Google censure un site qui a mené des policiers égyptiens en prison
LE MONDE | 29.11.07 | 15h45 • Mis à jour le 29.11.07 | 15h45
La
dernière vidéo mise en ligne par Wael Abbas était un reportage de CNN
qui lui était consacré, ce que montre cette copie d'écran, en mémoire
cache, fournie par Google, de la page censurée. D.R. |
ael Abbas, 33 ans, est égyptien. Journaliste, il a créé son blog en 2004 afin d'éviter la censure et les pressions auxquelles sont confrontés ses confrères. "En Egypte, les blogueurs sont les dernières voix vraiment indépendantes", dit-il. Abbas, qui a couvert nombre de manifestations et dénoncé plusieurs cas de corruption et de violences policières, a depuis été arrêté, interrogé, battu aussi, et s'est taillé une réputation sur la blogosphère. Le 5 novembre, il remportait une importante victoire : deux policiers ont été condamnés à trois ans de prison pour avoir sodomisé avec un bâton un conducteur de minibus qui avait osé s'interposer dans une altercation opposant son cousin et un officier de police. La scène avait été filmée au moyen d'un téléphone portable, afin d'humilier la victime et de servir d'exemple. Une personne qui avait eu accès aux images les avait proposées, en vain, aux médias égyptiens.
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FERMETURE DE COMPTE
Le 13 novembre, Wael Abbas remportait une seconde victoire. Le Centre international des journalistes, une fondation américaine, décidait de lui remettre, de conserve avec une journaliste d'investigation birmane, son prix Knight, décerné chaque année à des journalistes qui honorent l'esprit d'indépendance de la profession. En lui décernant son prix, remis pour la première fois de son histoire à un blogueur, les organisateurs ont déclaré vouloir "honorer ceux qui dévoilent ce que personne d'autre ne couvre, et encourager les autres à suivre leur exemple".
Le 22 novembre, Wael Abbas subissait pourtant un revers : la fermeture de son compte YouTube, sans préavis, par Google. La centaine de vidéos qu'il y avait stockées, dont plusieurs témoignant de violences policières, ne peuvent plus y être visionnées. Wael Abbas est accusé de "violation des conditions d'utilisation" de YouTube.
Google déclare ne pas avoir de commentaire à faire et refuse de rendre publiques les raisons qui ont entraîné la fermeture du compte, arguant du fait que cela violerait la vie privée d'Abbas. Or ce dernier déclare n'avoir reçu aucun avertissement préalable du portail Internet et aucune réponse à ses demandes d'explication depuis la fermeture de son compte.
Mis devant le fait accompli, le journaliste a décidé de se battre contre Google, qu'il accuse de soutenir les violences policières de la "dictature" égyptienne.
Site Internet : http://misrdigital.blogspirit.com.
Jean-Marc Manach
Article paru dans l'édition du 30.11.07.