Bricolage constitutionnel
Bricolage constitutionnel
Où l'on constate que la coïncidence entre élections présidentielle et législatives a rendu bancal notre dispositif constitutionnel.
On ne réforme pas une Constitution, on la change. Les flottements, pour
ne pas dire les frottements, quasi quotidiens entre l'Élysée, Matignon,
le gouvernement et la majorité parlementaire découlent, pour une large
part, de la réforme votée en juin 2000 ramenant le mandat présidentiel
de sept à cinq ans. Une réforme baptisée de consensuelle, puisqu'elle
fut préparée par le gouvernement socialiste de Lionel Jospin et appuyée
par Jacques Chirac. Chacun avait ses arrière-pensées et son calendrier
électoral. D'où l'autre funeste erreur qui consista à faire coïncider
élection présidentielle et législative. Ce système pouvait paraître
cohérent. Il est, en fait, pernicieux. Car il n'y a plus réellement de
fusible.
Sous la Ve, le premier ministre, puis
l'Assemblée, pouvaient, en cas de crise, être sacrifiés par le
président. C'était un moyen de rebattre les cartes, voire de redonner
la parole au peuple, ce qui s'est traduit par trois cohabitations.
Désormais, Nicolas Sarkozy, tant par tempérament que par le biais
institutionnel, se retrouve en première ligne. Sans fusible. Que se
passera-t-il si le pays connaît une crise majeure ? Faire sauter le
premier ministre ne servirait à rien, puisque ce dernier n'existe
pratiquement plus. Dissoudre l'Assemblée serait une fausse solution,
puisque c'est la politique d'un président omniprésent qui serait alors
responsable. Il n'aurait donc plus d'autre choix qu'entre
l'affrontement dans la rue et la démission.
Ces problèmes constitutionnels sont
suffisamment importants pour qu'on ne se contente pas de "réformettes",
de bricolage. Soit on revient aux fondamentaux d'une Ve République, qui
a assuré au pays une de ses plus longues périodes de stabilité
institutionnelle. Soit on passe à la VIe, on ose le dire et on soumet
le projet aux Français. Mais il faut savoir qu'une Constitution se doit
d'être un ensemble cohérent. Il faut donc tout remettre à plat :
pouvoirs respectifs entre l'exécutif et le législatif, durée des
mandats des uns et des autres, etc.
La Constitution de la Ve se voulait
une œuvre originale, collant à l'histoire du pays et à ses
particularismes. Une sorte de moyen terme entre la Constitution
américaine qui épouse le fédéralisme des États-Unis, le parlementarisme
britannique, avec sa monarchie constitutionnelle, et les régimes
d'Assemblée, dont le plus néfaste exemple fut celui de la IVe
République.
On sait que Nicolas Sarkozy penche
pour le modèle américain et un véritable système présidentiel. Mais,
dans ce cas, il faut aller jusqu'au bout de la logique. En instaurant
des rendez-vous électoraux réguliers, des mid term elections. En
réformant aussi le Sénat et son mode d'élection. Le pays est-il prêt
pour une telle transformation ? On pourrait aussi, puisque nous sommes
une monarchie républicaine, chercher un monarque quelque peu potiche.
Et donner le pouvoir au chef de la majorité parlementaire, comme en
Espagne ou en Grande-Bretagne. Mais dans ce cas, l'originalité
française, qui consiste dans l'élection du président au suffrage
universel, à laquelle le peuple est très attaché, disparaîtra. Et,
compte tenu de nos penchants, on peut craindre un retour à l'anarchie
de la IVe. À moins que Nicolas Sarkozy n'ait trouvé l'inspiration en
Russie et une martingale auprès de Vladimir Poutine, avec une nouvelle
Constitution à géométrie variable, permettant, dans tous les cas de
figure, de conserver le pouvoir !
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