Ultra-riches et nouveaux pauvres
Ultra-riches et nouveaux pauvres
En ce Noël 2007, quelques images en disent plus long pour décrire
l'évolution du monde que bien des discours. Image, bien sûr, des SDF
dans le froid. Image aussi de ces ultra-riches, nomades d'un nouveau
genre, prêts à payer n'importe quel prix les biens qu'ils convoitent.
D'un côté, des millions de nouveaux pauvres, dont les rangs grossissent
en Occident d'année en année. De l'autre, quelques centaines de
milliers de nouveaux riches, qui ne savent plus quoi faire de leur
argent. Au milieu, cette vaste classe moyenne, fruit de décennies d'un
capitalisme bien ordonné, qui se demande de quoi demain sera fait. Avec
une hantise : tomber, ou voir tomber ses enfants, dans la trappe à
pauvreté.
Le capitalisme sans garde-fou
Le fordisme et le New Deal de Franklin Roosevelt, puis les Trente
Glorieuses avaient généré une formidable prospérité. Le partage de la
valeur ajoutée s'était fait largement en faveur du travail, au
détriment du capital. Et ce, tout simplement parce que le capitalisme
avait un concurrent : le communisme. Il lui fallait donc être plus
performant pour éviter que les populations occidentales ne basculent du
côté de l'adversaire. La démonstration fut éclatante. Non seulement le
système généra beaucoup plus de richesses, mieux réparties, mais il
avait, comme on dit, un plus produit : la liberté. L'URSS abattue, le
communisme décrédibilisé, le concurrent éliminé, le système capitaliste
aurait pu trouver une nouvelle source de jouvence, un développement
harmonieux. Chassez le naturel, il revient au galop ! Le capital, du
moins un certain capital, tenait sa revanche. Grâce à une alliance
contre-nature entre l'indice Standard & Poor's 500, la City et le
Parti communiste chinois, il allait trouver dans l'empire du Milieu
cette gigantesque armée de réserve nécessaire pour faire pression sur
les salariés occidentaux.
Transfert de richesses
La Chine, puis l'Inde, et quelques autres grands pays émergents
deviennent les principaux producteurs de biens et de services. Avec,
pour simplifier, un triple transfert de richesses. Au profit d'une
classe moyenne balbutiante dans les pays émergents, des multinationales
qui améliorent leurs marges et d'une nouvelle noblesse d'argent. Cette
pression sur les salariés occidentaux, rendue possible par la
mondialisation, visait à redéfinir un nouveau partage de la valeur
ajoutée, plus favorable au capital et un peu moins au travail. Le tout
devant, bien sûr, redynamiser des économies occidentales qui avaient
tendance à s'ankyloser. L'ajustement a commencé, il y a près d'un quart
de siècle, chez les Anglo-Saxons. Les syndicats ont été cassés ;
l'ouvrier de la General Motors s'est transformé en vendeur de pizzas.
Nouveau nomadisme
Londres symbolise jusqu'à la caricature cette évolution. C'est la
capitale des ultra-riches, qui côtoient une armée d'immigrés prompts à
leur offrir toute une gamme de services. Les Britanniques les plus
pauvres survivent difficilement, avec de maigres allocations sur le
modèle de notre RMI. Mais ils sont, fort habilement, sortis des
statistiques. Quant à la classe moyenne, elle émigre de plus en plus.
Notamment… en France. Confrontées à une paupérisation relative, les
familles se délocalisent. C'est le nouveau nomadisme, fruit de la
mondialisation. Celui des ultra-riches, avec leurs jets privés. Celui
des immigrés traditionnels, attirés par le miroir aux alouettes de
l'Occident qu'ils croient encore riche. Et celui maintenant des classes
moyennes occidentales, qui tentent de maintenir leur pouvoir d'achat,
en n'habitant plus là où elles gagnent leur vie.
Samedi 22 Décembre 2007 - 00:02
Jean-Michel Quatrepoint