Face à la controverse, Taser tente de rassurer
jeudi 29 novembre 2007, mis à jour à 20:20
Arme
Eric Pelletier, Anne-Laure Pham
La société Taser a mené, mercredi, une opération de communication et de promotion, à Paris: elle a convaincu un député suisse, appartenant à la formation populiste UDC, de se faire tirer dessus afin de démontrer l'innocuité de son pistolet à décharges électriques. L'arme suscite toujours un vif débat.
van
Perrin, 41 ans, député suisse de l'Union démocratique du centre (droite
populiste) - et inspecteur de police dans le canton de Neuchâtel -
s’est prêté mercredi à une démonstration organisée à Paris par la
société Taser France. Ce cobaye s'est effondré sur la moquette de l'une
des salles du Press Club, retenu dans sa chute par deux hommes. Il
décrit les sensations provoquées par l'expérience:
Le Taser pas dangereux? Ce n'est pas l'avis du comité de l'ONU contre la torture qui estime que cette arme constitue une "forme de torture" et qu'"elle peut provoquer la mort". Une opinion partagée par cette autre députée suisse, Anne-Catherine Menétrey-Savary (Verts). Présente à la démonstration mercredi, elle est choquée, dit-elle, par cette "mise en scène" médiatique:
Le principe de cette arme, dite non létale: neutraliser, sans le tuer, un agresseur ou un forcené placé à une faible distance grâce à une forte impulsion électrique. L'appareil, dont la coque en plastique contient une petite batterie, projette jusqu'à 6,50 mètres environ deux électrodes qui viennent se ficher dans les vêtements ou la peau de la cible. La décharge électrique (50 000 volts avec un faible ampérage) agit sur le système nerveux, coupant la communication entre le cerveau et les muscles. Elle tétanise le corps de l'homme ou de l'animal qui, touché, s'écroule au sol.
La polémique autour du produit court toujours, relancée en octobre dernier par une vidéo montrant les derniers instants d'un ressortissant polonais, Robert Dziekanski, immobilisé par un tir de Taser et maintenu à terre à l'aéroport de Vancouver, au Canada. Antoine Di Zazzo, directeur général de Taser France, commente le drame:
En France, les forces de police ont testé le Taser X 26 dès 2004. Après cette phase d'expérimentation considérée comme concluante par le ministère de l'Intérieur, l'arme est entrée officiellement en service il y a un an. Environ 5000 pistolets à impulsions électriques, assimilés à des armes de 4e catégorie au même titre que les revolvers 357 magnum par exemple, sont en dotation. Les premiers à en être équipés ont été les services d'intervention spécialisés, notamment la Brigade de recherche et d'intervention (ex-anti-gang), à Paris, puis les brigades anticriminalité en banlieue ou encore les services de protection des personnalités. Il n'est pas question, insiste-t-on à la Direction générale de la police nationale (DGPN), de doter l'ensemble des forces de l'ordre de pistolets à impulsion électrique. Les fonctionnaires qui en disposent doivent auparavant suivre une formation spécifique. "Personne n'a été contraint de tester l'arme sur lui, relate un commissaire. Mais, en pratique, certains l'ont fait de leur propre initiative. La douleur est réelle, violente et fulgurante, mais elle est passagère. Le plus troublant reste la sensation de perte totale du contrôle de son corps". La plupart des fonctionnaires interrogés se disent satisfaits de l'utilisation, même s'ils considèrent que son usage doit être limité à certaines situations, celle d'un forcené par exemple.
Chaque pistolet, vendu 1050 euros formation comprise, est doté d'une
"boîte noire", une caméra qui entre en fonction dès la mise sous
tension afin d'enregistrer images et son. Une guidée optique laser se
dessine sur la cible, ce qui, selon un utilisateur, se révèle très
dissuasif. Le pistolet Taser n'est pas accessible au public mais des
armes électriques, comme certaines matraques ou des "choqueurs", sont
en circulation, notamment par le biais d'Internet. Le ministère de
l'Intérieur est sur le point d'autoriser les polices municipales à se
doter du Taser X 26. Un décret en ce sens est en préparation.
Aucun
cas mortel n'a été signalé depuis que le Taser X 26 est utilisé par la
police française. En revanche, la Commission nationale de déontologie
de la sécurité a été amenée à se pencher sur un cas d'utilisation
présumée abusive, en marge d'une manifestation. En septembre dernier,
un policier qui intervenait pour maîtriser une femme, à bout de nerfs,
munie d'un couteau, dans le XVIe arrondissement de Paris, a été
sérieusement blessé. Selon des sources proches du dossier, le
fonctionnaire a appliqué à la lettre la procédure, en indiquant qu'il
allait tirer et utilisant la guidée laser. La quinquagénaire s'est
alors jetée sur lui. Il a utilisé son Taser mais seul l'un des deux
dards se serait fiché dans la cible qui n'a pas été maîtrisée. Le
policier, sérieusement blessé par trois coups de couteau, a été sauvé
grâce à son gilet pare-balles. Son collègue a ouvert le feu, blessant
sérieusement l'agresseur. Par balle cette fois.