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Mon Mulhouse2
10 décembre 2007

JoeyStarr: "Il faut arrêter cette politique casse-bélier"

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JoeyStarr: "Il faut arrêter cette politique casse-bélier"
                                   

      

Une nouvelle fois, NTM sort un disque -son "Best of"- en pleine agitation des banlieues. Interview d'un enragé engagé.

JoeyStarr à Paris en 2001 (Charles Platiau/Reuters)

Le magazine VoxPopQuand on va interviewer JoeyStarr, on se demande immanquablement comment on va être accueilli. Par le rappeur de NTM devenu porte-parole des banlieues plus ou moins malgré lui? Ou par le personnage public qui occupe alternativement les rubriques faits divers et culture des journaux?

Ce sont toutes ces facettes que Rue89 et VoxPop ont rencontré. Le beat vient des quartiers, les lyrics les décrivent. Les démêlés judiciaires doivent autant à son statut de people qu'au "Seine-Saint-Denis style". Le genre de mélange qui, une fois assimilé, permet d'apprécier avec un certain recul la vie de la cité. Au sens étymologique du terme.

A 40 ans, JoeyStarr ne se range pas lui-même dans cette catégorie. On le fait pour lui. Pas forcément à tort. Il ne s'est pourtant pas rendu à Villiers-le-Bel, épicentre d'un nouvel embrasement des banlieues aussi furtif que violent. Les 25 et 26 novembre, dans le Val-d'Oise, près de 80 policiers ont été blessés, une dizaine de bâtiments incendiés.

Il ne s'y est pas rendu "pour ne pas qu'on confonde tout". Le rappeur est en promo. Après quatre albums, NTM livre un "Best of" (Jive/Epic) dont la sortie coïncide avec la deuxième nuit de heurts à Villiers-le-Bel. Il y dix-sept ans, leur carrière discographique avait débuté avec les émeutes de Vaulx-en-Velin (Rhône). "La boucle est bouclée, le système a la tête sous l'eau", a entretemps chanté le groupe.

"Forcément, t'as donné un bout de ton slip"

Le mélange des genres n'est jamais apprécié. JoeyStarr est bien placé pour le savoir: "J'y serais allé quand même, c'était évident que je l'aurais pris en pleine tête." Quand tu vas "taper ton cul dans une soirée mondaine, (...) forcément t'as donné un bout de ton slip":



A lui et son slip, beaucoup leur en ont voulu. Pas forcément à tort. Encore. La baffe à l'hôtesse de l'air, la participation à l'émission débilo-people de Canal+ "60 jours, 60 nuits"... Le retour de bâton devait venir. Il est venu.

Décembre 2005, Clichy-sous-Bois s'est à peine remise de trois semaines de révoltes dévastatrices que débarquent en Seine-Saint-Denis les parrains du collectif Devoirs de Mémoires. JoeyStarr, Jamel ou Jean-Pierre Bacri viennent inciter les jeunes des quartiers à s'inscrire sur les listes électorales. Les "pourquoi ne vous a-t-on pas vus avant?" et autres "vous ne nous représentez pas" fusent.

Leur combat s'annonce cependant victorieux au mois d'avril de cette année: les inscriptions des jeunes sont en hausse de 10 à 30 % dans les cités. Mais ce fut un "échec", regrette encore aujourd'hui JoeyStarr. La participation n'a pas été à la hauteur des inscriptions. "Les mecs y sont allés par effet de mode et donc sans conviction." Les "mecs" sont "démotivés".

Des médias "auprès de qui tu n'as qu'une chance"

Un manque de motivation lancinant que le rappeur impute en partie à la sphère médiatique. Ces journalistes "que l'infamie démange", "ces plumes anachroniques", écrivait NTM dans "Authentik", en 1991. Didier Morville -de son vrai nom- en a fait le tour depuis cette époque et pourrait toujours "tenir le même discours".

Des médias qui "courent après le sensationnel". Des médias "auprès de qui tu n'as qu'une chance, si tu la loupes tu n'as plus le droit à la parole". Le verbe se fait hargneux, le sujet lui tient à coeur. "On croirait entendre Sarkozy", finit-il par asséner:



Les politiques, il ne veut pas les rejeter en bloc. Peu trouvent toutefois grâce à ses yeux: il a combattu Le Pen, Chirac et son "bruit et l'odeur", maintenant Sarkozy. On lui a beaucoup reproché d'avoir écrit "allons à l'Elysée brûler les vieux" ("Qu'est-ce qu'on attend", 1996), mais il réclame le droit au "second degré".

Il est tout de même l'ami d'un jeune politique: Olivier Besancenot. Ils se sont rencontrés lors d'une émission de radio. Il tient cependant à préciser d'emblée: "C'est mon pote, mais je ne suis pas proche politiquement de lui." Avec le porte-parole de la LCR, JoeyStarr partage Devoirs de Mémoires. Et l'amour du rap.

Sarkozy, sa technique de "pourrissement", ses vocables

Il aurait pu en être de même avec Fadela Amara, la Ni Pute Ni Soumise. Sa nomination au secrétariat d'Etat à la Politique de la Ville? "Ça paraissait une bonne chose, mais c'est de la poudre aux yeux." C'est au Président et ex-ministre de l'Intérieur qu'il préfère directement s'en prendre. A Nicolas Sarkozy, sa technique de "pourrissement", ses vocables. Le rappeur fustige cette "politique casse-bélier" qui clive le pays en "deux France, voire trois":



Musique et politique, un mix contraignant et assumé donc. Qu'il porte ou non, JoeyStarr donne son avis quand on le lui demande. Aux autres d'en apprécier la pertinence. Il n'attend rien pour "foutre le feu", il le chante seulement. D'ailleurs, s'il avait pu s'adresser aux quelques émeutiers de Villiers-le-bel, il leur aurait juste glissé:

"Calme, parce que brûler une bibliothèque, ce n'est vraiment pas terrible. Si on commence à tout brûler, il ne restera plus que les commissariats."

Entretien réalisé avec Jean-Vic Chapus de VoxPop. Retrouvez la version longue dans le numéro de janvier du magazine:

Le magazine VoxPop

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