L'agression contre Védrine ou les excès de la justice militante
L'agression contre Védrine ou les excès de la justice militante
Les médias n'ont rien vu ou rien voulu voir: ni les agences de presse, ni les quotidiens et encore moins les télévisions. L'agression dont a été victime Hubert Védrine,
le mercredi 28 novembre à l'entrée du Cercle militaire, place Saint
Augustin, à Paris, a été quasi totalement passée sous silence. Seuls Marianne2 et
deux ou trois autres sites du Net en ont rendu compte. Certes il n'y a
pas eu mort d'homme : l'ancien secrétaire général de l'Elysée du temps
de François Mitterrand a « juste » été aspergé de peinture rouge par
une jeune femme l'accusant de complicité de génocide dans l'affaire
rwandaise. Pendant ce temps, ses camarades de l'association « Génocide
made in France » tendaient une banderole reprenant grosso modo la même
accusation. Accusation gravissime s'il en est : Védrine, en tant que
membre du conseil restreint de Défense, appartiendrait au cercle des
responsables politiques et militaires français de l'époque ayant
cyniquement soutenu le régime « hutu » du président Juvénal Habyarimana
malgré la préparation, connue de tous, paraît-il, d'un génocide contre
la minorité tutsi.
Des ONG supposées indepéendantes
Védrine est donc supposé répondre des fautes que le régime de Paul
Kagamé, l'ancien chef des rebelles tutsis devenu président, reproche à
la France avec le but clairement affirmé de la faire un jour condamner
par une instance pénale internationale. Entreprise activement relayée
depuis des années par plusieurs ONG que l'on aimerait croire totalement
indépendantes.
L'accusation n'est donc pas anodine, pas plus que
l'agression du petit commando de la place Saint Augustin qui, à l'image
d'un Nicolas Sarkozy annonçant l'arrestation de « l'assassin du Préfet
Erignac », se moque visiblement comme d'une guigne de la « présomption
d'innocence.»
Quand en 1968, en plein congrès de la CDU, la grande
formation conservatrice allemande, Beate Klarsfeld gifla publiquement
le chancelier alors au pouvoir, Kurt Kiesinger, en le traitant de nazi,
l'épouse et complice de Serge Klarsfeld n'agissait pas en fonction de
vagues rumeurs. Kiesinger avait bel et bien milité au parti nazi et
même travaillé sous les ordres de Joachim von Ribbentrop, le ministre
des Affaires Etrangères du Troisième Reich. « Génocide made in France
», qui, même dans sa rhétorique, s'en prend aux supposés « complices »,
et non aux génocidaires en tant que tel, ne peut invoquer des preuves
aussi incontestables concernant Védrine mais tient néanmoins sa vérité
sur le génocide pour incontestable. Ils sont bien les seuls avec
quelques imprécateurs cachés sous les habits du journaliste, du
chercheur ou de « l'observateur impartial ».
Les autres, tous ceux qui ont plongé
dans le drame rwandais, lors du génocide ou après, en sont ressortis
avec beaucoup plus de questions que de certitudes. Questions
effectivement sur le rôle de la France et des accords militaires passés
avec un régime décrié… comme tant d'autres sur la planète. Questions
sur les ambiguïtés de l'Opération Turquoise, la tardive intervention
militaro-humanitaire de la France qui a permis de sauver plusieurs
milliers de Tutsis (sur près de 800 000 morts) mais aussi facilité
l'exfiltration de certains chefs génocidaires « Hutus » vers le Zaïre.
Questions sur les auteurs de l'attentat ayant coûté la vie à l'ancien
président Habyarimana, donnant ainsi un prétexte à l'effroyable chasse
à l'homme. Questions enfin sur le rôle des autres puissances
occidentales directement concernées alors par les tensions dans la
région des Grands Lacs, la Belgique, la Grande-Bretagne ou les
Etats-Unis, autant de pays auxquels les militants de « Génocide made in
France » ne semblent rien avoir à reprocher.
Kagamé accusé
Les réponses il est vrai tardent à venir. Une enquête parlementaire
avait été confiée à Paul Quilès mais, le Parlement étant ce qu'il est
en France, c'est-à-dire une institution sans réel pouvoir de contrôle
sur l'exécutif, le résultat a été bien maigre. Des procédures
judiciaires sont en cours. Le tribunal des Armées à Paris instruit
toujours les plaintes de deux victimes tutsis contre la France.
Parallèlement un nouveau magistrat a repris le dossier du juge
Bruguière contre Paul Kagamé et plusieurs de ses proches accusés d'être
les instigateurs de l'attentat contre Habyarimana. Enfin le tribunal
pénal international pour le Rwanda (TPIR), basé à Arusha en Tanzanie a
déjà condamné plusieurs génocidaires et poursuit ses auditions. À la
grande fureur de Kagamé et de certaines ONG, il a transféré à la
justice française le soin de juger directement certains « présumés
coupables » qui se sont réfugiés dans l'hexagone. Les militants de «
Génocide made in France » ne laissent eux à personne d'autre le soin de
mener à bien leur propre justice : il y a un procureur mais pas
d'avocat.
Dimanche 02 Décembre 2007 - 00:21
Alain Léauthier