Pauvreté "De plus en plus de gens décrochent"
jeudi 8 novembre 2007, mis à jour à 08:15
Pauvreté
Propos recueillis par Thomas Bronnec
Le Secours Catholique publie jeudi un rapport sur la géographie de la pauvreté en France. Gilbert Lagouanelle, qui a dirigé cette étude, estime que la situation se détériore. Il explique pourquoi.
Etre pauvre, qu’est ce que cela signifie ?
Il
ne faut pas réduire la pauvreté à son aspect monétaire. Il existe un
seuil de pauvreté, qui est de 817 euros par mois, mais ce n’est pas
seulement cet indicateur qu’il faut regarder quand on parle de
pauvreté. Il faut aussi prendre en compte, par exemple, la situation
géographique ou encore la situation familiale. Notre étude porte sur la
population rencontrée en 2006, c’est à dire sur 1,55 millions de
personnes. Mais il y a aujourd’hui sept millions de pauvres en France,
et il y a presque autant de définitions de la pauvreté.
Comment la pauvreté évolue-t-elle ?
La
première tendance, c’est que les pauvres sont de plus en plus âgés. En
2006, les plus de 50 ans représentaient 21% des gens que l’on
rencontrait, soit 1% de plus qu’en 2005. Il s’agit souvent de gens qui
ont connu des périodes de chômage prolongées durant leur vie active,
notamment à la fin, et qui n’ont donc pas cotisé suffisamment pour
percevoir une retraite à taux plein. Il y a également de plus en plus
de familles monoparentales parmi les pauvres : six enfants sur dix,
dans la population aidée par le Secours catholique, sont dans cette
situation. Ensuite, les gens qui ont un emploi se font de plus en plus
rares : seuls 18% des personnes que nous avons rencontrées
travaillaient, dont une très grande partie à temps partiel. Et parmi
les chômeurs, les deux tiers ne bénéficiaient pas des allocations des
Assedic. Enfin, et c’est aussi une tendance lourde, les pauvres ont de
plus en plus de mal à se loger. Le logement social, engorgé, est
inaccessible pour beaucoup et il faut donc recourir au parc locatif
privé, plus cher. Certains se retrouvent à la rue, faute de devoir
payer : les SDF représentent 5% de la population que l’on rencontre
dans nos centres.
Il n’y a donc pas d’amélioration de la situation …
Pas
du tout. La pauvreté ne diminue pas, et je dirais même qu’elle se
durcit. De plus en plus de gens décrochent, sont en situation
d’exclusion, sans perspective de s’en sortir.
Quelles sont les régions les plus touchées par la pauvreté ?
Aucune
région n’est épargnée, mais aucune région n’est homogène. Parmi les
pauvres, il y a plus de jeunes dans l’Ouest et plus de personnes âgées
dans le Sud. L’isolement est plus prononcé en Bretagne et en
Provence-Alpes-Côte d’Azur que dans le Nord-Pas de Calais ou la
Champagne-Ardennes. Et en Ile-de-France, beaucoup de pauvres occupent
un emploi à temps plein, payé au Smic, mais ne parviennent pourtant pas
à joindre les deux bouts.
Quelles pistes proposez-vous pour améliorer la situation ?
D’abord,
en prenant conscience que la pauvreté a un coût pour la collectivité et
que, pour diminuer ce coût, il faudrait réduire les inégalités, mieux
partager les richesses. Concrètement, cela peut prendre par exemple la
forme d’une remise à plat de la fiscalité locale. On peut être pauvre
et pourtant, parce qu’on habite telle ou telle commune, payer une taxe
d’habitation ou une taxe foncière plus importante qu’une personne plus
riche résidant dans une commune voisine. C’est absurde. Il faut donc
introduire plus de solidarité entre les différents territoires d’une
même région, et même entre les différents quartiers d’une même ville.
Il serait également judicieux de raisonner en terme de bassin de vie,
et non pas seulement de bassin d’emploi : en clair, là où il y a des
entreprises, créer aussi des logements, fournir des services, et des
transports, pour réduire le coût lié au fait même d’avoir un emploi.