Quand la police appelle à la dénonciation
Fait Divers
INITIATIVE.
jeudi 06 décembre 2007 | Le Parisien
(SIPA/NIKO.)ZOOM
Une adresse e-mail reliée à un serveur installé dans le commissariat de Toulon devrait ouvrir dans les jours qui viennent pour recevoir des informations de citoyens témoins de délits. Ce projet suscite l'inquiétude et la réticence d'avocats.
ON N'ARRÊTE PAS le progrès... Le département du Var est le terrain d'une expérience
inédite pour lutter contre la délinquance : installer un serveur de messagerie à l'hôtel de
police de Toulon pour recevoir informations, photos et petits films d'internautes « citoyens
», témoins de délits divers sur l'ensemble du département. Les renseignements seront ensuite
vérifiés en interne pour parer à d'éventuels dérapages : délation, montage, dénonciations calomnieuses...
Dans
les jours qui viennent, tous les messages envoyés par courriel à l'adresse police.83/interieur.gouv.fr
aboutiront au centre de commandement et d'information du commissariat de Toulon, où plusieurs
policiers seront chargés de trier les informations susceptibles d'être utilisées et les messages
fantaisistes ou carrément calomnieux. Les données fiables pourront ensuite être exploitées par
les services compétents sous l'autorité du parquet.
« Bien évidemment, la justice prendra toutes
les précautions d'usage et chaque pièce sera soumise au contrôle des magistrats », prévient
Pierre Cazenave, procureur de Toulon. « En fait, l'idée vient d'un constat simple : lors de
chaque événement, il y a toujours des témoins qui ont en leur possession des photos ou des documents
et souhaitent les faire connaître. Ce service permet simplement de répondre à leur initiative.
» Plus généralement, la direction de la sécurité publique voit dans ce projet une contribution
civique des citoyens et une amélioration de l'action des services. Mais elle se refusait hier
à tout autre commentaire sur une telle initiative.
Du côté du ministère de l'Intérieur à Paris,
on ne dissimule pas sa surprise face à la mise en place de ce dispositif dans le Var : « C'est
une initiative locale qui ne correspond pas aux projets que nous mettons en place au niveau
national. A priori, ce n'est pas très intéressant et il n'est pas question de généraliser ce
type de site Internet », assène-t-on place Beauvau. Le projet de l'Intérieur vise plus un système
de préplainte par Internet, comme il en existe dans des pays européens comme la Belgique ou
l'Italie, mais exclut toute forme de dénonciation : « Le dispositif ne visera que les plaintes
contre X », confirme le ministère, qui lancera des tests en début d'année 2008, probablement
dans les Yvelines et la Charente-Maritime.
« Avec ce système, comment se prévenir
des abus ?
»
Les syndicats de policiers, eux, ne sont a priori pas contre l'utilisation d'Internet. Néanmoins,
ils réclament des moyens supplémentaires bien réels en hommes et en matériel pour exploiter
ce type d'informations. « Certes, informer les services de faits susceptibles de constituer
des infractions est admis dans notre droit mais, avec ce système, comment se prémunir des abus
? C'est le risque de voir dénoncer via Internet tout et n'importe quoi : son voisin, ses ennemis...
et de se venger à peu de frais », remarque M
e
Penne, avocat au barreau de Toulon.
« Sans compter qu'avec Internet on peut facilement truquer des images, envoyer de fausses informations
et trafiquer des films. C'est un peu inquiétant. »