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Mon Mulhouse2
8 décembre 2007

Pourquoi Julien Dray a porté plainte contre "La Femme fatale"

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Pourquoi Julien Dray a porté plainte contre "La Femme fatale"
                                   

      

Royal et Dray, le 16 novembre 2006 (Jean-Luc Luyssen/Gamma)

La juge Nadine Berthelemy-Dupuy a convoqué jeudi 29 novembre les deux journalistes du Monde pour leur notifier leur mise en examen pour "injures". Julien Dray, porte-parole du Parti socialiste, qui avait déposé plainte dès la parution du livre -le 9 mai-, s'est particulièrement ému de deux passages.

L'un où les auteurs, Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin, le qualifient de "gros chat repu", et l'autre où elles le comparent à Iago, le traître -devenu proverbial- de la tragédie Othello, de Shakespeare.

"Conseiller en sentiment"

"C'est le fait d'avoir été qualifié de Iago qui l'a surtout choqué", relate son avocat, Me Léon-Lef Forster. "Il y a une certaine tolérance dans le milieu politique, mais là, c'est totalement contraire à la réalité." Dans la pièce du grand William, Iago sème la confusion entre Othello et la femme de celui-ci, Desdémone. Dans "La femme fatale", les deux auteurs écrivent, en évoquant le conflit conjugal Royal-Hollande:

"Conseiller en sentiment autant qu'en stratégie politique, il a d'abord navigué de Ségolène à François pour tenter d'arranger les choses. Maintenant, [Julien Dray] va de François à Ségolène dans une stratégie sensiblement inverse. Iago shakespearien du drame qui se joue, il souffle sur les braises comme s'il avait saisi que la trahison privée agirait comme un vigoureux poison sur les ambitions politiques."

La justice tranchera quant au caractère "injurieux" de ce passage. Comme elle le fera sur cette formule guignolesque: "gros chat repu". "Ce n'est pas tant la description physique qui le gêne que le fait d'être présenté comme étant repu de ses turpitudes", commente le conseil du député de l'Essonne.

Cette association avec un mot -"turpitudes"- absent du passage, l'avocat des deux journalistes, Me Patrick Maisonneuve, la conteste fermement:

"En écrivant ces lignes, Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin sont dans la description, puisqu'elles font référence à une photo qui n'est pas dans leur livre. Elles illustrent cette situation."

Un soir de victoire, un moment d'intimité

La photo, prise au soir de la victoire de la candidate socialiste aux primaires de son parti, le 16 novembre 2006, figure ci-dessus. Voici la description que les auteures en font:

"[Aux côtés de Ségolène Royal], affalé comme un gros chat repu, Julien Dray, qui l'a conseillée pendant toute cette campagne interne. Devant eux, sur une table basse, deux coupes de champagne à moitié vides, des assiettes contenant des reliefs de gâteaux."

Une péripétie de plus dans le parcours très mouvementé d'une photo de presse. Prise dans la maison de Ségolène Royal à Melle (Deux-Sèvres), elle a été publiée peu après dans Le Journal du Dimanche.

Paris Match, autre titre du groupe Lagardère, s'est montré très intéressé par l'image. Au point de poser 10000 euros sur la table. Mais Ségolène Royal a fait savoir à la rédaction du magazine qu'elle ne souhaitait pas qu'elle paraisse. Peu désireux de se fâcher dès le début de la campagne avec celle qui pouvait devenir présidente de la République, le magazine a cédé.

Image retirée du serveur Gamma

Et l'agence Gamma, où travaille Jean-Luc Luyssen, l'auteur de la photo, est devenue beaucoup plus parcimonieuse. L'image a été retirée du serveur auquel les médias ont un accès direct. Le Monde 2 s'en est ému, en reprenant seulement la Une du JDD.

Depuis, les journaux n'obtiennent la photo du "gros chat" et de la blanche colombe qu'au compte-goutte: Le Point, dans le cadre d'un portfolio sur le livre collectif illustré par Jean-Luc Luyssen et Elodie Grégoire ("Au plus près du Président: Images de campagne", Editions du Moment), et le dernier numéro des Dossiers du Canard sur "Les nouveaux censeurs". Un point c'est tout. Alors qu'elle a été réclamée pour publication une vingtaine de fois en un an.

Le cliché ne fera pas non plus carrière dans l'édition. Julien Dray lui-même avait souhaité l'utiliser pour la couverture de son livre "Règlement de compte" (Hachette littératures), paru en novembre. Ségolène Royal s'y étant opposée, l'auteur a renoncé.

Albin Michel, l'éditeur de Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin, est aussi visé par la plainte de Julien Dray, et par les assignations de François Hollande et Ségolène Royal. L'éditeur n'a pas souhaité commenter.

Royal et Hollande demandent 160000 euros de dommages et intérêts

L'ancienne candidate et le Premier secrétaire du Parti socialiste, défendus par Me Jean-Pierre Mignard (lui-même abondamment cité dans le livre), ont déposé des assignations au civil sur deux fondements: "atteinte à l'intimité de la vie privée" (Ségolène Royal demande 30000 euros, François Hollande 50000), et "diffamation publique" (celle-ci émanant de la seule Ségolène Royal, qui demande 70000 euros supplémentaires). A ces sommes, il faut ajouter 10000 euros pour les frais de justice.

Julien Dray, lui, ne demande pas de dommages et intérêts. Pour son avocat, les deux passages incriminés "s'inscrivent dans un contexte général du livre, une propension de l'ouvrage à donner de lui l'image d'un calculateur, d'un manipulateur." La partie adverse récuse cette interprétation et considère que Julien Dray alimentait simplement la chronique sur les dissensions du couple.

Quand Dray se qualifiait lui-même de "gros nounours"

Là encore, la justice tranchera... Notons simplement que Julien Dray ne rechigne pas à se moquer de son physique. Le "gros chat" s'est lui-même qualifié de "gros nounours", selon Le Nouvel Observateur du 6 décembre. Dans son livre, le porte-parole du PS écrit également, au milieu d'une diatribe contre les "éléphants" du parti:

"Certains [lecteurs] pourraient me rétorquer: 'Vous avez beau jeu de les critiquer, vous en êtes un vous-même!' Pour ce qui est du physique, je le reconnais (sourire)."

Les trois auteurs ne sont décidément pas sur la même longueur d'onde. Quoique... Julien Dray écrivait dans les premières pages de son "Règlement de comptes", en évoquant l'imposante littérature sur l'ex-prétendante à l'Elysée:

"Fondamentalement, tout était déjà présenté dans 'La femme fatale', sorti seulement trois jours après les résultats du second tour."

Julien Martin et Augustin Scalbert

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