres pourraient profiter de ce bouleversement potentiel. Les chaînes de la télévision numérique terrestre (TNT), qui bénéficient d'une dynamique collective d'audience très forte, pourraient voir leur chiffre d'affaires publicitaire (estimé à 250 millions d'euros net en 2007) doubler. "Cela pourrait être aussi un ballon d'oxygène pour la presse et la radio", déclare Dominique Delport, directeur général d'Havas Media France. Jean-Paul Baudecroux, PDG du groupe NRJ, se félicite par avance "de cette très bonne mesure qui va enfin assainir le marché. Cela va accélérer le développement commercial des chaînes de la TNT et profiter aux autres médias, notamment la radio et la presse".
D'autres s'interrogent sur l'avenir de l'audiovisuel public, notamment sur son financement. Patrick de Carolis, PDG de France Télévisions, qui a réclamé en vain la hausse de la redevance puis une deuxième coupure publicitaire, fait aujourd'hui volte-face. Il souligne désormais que la volonté du président "valide" sa stratégie éditoriale et offre une "clarification du mode de fonctionnement" du groupe public.
M. Sarkozy envisage de compenser le manque à gagner publicitaire "par une taxe sur les recettes publicitaires accrues des chaînes privées et par une taxe infinitésimale sur le chiffre d'affaires de nouveaux moyens de communication, comme l'accès à Internet ou la téléphonie mobile". Mais que vont devenir les 300 salariés de France Télévisions publicité ? Et le service public aura-t-il les moyens d'entretenir l'ensemble de ses chaînes ?
Gérard Noël, président de l'Union des annonceurs (UDA), en doute. Pour refinancer le service public, "il faudrait taxer à 25 % l'ensemble des recettes publicitaires de TF1 et M6, sachant que le président a dit qu'il ne voulait pas toucher à la redevance". De plus, il s'inquiète de l'inflation que pourraient connaître les tarifs publicitaires à la télévision du fait de la rareté des écrans. "Tout cela a une cohérence. C'est une vraie réflexion et une clarification. Cette décision est le fruit d'un long cheminement et d'une conviction, assure Georges-Marc Benamou, conseiller pour l'audiovisuel du président. Depuis 1987, l'Etat a été irresponsable avec le service public en lui demandant de faire Arte avec les audiences de TF1. Il fallait trancher."
Guy Dutheil, Laurence Girard et Daniel Psenny
Article paru dans l'édition du 10.01.08.