C'était Urgence, un nouveau feuilleton signé Sarkozy
C'était Urgence, un nouveau feuilleton signé Sarkozy
Anaphore, anaphore, c'est ma très grande phore !
Mes chers compatriotes,
J'ai regardé le Président me présenter ses voeux.
Je l'ai regardé parce que c'est à la télé.
Je l'ai regardé parce que j'ai la télé.
Je l'ai regardé parce ça ne mange pas de pain.
Je l'ai regardé parce qu'en même temps j'écoutais.
Je l'ai regardé parce que dans la vie il est bon d'avoir les yeux ouverts.
Pourquoi tout cela ?
Je sais que le Président présente ses voeux tous les ans.
Je sais que ça se passe à l'Elysée.
Je sais que c'est un moment obligé de la politique française.
Je sais que demain c'est plus bon.
Je sais qu'il va avoir un mot gentil pour chacun.
Je sais qu'il est pourtant vachement occupé, ces derniers temps.
Je sais qu'il sait que je sais tout cela.
Et il y a urgence !
Urgence d'allumer la télé quand on l'a.
Urgence de bien s'en servir.
Urgence de regarder chaque jour les aventures du Président.
Urgence de se féliciter du « choc fiscal » qui nous coûte si cher.
Urgence de mieux résister que d'autres, même si on ne dit pas lesquels ni à quoi.
Urgence de moraliser le capitalisme financier au lieu de fréquenter ses jets privés.
Urgence de promouvoir une politique de civilisation dès qu'on aura compris ce que cela veut dire.
Urgence de redéfinir « politique » et « civilisation » pour qu'on soit sûr qu'on parle de la même chose.
Urgence de planquer la Rolex sous les manchettes quand on évoque le pouvoir d'achat.
Urgence d'aller plus vite pour ne pas aller trop lentement, ce qui est le bon sens même.
Urgence de faire des phrases sans verbe pour éviter d'exprimer une
action, un sentiment, un état ou une pensée, car c'est à cela que
servent les verbes.
Urgence de dire des platitudes en leur donnant l'air d'un
catalogue de pensées fines et volontaires, car, comme on le lit dans
Wikipédia: « En rhétorique, une anaphore est une variété de figure de
répétition, consistant en une ou plusieurs reprises d'un même segment
ou d'un même mot, en tête de vers, ou en tête de phrase. Elle rythme la
phrase, souligne un mot, une obsession, provoque un effet musical,
communique plus d'énergie au discours ou renforce une affirmation, un
plaidoyer ».
Je pense qu'une anaphore, c'est de la forme quand il n'y a pas beaucoup de fond.
Je pense qu'une anaphore, c'est du sermon quand les résultats ne sont pas là.
Je pense qu'un effet musical, c'est mieux que rien, manque plus que la guitare.
Je pense que plus il y a d'anaphore, moins il y a de raisonnement.
Je pense que les champions de l'anaphore ont toujours été les preachers américains.
Je pense qu'on s'est tapé des tonnes d'anaphores pendant la campagne électorale.
Je pense qu'on est parti pour cinq ans d'anaphores.
Je pense que ça ne fait pas avancer le schmilblick.
Je pense que tout cela finira mal.
Lundi 31 Décembre 2007 - 21:56
Jacques Gaillard