Hollande : «Le sarkozysme, c'est un narcissisme»
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L'INVITE DU DIMANCHE
dimanche 30 décembre 2007 | Le Parisien
PREMIER secrétaire du PS et député de la Corrèze, François Hollande
était hier matin dans sa ville de Tulle, avant de regagner Paris hier
soir. Il juge les huit premiers mois de la présidence de Sarkozy.
Considérez-vous que,
avec ses vacances en Egypte, Nicolas Sarkozy ne se montre
pas « digne » de la fonction
présidentielle ?
François Hollande. Nicolas Sarkozy a le droit de partir en vacances où il veut et avec qui il veut.
En revanche, ce qui n'est pas acceptable, c'est la confusion
permanente des genres : entre vie privée et vie publique, intérêts
particuliers et intérêt général, financements privés et financements
publics. Avec Nicolas Sarkozy, il n'y a plus de frontières, sauf celles
qu'il installe lui-même et qu'il expose complaisamment à chacune de ses
séquences de communication.
Qu'est-ce qui vous choque
le plus ? Ne pouvez-vous pas
le créditer, en tout cas,
d'une absence d'hypocrisie ?
Ce qui me choque le plus, c'est justement l'hypocrisie. D'un côté, il
relève de 170 % son traitement pour mettre sa rémunération, dit-il, au
diapason de celles des chefs d'Etat des grandes démocraties ; de
l'autre, il sollicite les faveurs d'un milliardaire généreux pour se
transporter en grand équipage en Egypte. D'un côté, il demande à juste
titre la protection de sa vie privée, de l'autre, il l'expose avec
autant de fierté que de gourmandise. D'un côté, il s'en prend aux
médias, et de l'autre, il les oblige à le suivre dans le récit de sa
propre histoire. Ce n'est pas simplement la fonction présidentielle qui
est en cause, c'est une conception même de la politique. Le sarkozysme,
c'est d'abord un narcissisme.
Parleriez-vous, comme
le journal allemand « Berliner
Zeitung », d'un « nouveau
Napoléon », de surcroît
« imprévisible » ?
Non. Mais je comprends que le comportement de Sarkozy intrigue nos
partenaires européens. Cette manie de tout revendiquer, même les
initiatives des autres, y compris dans la libération des infirmières
bulgares. Cette façon d'imposer ses thèmes - l'Union méditerranéenne
par exemple - sans aucune concertation. Cette indifférence à l'égard
des disciplines européennes, notamment sur le plan de nos finances
publiques. Cette tentation de faire la leçon aux autres et de n'en
respecter aucune pour lui-même. Tout cela finit par irriter sans que la
diplomatie de notre pays en sorte grandie. On peut parler fort au nom
de la France à condition de porter des valeurs, des principes, des
objectifs communs, et non en servant des intérêts personnels ou
mercantiles.
Que diriez-vous
de l'action du président
de la République
depuis huit mois ?
Candidat au nom du pouvoir d'achat, il doit être jugé sur ses résultats
dans ce domaine. Or il n'a su ni relancer la croissance - elle se situe
en dessous de 2 % - ni maîtriser l'inflation, qui dépasse largement 2
%, et pas davantage réduire l'endettement public qui atteint le niveau
record de 65 % de la richesse nationale. Aussi le pouvoir d'achat
est-il rogné de partout : les salaires et les retraites stagnent, les
prix flambent. Et au 1er janvier, malgré les annonces et les plans
votés à la hâte, il n'y aura pas un euro de plus dans le porte-monnaie
des Français. Pire même, le prix du gaz va augmenter de 4 %, et les
malades vont devoir acquitter sur chaque acte de santé les fameuses
franchises. Quant aux heures supplémentaires, elles seront bientôt
rémunérées au tarif des heures normales puisque le Premier ministre
vient d'indiquer aux partenaires sociaux que désormais la durée du
temps de travail serait déterminée au niveau de chaque entreprise et
non plus par la loi. Après les slogans de campagne, voilà la réalité :
« Travailler plus pour payer plus. » La seule rupture que Nicolas
Sarkozy aura en définitive réussie, c'est celle avec ses promesses.
Comprenez-vous
Nicolas Sarkozy lorsqu'il
affirme que la France a,
pour l'essentiel,
des « racines chrétiennes » ?
Non. La France avait jusque-là refusé que, dans les traités européens,
il soit fait référence aux racines chrétiennes de notre continent. Non
pas pour nier notre histoire mais pour rappeler les principes de la
laïcité. Et le chef de l'Etat, plus qu'aucun autre, doit en être le
garant. La République respecte les cultes, mais n'en privilégie aucun.
Sarkozy a également fait un parallèle entre la vocation religieuse et
la vocation politique, qui est aussi déplacé que contestable. Il a une
nouvelle fois entretenu la confusion des genres et des esprits.
François Bayrou reste-t-il,
à vos yeux, un allié
potentiel du PS ?
Je constate que lors des derniers scrutins - élections présidentielle
et législatives - François Bayrou s'est refusé à appeler à voter au
second tour pour les candidats socialistes et à envisager un accord de
désistement avec la gauche. Pour les prochaines municipales, le MoDem
fait liste commune avec l'UMP dans de nombreuses villes comme à
Bordeaux avec Alain Juppé et François Bayrou lui-même veut conquérir
Pau sur le PS ! Convenez qu'on fait mieux comme allié potentiel ! En
fait, sa stratégie n'est pas celle d'une coalition parlementaire avec
le PS, mais d'une compétition pour la présidentielle de 2012. Je fais
davantage confiance aux électeurs du MoDem qu'à François Bayrou pour
faire le choix qui conviendra au second tour des municipales.
La gauche peut-elle espérer,
à l'occasion de ce scrutin,
prendre sa revanche
sur la présidentielle ?
Il ne s'agit pas de prendre une revanche mais de prendre de nouvelles
responsabilités dans le plus grand nombre de villes et de départements
de France. Le scrutin de mars aura une double signification : au plan
national, obliger la droite et Nicolas Sarkozy à une confrontation sur
son bilan un an après la présidentielle ; au plan local, conduire la
gauche à une action utile pour les Français en termes de logement, de
transports, de services à la personne, d'éducation et de développement
durable. Marquer notre opposition sans doute, mais surtout agir et
protéger nos concitoyens sur l'ensemble des territoires.
Quelles sont vos
« bonnes résolutions »
pour 2008, pour vous et
pour votre PS en panne ?
Tirer d'abord les leçons de 2007. Et pour les socialistes, être en 2008
plus cohérents, plus unis, plus collectifs. Ne parler de leur congrès
qu'après les municipales. S'adresser aux Français plus qu'à eux-mêmes,
répondre aux défis d'aujourd'hui sans rien perdre de leur idéal. Et
pour ce qui me concerne, penser d'abord au présent avant tout le reste.
Car c'est lui qui détermine l'avenir.