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Mon Mulhouse2
2 janvier 2008

Fribourg, la citadelle écologique

libe

Vive le pétrole cher

Pétrole. Habitat

Fribourg, la citadelle écologique

Isolation, citernes d'eau de pluie, panneaux solaires, le quartier Vauban est conçu pour subvenir à près de 70 % de sa consommation énergétique. Visite.

Par Thomas Calinon

QUOTIDIEN : dimanche 21 mai 2006

Fribourg-en-Brisgau envoyé spécial

Le voici peut-être, le vert paradis. Fribourg-en-Brisgau, 210 000 habitants, dans le Bade-Wurtemberg (au sud-ouest de l'Allemagne), vit déjà dans un autre monde. Celui du développement durable. Il y a là une vraie conviction. Dans leur enclave écologique, les électeurs votent Verts au sein d'un Land majoritairement acquis à la conservatrice CDU. Fribourg figure en tête des villes de plus de 100 000 habitants pour les équipements solaires photovoltaïques, avec 31,3 watts (W) par tête. D'où son surnom de «cité solaire», ce qui n'est pas rien vu le faible ensoleillement (1 740 heures par an contre 2 700 en moyenne dans l'arc méditerranéen français). Du coup, élus et collectivités débarquent de toute l'Europe à la recherche de bonnes idées. Clou de la visite : le quartier Vauban, une quarantaine d'hectares au sud du centre-ville, l'un des premiers «écoquartiers» européens.

Jusqu'en 1992, le terrain était occupé, comme son nom l'indique, par l'armée française, qui l'a cédé à l'Etat fédéral allemand, lequel l'a revendu à la ville de Fribourg. Au moins aussi ingénieuse que l'inventeur des forteresses modernes, la ville a profité des qualités topographiques du lieu : l'endroit est totalement plat et circonscrit par un cours d'eau, une voie ferrée et un axe routier à grand passage. Le nouveau quartier, dont les sols ont été dépollués, est un site idéal pour une expérimentation grandeur nature.

Collectif de chômeurs et d'immigrés

On peut y pénétrer en voiture, mais on comprend vite que ce n'est pas la bonne idée. Aux abords de Vauban, deux garages collectifs en silo sont à disposition des résidents, dont l'un entièrement recouvert de panneaux photovoltaïques. Autre signe : sur la seule voie pénétrante, la circulation est limitée à 30 km/h. Une contre-allée réservée aux cyclistes et aux piétons ainsi que les voies du tramway rappellent la priorité donnée aux modes de transport doux. Les vélos sont omniprésents. Ceux des parents sont équipés de charrettes, dans lesquelles ils disposent indifféremment provisions et bébés.
Nicola Weiss, 40 ans, secrétaire à l'université de Fribourg, habite le quartier depuis 1999. Elle s'intéresse «à l'écologie, au social» mais ne s'estime pas «militante». Son mode de vie parle pour elle : «Dans mon immeuble, seules deux personnes ont une voiture. Moi, je me déplace à bicyclette. Pour les situations où j'ai besoin d'une voiture, je suis inscrite à l'association d'auto-partage, qui dispose d'une quinzaine de véhicules sur le quartier. Ça me coûte 50 euros par an, plus les kilomètres parcourus et un forfait pour l'heure d'utilisation.» Nicola Weiss est également membre de l'association Autofrei («Sans voiture»), qui offre une alternative à l'obligation allemande d'acheter ou de construire une place de parking pour chaque logement neuf, contrainte assez contradictoire avec l'esprit de Vauban. «Autofrei regroupe 428 familles qui n'ont pas de voiture, explique Hannes Lincke, son directeur. Chacune a versé 4 000 euros avec lesquels nous avons acheté des terrains sur lesquels nous construirons des parkings si nos partenaires s'équipent un jour d'une voiture. C'est bien plus économique que d'acheter une place dans les garages collectifs, qui coûte presque 20 000 euros.»
Lancée en 1997, la construction du quartier Vauban doit s'achever cette année. A terme, 5 000 habitants, dont une majorité de familles avec enfants, pour la plupart issues des classes moyennes ou supérieures. Dans la partie est, les anciennes casernes ont été réhabilitées façon écolo par et pour les squatteurs qui les occupaient avant la transformation. Regroupés au sein d'un collectif baptisé Susi, étudiants, chômeurs et demandeurs d'asile y habitent selon un mode de vie communautaire et participatif. Partout ailleurs, les bâtiments sont neufs. Autour de l'un des nombreux espaces verts, des particuliers ont construit des maisons en bande, hautes et étroites, sur des parcelles de six mètres de large. Façades recouvertes de bois, couleurs vives, larges surfaces vitrées. Tout autour, le bâti est constitué d'immeubles collectifs, sur cinq niveaux maximum.

Toits végétalisés et balcons fleuris

A l'exception des immeubles de promoteurs, d'aspect neutre, les constructions étonnent par le choix des matériaux et des couleurs. Souvent, on accède aux étages par des coursives extérieures. Les toits sont plats et végétalisés, hérissés de panneaux solaires thermiques et photovoltaïques. Les balcons sont fleuris, les allées bordées d'arbres datant de la période militaire de Vauban. Les eaux de pluie sont évacuées dans des fossés filtrants ou collectées dans des citernes de récupération, avant d'être utilisées pour l'arrosage, le lavage du linge et les toilettes des écoles.

Techniquement, maisons et immeubles alignent des records en matière d'économie d'énergie et répondent au label «Basse énergie», qui implique, à Fribourg, une consommation énergétique maximale pour le chauffage de 65 kilowattheures (kWh) au mètre carré par an, contre 200 ou 300 pour une construction standard. Mieux encore, certaines ont décroché le label «Maison passive» (PassivHaus, norme allemande définissant une consommation inférieure à 15 kWh au mètre carré par an). L'architecte Michael Gies a obtenu le premier label PassivHaus avec son projet Wohnen und Arbeiten («Habitat et travail»). Sur quatre niveaux, l'ensemble est divisé en seize unités d'habitation et quatre de travail, de 36 à 170 m2. Grandes baies vitrées au sud pour optimiser les apports solaires, ouvertures réduites au nord afin d'éviter les déperditions. L'isolation extérieure est renforcée, les fenêtres sont à triple vitrage, les menuiseries à double joint et la ventilation à double flux : pas besoin d'ouvrir la fenêtre pour aérer en hiver. Les pièces sont lumineuses et dotées d'une généreuse hauteur sous plafond.

«Facile de construire un igloo»

«Pour moi, explique Michael Gies, l'immeuble doit non seulement satisfaire à un label énergétique, mais être durable au sens propre du mot. Il faut qu'on puisse encore y habiter dans cinquante ans. C'est très facile de construire un igloo qui répondra à toutes les normes de basse consommation, mais personne ne voudra y vivre.» Sur le toit de Wohnen und Arbeiten, 56 m2 de capteurs solaires thermiques et autant de panneaux photovoltaïques. Au sous-sol, un cogénérateur produit électricité et chaleur. Du coup, l'immeuble n'est même pas relié à la centrale au bois de la société locale Badenova, implantée en bordure du quartier. En hiver, la chaleur humaine et celle des appareils ménagers suffisent presque à maintenir une température idéale. «Une fois, raconte Michael Gies, le cogénérateur est tombé en panne alors qu'on était en dessous de zéro. Les habitants ont mis trois jours à s'apercevoir qu'il n'y avait plus de chauffage.» Le surcoût pour les propriétaires est d'environ 7 % par rapport à une construction standard, soit 2 200 euros le mètre carré, dont 400 pour l'achat du terrain.
Officiellement, l'écoquartier Vauban est conçu pour subvenir à près de 70 % de sa consommation énergétique. C'est bien, mais il y a mieux. Le fin du fin, c'est le lotissement solaire de l'architecte Rolf Disch. A l'extrême est du quartier, il a conçu un immeuble et des triplex en bande dont les toits, entièrement recouverts de panneaux photovoltaïques, produisent davantage d'électricité que n'en consomment les habitants. Ça, c'est le label «Energie Plus». Un vrai rêve écolo. Une réalité.

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