Lettre ouverte d'un militant socialiste à Fadela Amara
Lettre ouverte d'un militant socialiste à Fadela Amara
Madame,
Il fut une époque où j'aurais certainement dit Fadela, tant votre
cause me semblait juste et que je m'en sentais proche et solidaire. En ce
temps, pas si éloigné que ça, je signais les pétitions que lançait votre association et je vous admirais.
Mais depuis votre entrée dans le gouvernement de Nicolas Sarkozy ou François
Fillon, on ne sait pas trop bien, je dois avouer que, pour reprendre un
termecher à vos nouveaux amis politiques, il y a entre vous et moi
comme une rupture. Il semble en effet que le sens de nos luttes
respectives et de nos engagements ne convergent plus, j'ai bien peur
même qu‚étant donné lestextes de lois que vous cautionnez, ils
divergent.
Madame donc, j'ai eu l'occasion de vous voir prendre la
parole dans l'émission « A vous de juger » présentée par Arlette Chabot
sur France 2. Outre que dans cette émission, il semble que l'on veuille
« éviter les sujets qui fâchent »
et plaire à Nicolas Sarkozy, j'ai surtout été choqué par vos propos sur
le Parti Socialiste. Remarquez que sur le Parti Socialiste et par
exemple votre interlocuteur, Pierre Moscovici, il y aurait beaucoup à
dire, notamment sur l'atonie de ceux qui devraient être les premiers
opposants au gouvernement dont vous faites partie.
Il n'y a pas que l'ADN de dégueulasse
Mais ce soir là, vous avez laissé entendre, en prenant l'exemple de
Georges Frêche que le Parti Socialiste est un parti gangrené par le
racisme. Je tiens à vous faire remarquer que ma section vota
unanimement pour que le Bureau National du PS prenne la décision
d'exclure Georges Frêche. En vous servant de ce cas particulier, vous
avez sciemment suggéré que le PS était raciste. Je ne sais pas si vous
mesurez l'ampleur de l'insulte faites à des milliers de militants très
souvent engagés dans la lutte contre le racisme et les discriminations,
qui soutiennent, parfois protègent les sans papiers persécutés par
votre gouvernement et qui risquent pour cela depuis les premières lois
Sarkozy sur l'immigration, d'être assignés devant les tribunaux. Vous
savez, ces militants et militantes qui soutiennent les enfants et leurs
parents que votre collègue et Ministre de l'Immigration et de
l'Identité Nationale fait arrêter jusque devant les écoles. Je vous
parle de ces gens persécutés par la police qui finissent en désespoir
de cause par se défenestrer. Ou encore qui entament des grèves de la
faim dans l'indifférence générale dont la vôtre.
Je me souviens d'une affiche du Parti Socialiste qui disait « Nous n'avons pas, nous n'avons jamais eu et nous n'aurons jamais la mémoire courte ».
Je ne sais pas si la votre est défaillante depuis que vous êtes au
gouvernement, mais il semble que vous oubliez quelques faits que je me
sens
obligé, étant donné la teneur de vos propos, de vous
rappeler. Peut-être que les choses vont vous revenir et si ce n‘est pas
le cas, elles auront au moins le mérite de rétablir quelques vérités.
Madame Amara, vous cautionnez par
votre simple présence dans ce gouvernement une loi votée qui autorise
les test ADN dont vous avez certes dit qu'ils étaient « dégueulasses »
mais qui a bel et bien été votée par la majorité qui soutient votre
gouvernement. Vous voyez, pour beaucoup de socialistes
comme moi qui trouvons que ces tests et au delà le texte
de loi sur l'immigration dans son ensemble effectivement dégueulasses,
il nous semble que lorsqu'un texte de loi aussi crapuleux est proposé
par un gouvernement dont on fait partie, on prend ses distances avec le
gouvernement en question. Or, ce n'est pas votre cas.
Sarkozy n'a jamais parlé d'homme russe ou américain
(…) Il me paraît nécessaire, pour que les choses soient claires, de
rappeler quelques autres faits : c'est votre nouvel ami Nicolas Sarkozy
qui, il y a quelques mois, parlait de nettoyer les banlieues au
Karcher. C'est encore lui au risque de stigmatiser l'ensemble de la
population des banlieues qui
parla de « racailles ». La mémoire vous revient-elle ? Non ?
Le même Nicolas Sarkozy dont l'art de l'amalgame n'est plus à démontrer, parla aussi, lors de sa campagne, « des moutons que les musulmans égorgent dans leurs baignoires ». On aurait voulu stigmatiser l'ensemble des musulmans les faisant passer pour des barbares, on ne s'y serait pas pris
autrement.
Je vous rappelle également que Nicolas Sarkozy a bénéficié lors de
l'élection présidentielle d'un report des voix du FN comme jamais un
candidat dit républicain n'en avait bénéficié. Parmi les fervents
supporters de Nicolas Sarkozy, il y a un certain Pascal Sevran qui
disserta de manière pour le moins polémique sur la démographie en
Afrique. Cela n'a pas semblé choquer outre mesure ni vous ni votre
patron. Doit-on alors s‚étonner si plus récemment, lors
d'un discours en Afrique, Nicolas Sarkozy a parlé de « l'homme Africain
» ? Comme s'il y avait l'homme africain et l'homme européen ?
Etrangement, vous ne l'avez peut être pas remarqué, mais moi socialiste
ça ne m'a pas échappé, lors de ses interventions aux Etats-Unis ou en
Russie, je n'ai pas entendu Sarkozy parler de l'homme russe ou de
l'homme américain. Voyez, en tant que socialiste et d'ailleurs en tant
que citoyen tout court ce genre de distinction me fait froid dans le
dos.
Alors, Fadela Amara, s'il vous plaît,
évitez-nous les leçons de lutte contre le racisme. Vous n'êtes
franchement pas très bien placée pour nous en donner. Si, pour vous,
une photo du gouvernement avec trois femmes issues de l'immigration
suffit à cautionner des lois et des propos stigmatisant et
discriminant à l'égard des immigrés ou de leurs enfants,
ce n'est effectivement pas notre conception de ce que devrait être la
lutte contre les discriminations et le racisme. Si le fait de servir de
caution à des
politiques nauséabondes ne vous dérange pas, si vous
soutenez ou vous vous taisez aujourd‚hui sur des politiques ou des
propos qui semblent contraires aux convictions dont on vous croyait un
temps la porte parole, c'est une chose. C'est un problème entre vous et
votre conscience. Mais que vous
salissiez devant des milliers de téléspectateurs
l'engagement et les convictions de milliers de militants du Parti
Socialiste qui se battent jour après jour contre ces politiques et ces
propos de votre gouvernement me semblent être une toute autre chose. « Une chose dégueulasse. », justement.
Puisse la clairvoyance vous revenir. Bien à vous et bonne chance pour votre mission gouvernementale.
Samedi 27 Octobre 2007 - 14:37
François Guérin
Lu 4289 fois